ARCHAMBAULT, LOUIS, artisan, mutualiste et entrepreneur de construction, né le 7 mars 1829 à L’Assomption, Bas-Canada, fils de Louis Archambault, cultivateur, et d’Angélique Prud’homme ; le 11 janvier 1853, il épousa à Saint-Jacques-de-l’Achigan, Bas-Canada, Odile Leblanc, puis le 29 avril 1886, Luce Pelland, de Montréal (décédée en 1898), veuve d’Ambroise Gélinas, dit Lacourse, et le 12 octobre 1898, à Saint-Ours, Québec, Hermine Coderre, veuve de Joseph Cormier, et finalement après, 1900, Marguerite Audet, dit Lapointe ; décédé le 2 octobre 1906 à Saint-Eustache, Québec.
Louis Archambault est le deuxième enfant d’une famille qui comptera trois filles, Célina, Anne, Philomène, et deux autres garçons, Joseph et Urgel-Eugène. En 1863, il quitte Saint-Jacques-de-l’Achigan et s’installe à Montréal à titre d’entrepreneur de menuiserie. Il se joint à la Société canadienne des menuisiers et charpentiers de Montréal, fondée le 6 décembre 1853 par Antoine Mayer à la suite du grave incendie de juillet 1852 qui avait réduit en cendres un quartier de Montréal à l’est du Champ-de-Mars, détruisant plus de 1 000 résidences. Il fallait rebâtir le quart de la ville : c’est pendant cette période de reconstruction qu’Archambault entreprend son action de mutualiste au sein de cet organisme. Ses collègues l’élisent à la présidence en 1865. Entrepreneur-menuisier avec pignon sur rue, il est maître d’œuvre à l’Académie commerciale catholique de Montréal [V. Urgel-Eugène Archambeault] et à l’Institut des aveugles. Il sera plus tard engagé comme régisseur des travaux par le Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal. Au cours des trois années où il préside la Société canadienne des menuisiers et charpentiers de Montréal, il essaie d’y attirer les menuisiers-charpentiers réticents et de les amener à contribuer à cette caisse de secours en cas de maladie et de décès.
Cette première association, qui est à l’origine de la Société des artisans canadiens-français de la cité de Montréal, se limite à réunir, selon les principes de la mutualité, les artisans d’un seul métier. Elle ne peut ainsi prendre le caractère national visé par les fondateurs. Après une existence fragile de 23 ans, la société doit se dissoudre faute de ne pouvoir compter les huit membres qui constituent le nombre minimum requis. Le 8 octobre 1876, les trois derniers menuisiers-charpentiers liquident la succession en vue de créer une association de bienfaisance ouverte aux membres de « toutes les professions commerciales, industrielles et manuelles » qui ne travaillent pas dans un milieu insalubre ; elle deviendra en fait une coopérative d’assurances-vie.
À la première assemblée provisoire du 9 octobre 1876, Archambault est élu président et, à ce titre, il est autorisé à « toucher les fonds du trésorier de la Société des Menuisiers et Charpentiers de Montréal, c’est-à-dire cent cinquante piastres et d’en disposer pour les fins de l’incorporation de la Société des Artisans Canadiens-Français de Montréal ». Fort de cette résolution, il se met à l’œuvre. Il rallie quelques-uns de ses anciens camarades mutualistes. Son frère Urgel-Eugène lui fournit des renseignements sur le fonctionnement des fraternités ouvrières dont il a entendu parler en Europe. Et neuf membres, que l’on considérera comme les fondateurs de la Société des artisans canadiens-français de la cité de Montréal, signent une pétition à l’Assemblée législative de la province de Québec demandant la reconnaissance juridique de la nouvelle société, dont le but sera d’assurer à ses membres des indemnités en cas de maladie et de décès, « moyennant le paiement d’une contribution mensuelle proportionnée à l’âge du candidat, au montant et au système de son assurance » ; le 28 décembre 1876, la société est constituée par voie législative.
Orientée vers le progrès individuel d’abord, la société a des objectifs patriotiques et religieux ; le « progrès du pays » se traduit alors par la « conservation de la langue, des traditions et de la foi ». D’après les recherches de J.-Z.-Léon Patenaude, ce serait en réaction aux sociétés franc-maçonniques ou para-maçonniques comme celle des Foresters que plusieurs sociétés de bienfaisance canadiennes-françaises auraient vu le jour. C’est ainsi que la première condition d’admissibilité à la Société des artisans consiste à « être catholique et n’appartenir à aucune société secrète ou autre défendue par l’Église catholique ». Il faut de plus avoir de bonnes mœurs, jouir d’une bonne santé, ne pas exercer certaines occupations qui sont dangereuses pour la santé, être âgé d’au moins 18 ans et ne pas dépasser l’âge de 45 ans, être Canadien français ou considéré comme tel ou Français et parler la langue française.
Dans son rapport du 5 septembre 1877, le trésorier de la société signale qu’on ne compte encore que 15 membres. Le recrutement est difficile à cause de la crise économique. En 1878, six nouveaux membres seulement s’ajoutent. Malgré les débuts modestes, les pionniers sont tenaces : le bureau des administrateurs se réunit chaque semaine, le mardi à huit heures du soir, pour délibérer. À ses débuts, la société a son local au rez-de-chaussée de la maison de Louis Archambault, qui a transformé son atelier de menuiserie en salle confortable. C’est à cet atelier de la rue Cadieux qu’il a commencé à exercer son métier, le jour.
En 1876, Archambault est devenu président de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Les membres de la Société des artisans doivent partager ce patriotisme, puisqu’ils se regroupent sous la bannière de leur société afin de participer au défilé de la Saint-Jean-Baptiste, pour la première fois le 24 juin 1884 ; ils sont alors 110 membres.
Archambault est président de la Société des artisans jusqu’en 1884, sauf pendant trois courtes périodes, soit du 5 septembre 1878 au 6 mars 1879, du 3 mars au 5 avril 1881 et du 6 mars au 19 juin 1883. L’essayiste Jacques-André Lamarche explique ces intérims par le fait que « le métier d’entrepreneur-menuisier oblige [Archambault] à s’éloigner de sa demeure assez souvent ». En janvier 1880, on retrouve Archambault à la tête du conseil d’administration de la Banque Ville-Marie. Ce nouveau conseil se voit dans l’obligation de liquider la banque. Mal gérée au cours de la crise des années 1870, durant laquelle un trop grand nombre de prêts ont été accordés, elle ne peut plus rembourser. Le nouveau président surveille de près l’adoption par le Parlement du projet de loi qui déterminera le processus de liquidation.
Selon l’historien Ronald Rudin, le 13 août 1880, date à laquelle une assemblée des actionnaires est convoquée pour élire trois liquidateurs, « l’assemblée, à la grande surprise d’Archambault et de nombreux actionnaires refuse de désigner des liquidateurs et choisit plutôt, par une faible majorité, de refaire de la banque une entreprise florissante ». Archambault ne réussit pas à convaincre les actionnaires qui sous-estiment les mauvaises créances de la banque et refusent d’envisager la fermeture où ils auraient tout à perdre. Il est remplacé à la présidence du conseil d’administration de la Banque Ville-Marie en juin 1881 par William Weir, qui occupera ce poste jusqu’à la faillite de la banque en 1899. À l’arrivée de Weir, tous les administrateurs francophones seront peu à peu remplacés par ses amis anglophones.
À la fin de l’année 1884, après huit années à la présidence de la Société des artisans, Archambault démissionne et présente son successeur à l’assemblée. Les 144 membres élisent alors l’échevin Joseph Lamarche, tôlier-couvreur de Montréal, à la présidence. Âgé de 55 ans, Archambault retourne à son métier d’entrepreneur de construction ; la prospérité revenue multiplie les chantiers. Quinze ans plus tard, à 70 ans, il se fait cultivateur, probablement à Saint-Ours, sur le Richelieu.
Même après avoir quitté la présidence, Archambault continue de participer aux assemblées de la Société des artisans. Ses membres passent de 103 en 1884 à 676 en 1888. Cette même année, on amende l’article premier de la constitution afin de pouvoir recruter les membres des professions libérales. L’effectif s’accroît plus rapidement : on compte 1 651 membres en 1889. Pour la première fois, la société peut diminuer la contribution mensuelle à l’assurance sur la vie, la faisant passer de un dollar à 0,85 $, et les bénéficiaires pourront toucher 1 000 $.
Après avoir assisté régulièrement aux congrès annuels de la Société des artisans, Archambault meurt à Saint-Eustache le 2 octobre 1906, à l’âge de 77 ans, soit deux mois avant le trentième anniversaire de la société. Il est inhumé au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges à Montréal. Dès le mois de novembre, le conseil général lance une souscription pour élever un monument au fondateur. Le buste de Louis Archambault, œuvre d’Alfred Laliberté*, sera dévoilé le 12 septembre 1909.
À la mort de Louis Archambault, les 30 000 sociétaires forment la plus forte association mutuelle canadienne-française. Plusieurs milliers de personnes assistent aux funérailles. Les messages de condoléances soulignent tous ses origines sociales modestes ainsi que ses sentiments religieux, patriotiques et humanitaires. Ce qui caractérise « l’œuvre de cet ouvrier », au dire des mutualistes de la société, c’est son caractère « fraternel, national, religieux et démocratique ».
ANQ-M, CE5-14, 7 mars 1829.— Le Devoir, 24 févr. 1976, 18 avril 1977 : 19.— L.-A. Bélisle, Références biographiques, Canada-Québec (5 vol., Montréal, 1978), 1 : 17.— « Condoléances », l’Artisan (Montréal), 7 (1906) : 159.— DAF (Dufresne et al.), 344.— « Les Funérailles du fondateur », l’Artisan, 7 (1906) : 159–161.— J.-A. Lamarche, les 100 ans d’une coopvie (Montréal, 1977) ; le Mouvement Desjardins (Lévis, Québec, 1962).— « Louis Archambault, fondateur », l’Artisan, 1 (1900) : 22.— L.-J. Marien, « la Petite Histoire de la Société des artisans » (dossier ronéotypé, Montréal, 1952).— « Médaille du fondateur », l’Artisan, 7 (1906) : 101.— « M. Louis Archambault », l’Artisan, 7 (1906) : 158.— « Quelques mots sur l’histoire de notre société », l’Artisan, 3 (1902) : 5–11.— Règlement de la Société des artisans canadiens-français de la cité de Montréal sous le patronage de la Sainte-Famille (Montréal, 1898).— P.-G. Roy, « les Monuments commémoratifs de la province de Québec », BRH, 30 (1924) : 8.— Ronald Rudin, Banking en français : les banques canadiennes-françaises de 1835 à 1925 (Montréal, 1988), 87–95.— Robert Rumilly, Histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal : des patriotes au fleurdelisé, 1834–1948 (Montréal, 1975).— G. Sauriol, le Cinquantenaire de la Société des artisans canadiens français [...] 1876–1926 ([Montréal], 1926).— « Un monument au fondateur », l’Artisan, 7 (1906) : 177.
Robert Comeau, « ARCHAMBAULT, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/archambault_louis_13F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Comeau |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |