ARSENAULT, PIERRE-PAUL (baptisé Peter Arseneaux), prêtre catholique, éducateur, agriculteur et folkloriste, né le 18 mai 1867 à Tignish, Île-du-Prince-Édouard, fils de Sylvain Arsenault et de Tharsile Bernard ; décédé le 22 novembre 1927 à Mont-Carmel, Île-du-Prince-Édouard.

Pierre-Paul Arsenault fut l’un des principaux animateurs de la communauté acadienne insulaire du début du xxe siècle. Il grandit dans une petite ferme dans une famille peu fortunée de dix enfants. Il fréquenta l’école locale puis, grâce à une bourse créée en 1877 par le père Sylvain-Éphrem Perrey*, il put s’inscrire en 1884 au collège Saint-Joseph de Memramcook au Nouveau-Brunswick, où il se distingua non seulement par ses brillants résultats, mais aussi par sa participation aux activités culturelles et sportives. Il fut successivement trésorier, président et secrétaire de la Société Saint-Jean-Baptiste, regroupement qui mettait à l’honneur la langue et la culture françaises au sein de ce collège bilingue. Il termina ses études classiques en 1889, mais demeura au collège. Il y enseigna tout en poursuivant des études théologiques qu’il termina au grand séminaire de Québec, où il fut ordonné le 5 novembre 1893.

Immédiatement après son ordination, Arsenault rentra dans sa paroisse natale, où il demeura comme vicaire pendant près d’un an. Il fut ensuite vicaire dans la paroisse St Dunstan à Charlottetown, poste qu’il occupa jusqu’à sa nomination à la cure de la petite paroisse acadienne Notre-Dame-du-Mont-Carmel, au mois d’octobre 1896. Il en fut curé jusqu’à la fin de sa vie. Par sa personnalité attachante et son dynamisme, il réussit rapidement à rassembler ses paroissiens et à réaliser d’importants projets, notamment la construction de l’une des plus remarquables églises de la province, œuvre de style néogothique de l’architecte québécois René-Pamphile Lemay.

Comme de nombreux curés du temps, Arsenault exploitait une ferme où il mettait en pratique les meilleures techniques du jour. Son entreprise servait d’ailleurs de modèle aux agriculteurs de sa paroisse. Pour promouvoir le mouvement agricole, Arsenault participait aussi aux activités des organismes locaux. Il joua, par exemple, un rôle important dans la mise sur pied en 1914 de la Prince Edward Island Co-operative Egg and Poultry Association, dont il devint le président fondateur. Cette coopérative, qui regroupait les nombreux Cercles des œufs établis dans l’île, veillait à la qualité du produit et à obtenir un bon prix pour ses membres, pour qui la vente des œufs constituait à l’époque un revenu d’appoint important.

L’instruction des Acadiens et la promotion de la langue française furent les causes les plus chères au père Arsenault. Sur le plan local, il s’assura du bon fonctionnement des écoles et aida personnellement les élèves les plus prometteurs à se préparer pour les examens du bureau d’Éducation provincial et à poursuivre leurs études dans les collèges. En 1900, il établit une bibliothèque de livres français et, dans le but de valoriser la langue bien parlée, monta des pièces de théâtre.

Arsenault exerça aussi son rôle d’éducateur au sein de l’Association des instituteurs acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard [V. Joseph-Octave Arsenault*]. Entre 1897 et 1927, il participa aux congrès annuels de l’organisme, notamment en prononçant des conférences sur les méthodes d’enseignement, les bienfaits de la lecture, l’art oratoire et l’importance de bien connaître l’histoire acadienne et canadienne. À plusieurs reprises, il fut nommé au comité de l’association responsable de la sélection des manuels scolaires de langue française, livres qui devaient être présentés ensuite au bureau d’Éducation pour approbation.

Le père Arsenault aurait été le principal fondateur de la Société Saint-Thomas d’Aquin, créée en 1919 à l’occasion du congrès annuel de l’Association des instituteurs acadiens. Le but premier du nouvel organisme consistait à recueillir des fonds pour financer les études collégiales et universitaires des candidats prometteurs. Arsenault occupa les postes de vice-président (1919–1920) et de président (1920–1925) de cette société qui a joué un rôle prépondérant pour la communauté acadienne et francophone de l’île, dont elle est devenue le principal organisme porte-parole.

Pendant ses études au collège Saint-Joseph, Arsenault avait côtoyé quelques professeurs qui cherchaient à faire connaître l’histoire acadienne et qui prônaient la conservation du patrimoine oral et matériel, notamment le père Philéas-Frédéric Bourgeois*. C’est probablement grâce à son influence que le père Arsenault, avec le concours d’un musicien, le père Théodore Gallant, fit une collecte de chansons traditionnelles – tant des versions provenant du répertoire français que des compositions locales – auprès des anciens de la communauté acadienne. Ces 130 pièces constituent la plus ancienne collection de chansons folkloriques acadiennes. En 1924, le sénateur Pascal Poirier*, à qui Arsenault avait confié sa collection, la remit à Marius Barbeau*, du Musée commémoratif Victoria d’Ottawa.

Arsenault a aussi dressé la généalogie des familles fondatrices de la paroisse Notre-Dame-du-Mont-Carmel qu’il a publiée en 1912. Il a conservé plusieurs instruments aratoires et domestiques qui font aujourd’hui partie de la collection du Musée acadien de l’Île-du-Prince-Édouard à Miscouche.

Pierre-Paul Arsenault, dont la santé déclinait depuis plusieurs années, décéda à l’âge de 60 ans. Leader éclairé, homme pragmatique et aux intérêts fort variés, il fut l’un des plus remarquables chefs de file de la communauté acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard. Doué d’une personnalité attachante, il sut gagner le respect et l’admiration non seulement de ses compatriotes, mais aussi de l’ensemble des insulaires. En annonçant sa mort, le Pioneer de Summerside proclamait à la une : « C’est une perte énorme pour toute la province. » Dans le cimetière de Mont-Carmel, où il repose, les paroissiens lui élevèrent un magnifique monument funéraire en forme de chapelle, un mémorial à la mesure de cet homme « aux idées larges et élevées ».

Georges Arsenault

Le manuscrit de la collection de chants folkloriques acadiens rassemblée par Pierre-Paul Arsenault est conservé par le Musée canadien des civilisations, Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle, Hull, Québec. Arsenault est l’auteur de Premier Centenaire de la paroisse de Mont Carmel, Île du Prince Édouard, le 20 août, 1912 ([Moncton, N.-B., 1912 ?]).

Arch. paroissiales, Saint-Simon et Saint-Jude (Tignish, Î.-P.-É.), RBMS, 26 mai 1867.— L’Évangéline (Moncton), 7 août 1912, 16 janv. 1919, 3 oct. 1921, 1er déc. 1927, 25 mars 1963.— Examiner (Charlottetown), 24 juin 1886, 30 mars, 25 juill. 1899, 20 janv. 1904.— L’Impartial (Tignish), 2, 23 nov. 1893, 8 févr., 1er mars, 29 nov. 1900, 9 juill. 1903, 31 mai 1906, 7 févr. 1907, 23 mai 1911.— Le Moniteur acadien (Shédiac, N.-B.), 23 août 1889, 10 août 1897.— Pioneer (Summerside, Î.-P.-É.), 26 nov. 1927.— Georges Arsenault, « le Père Pierre-Paul Arsenault : un pionnier en folklore acadien », Folklore canadien (Nepean, Ontario), 18 (1996) : 95–107 ; le même article a aussi paru dans Soc. hist. acadienne, Cahiers (Moncton), 27 (1996) : 19–32.— J.-H. Blanchard, les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard (Charlottetown, 1956).— Cécile Gallant, Pierre-Paul Arsenault (1866–1927) (Moncton, 1992).— Ronald Labelle, « Philias-Frédéric Bourgeois : précurseur de l’ethnologie acadienne », Francophonies d’Amérique (Ottawa), nº 2 (1992) : 5–11.— Ronnie LeBlanc, « Philias Bourgeois, historien acadien », Soc. hist. acadienne, Cahiers, 5 (1973–1974) : 55–67.— David Le Gallant, Histoire des Acadiens de Mont-Carmel ([Summerside], 1998).— Livre-souvenir : soixante-quinze années de courage et de persévérance, 1919–1994 ; la Société Saint-Thomas-d’Aquin, société acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard, Georges Arsenault et Jacinthe Laforest, édit. ([Summerside], 1994).— La Petite Souvenance (Wellington, Î.-P.-É.), nº 6 (déc. 1981), numéro spécial consacré au père Arsenault.— G. F. Robichaud, « The career of Father Pierre-Paul Arsenault, 1896–1927 » (travail de b.a., Univ. of P.E.I., Charlottetown, 1984).

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Georges Arsenault, « ARSENAULT, PIERRE-PAUL (baptisé Peter Arseneaux) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/arsenault_pierre_paul_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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