ARMSTRONG, JOHN, typographe, dirigeant syndical et fonctionnaire, né vers 1845 ; décédé le 22 novembre 1910 à Toronto.

Selon la nécrologie de l’Evening Telegram de Toronto, John Armstrong vit le jour dans cette ville, rue Seaton. Toutefois, on lit dans le World qu’il naquit dans le comté de Monaghan (république d’Irlande) et vint au Canada avec ses parents, qui s’établirent à Toronto en 1852. Les recensements étayent l’hypothèse d’origines irlandaises. Ses parents étaient peut-être John et Elizabeth Armstrong. Veuve, cette dernière vécut avec John jusqu’à sa mort en 1889 et tous deux sont enterrés ensemble au cimetière Mount Pleasant.

Armstrong était jeune homme lorsqu’il entra à l’atelier de composition du Globe de George Brown* pour y faire son apprentissage de typographe. Il commença à militer au Toronto Typographical Union avant même d’être admis, le 9 mai 1866, membre à part entière de ce syndicat. Il était encore apprenti lorsque, en janvier 1865, il avait présidé un comité qui devait « établir les coûts d’organisation d’une soirée ». Son intention de participer activement aux affaires syndicales se manifesta donc tôt. Il en donna une nouvelle preuve l’année suivante en proposant, à la présidence du Toronto Typographical Union, la candidature de William W. Hambly, qui fut élu. En 1872, lui-même fut mis en nomination à la présidence, mais il essuya une défaite. L’événement qui le fit plonger dans l’action syndicale fut la grève entamée le 25 mars 1872 par le Toronto Typographical Union pour la journée de neuf heures, grève à laquelle participèrent tous les typographes de la ville. Armstrong figurait parmi les 22 typographes du syndicat arrêtés pour conspiration après que George Brown eut invoqué une archaïque loi anglaise contre les associations ouvrières qui s’appliquait encore au Canada.

Homme politique habile, le premier ministre John Alexander Macdonald* vola au secours des accusés en remplaçant la vieille « loi sur la conspiration » par une version canadienne d’une loi britannique qui sauvegardait mieux les droits des ouvriers, la loi sur les associations ouvrières. Ainsi, il gagna, pour lui-même et le Parti conservateur, l’appui d’un groupe qui n’était pas leur allié naturel, les travailleurs. Ce fut probablement en comparant les actes de Brown le libéral et ceux de Macdonald le tory qu’Armstrong devint un fidèle partisan des conservateurs. Il les délaissa seulement de 1884 à 1886, période pendant laquelle il y eut conflit sur les salaires entre le syndicat et le Toronto Daily Mail, journal conservateur où Armstrong était employé depuis 1872. Une fois que le syndicat eut décidé non plus de pratiquer un simple boycottage commercial du Mail, mais de faire une lutte intensive aux candidats conservateurs soutenus par le journal, ce fut à l’instigation d’Armstrong que les ouvriers se mirent à déserter le parti. Quand cette stratégie commença à se montrer fructueuse, Macdonald intervint. Armstrong réintégra le parti et réussit à aménager une trêve entre les typographes et le Mail.

Armstrong devint l’une des grandes figures de proue du Toronto Typographical Union et de l’ensemble du mouvement ouvrier. Bon an mal an, on trouve son nom parmi ceux des dirigeants du syndicat. Il occupa la présidence du Toronto Typographical Union deux fois, en 1875 et en 1893–1894 ; il fut secrétaire d’administration en 1892. Les missions délicates et exigeantes ne lui faisaient pas peur. Par exemple, il fut président du comité d’investigation (à la création duquel il avait contribué) qui étudiait les antécédents, la crédibilité et l’admissibilité des personnes qui voulaient devenir membres du syndicat ; à compter de 1874, il fallut l’approbation du comité pour être admis. Armstrong participa aussi de près à la création du comité de défense en 1879 et prit part aux travaux de ce groupe plus ou moins secret du Toronto Typographical Union qui s’occupait des relations avec les contremaîtres et employeurs, afin de tenter de regagner une partie du terrain perdu à cause de la grève pour la journée de neuf heures et de la dépression des années 1870. En outre, Armstrong accéda à la plus haute fonction à l’International Typographical Union : il en fut président pendant un mandat, en 1878–1879. Le seul autre Canadien à avoir jamais occupé ce poste fut William Blair Prescott, de 1891 à 1899. L’apport d’ Armstrong au regroupement international des typographes consista à appuyer vigoureusement la constitution d’un fonds universel de grève ; sa contribution à l’atteinte de cet objectif est évidente. Il remplit aussi trois mandats au comité de direction de l’International Typographical Union.

Pionnier dans l’organisation et l’administration des fédérations syndicales, Armstrong représenta souvent le Toronto Typographical Union au Toronto Trades and Labor Council, dont il fut président en 1882, et participa toujours activement aux travaux du Congrès des métiers et du travail du Canada. En outre, il appartenait aux Chevaliers du travail. Dans les années 1880, à titre de président des Female Shoe Operatives – le « seul syndicat féminin » de Toronto, dit-il en 1888 –, il promut la syndicalisation des ouvrières et l’équité salariale.

Les états de service d’Armstrong dans les milieux syndicaux et ses liens avec les conservateurs favorisèrent sa nomination à la commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail au Canada, instituée par le gouvernement Macdonald en 1886 [V. James Sherrard Armstrong*]. Les commissaires représentant les ouvriers et les commissaires représentant le capital avaient des positions si tranchées et si inconciliables que, finalement, la commission présenta deux rapports. Armstrong rédigea le rapport des représentants ouvriers, qui était aussi le rapport majoritaire. Il y recommandait notamment un resserrement des lois sur le travail juvénile, la création de conseils d’arbitrage, l’indemnisation des accidents du travail dans tout le Canada, la réduction des heures de travail et la mise en place de mesures de soutien pour les syndicats. Les tendances d’Armstrong et de ses alliés à la commission pourraient expliquer pourquoi leurs recommandations n’eurent presque pas de suites.

En octobre 1906, après l’élection, en Ontario, d’un gouvernement conservateur dirigé par James Pliny Whitney*, Armstrong fut nommé secrétaire du Bureau du travail de la province. Sous sa direction enthousiaste, l’organisme ouvrit pas moins de cinq succursales dans des villes de moyenne et de grande envergure, et mit sur pied un bureau d’emploi. Armstrong s’opposait résolument aux agences privées parce qu’il estimait qu’on ne devait pas retirer de bénéfice du placement.

Dans la dernière partie de sa vie, Armstrong fit campagne pour les conservateurs dans bon nombre de circonscriptions torontoises. Lui-même se présenta dans Toronto East aux élections provinciales de 1894, mais à titre de candidat ouvrier, avec le soutien des Patrons of Industry. Il ne fut cependant pas élu. Il faisait partie de l’ordre d’Orange et de la franc-maçonnerie ; il était méthodiste wesleyen, mais devint plus tard anglican.

Ou bien la vie privée de John Armstrong était terne, ou bien il la tenait à l’écart du domaine public. Il semble que tout son être était centré sur ses activités syndicales et connexes. Il mourut à cinq heures trente de l’après-midi le 22 novembre 1910. Depuis quelques mois, il souffrait d’une affection hépatique et rénale. La valeur de sa succession se montait à environ 1 770 $, dont 1 575 $ sous forme de dépôts bancaires. Même s’il avait encore au moins une sœur, à Brantford, en Ontario, ce fut une certaine Minnie Lambert qui hérita la plus grande partie de la succession, soit les meubles et la bibliothèque d’Armstrong, une cafetière qu’il avait fait breveter, avec les droits d’exploitation qui y étaient rattachés, ses actions de la Labor Temple Company, ses macarons et bannières, ainsi que tout salaire auquel il avait droit de la part du gouvernement. Minnie Lambert était commis à la T. Eaton Company ; elle avait été en pension au 274 de la rue Collège, où Armstrong avait été chambreur. Ils n’étaient pas mariés – Armstrong demeura célibataire toute sa vie – mais le fait qu’ils vivaient dans la même maison et qu’il lui légua presque tous ses biens suggère qu’ils étaient très liés.

Sally F. Zerker

John Armstrong est l’auteur de « Sketch of the early history of no 91 », dans International Typographical Union, Souvenir for 1905 ; fifty-first session I.T.U., held in Toronto, Canada, August 14 to 19, 1905, under auspices of Toronto union, no 91 ([Toronto ?, 1905 ?]). On peut retrouver un exemplaire de cette brochure dans les papiers de la section locale 91 du Toronto Typographical Union. Les AO conservent une copie sur microfilm (F 1272) de la collection, qui comprend aussi les procès-verbaux de la section locale.

AN, RG 31, C1, 1871, Toronto, St David’s Ward, C-3, 96, no 349.— AO, RG 22, Ser. 305, no 24638.— Mount Pleasant Cemetery (Toronto), Burial records, plot E, sect. 49, lot 4.— Daily Mail and Empire, 23 nov. 1910 : 4.— Evening Telegram (Toronto), 23 nov. 1910 : 11.— Globe, 19 avril 1872 ; 23 nov. 1910 : 8.— Industrial Banner (London, Ontario), nov. 1906.— Ontario Workman (Toronto), 21 nov. 1872.— World (Toronto), 23 nov. 1910 : 1.— Annuaire, Toronto, 1870–1910.— Canada investigates industrialism : the royal commission on the relations of labor and capital, 1889 (abridged), G. [S.] Kealey, édit. (Toronto et Buffalo, N.Y., 1973).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Eugene Forsey, Trade unions in Canada, 1812–1902 (Toronto, 1982).— G. S. Kealey, Toronto workers.— G. S. Kealey et Palmer, Dreaming of what might be.— Desmond Morton et Terry Copp, Working people (Ottawa, 1980).— Ontario, Bureau of Labour, Report (Toronto), 1905–1910 (les rapports de 1906 et de 1910 contiennent des photographies d’Armstrong) ; Chief Election Officer, Hist. of electoral districts (1969), 468 ; Public accounts (Toronto), 1906 : 11.— S. F. Zerker, The rise and fall of the Toronto Typographical Union, 1832–1972 : a case study of foreign domination (Toronto, 1982).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Sally F. Zerker, « ARMSTRONG, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/armstrong_john_13F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/armstrong_john_13F.html
Auteur de l'article:    Sally F. Zerker
Titre de l'article:    ARMSTRONG, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    1 décembre 2024