ANNAOTAHA (Annahotaha, Anotaha), baptisé Étienne, chef huron, mort en 1660 au Long-Sault.
Les Jésuites mentionnent Annaotaha dès 1649 en ces termes : « Cet homme, dont la vie n’est qu’une suite et de combats et d’aventures » ; et aussi : « le plus considérable du pays pour son courage et ses exploits contre l’ennemy ». Le 16 mars 1649, il se trouvait à Saint-Louis lors de la meurtrière attaque des Iroquois et on l’entendit réprimander vigoureusement les Hurons qui voulaient prendre la fuite et abandonner les jésuites Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant.
Il faisait partie du groupe de 300 familles huronnes qui, lorsque les Iroquois ravagèrent leur pays, se réfugièrent à l’île Ahouêndoé, ou Saint-Joseph (Christian Island), où ils furent rejoints par les Jésuites et leur groupe de Français dirigé par le père Ragueneau. L’hiver de 1649–1650 fut désastreux pour les réfugiés. La famine et la maladie firent mourir des centaines de Hurons. D’autres trouvèrent la mort dans les escarmouches contre les Iroquois qui battaient la campagne. À un certain moment, une bande de 30 Iroquois débarquèrent dans l’île pour y bâtir un fort d’où ils attaquaient la colonie huronne, tuant les guerriers les plus braves.
Vers la fin de l’automne (1649), une autre bande d’Iroquois construisit un fort sur la terre ferme en face de l’île. Annaotaha était du nombre des Hurons qui tombèrent entre leurs mains. Il fit mine de croire, comme le prétendaient les Iroquois, qu’ils apportaient la paix et de riches présents aux Hurons affamés et il conduisit trois Iroquois, à titre d’ambassadeurs, au village huron. Il réunit les habitants pour leur dire que les Iroquois « ayans changé de cœur [...] ils n’ont plus des pensées de sang ny de feu, sinon pour les changer en feux de joie ». On traita les trois ambassadeurs « de tout ce qu’il y a dans tout le bourg de plus exquis ».
Pendant ce temps, Annaotaha s’entretenait avec les Hurons les plus sages, qui éprouvaient la plus grande méfiance à l’égard des intentions des Iroquois. Annaotaha conçut et exécuta un stratagème aux fins duquel les femmes réunirent toutes leurs provisions et leur maïs pilé comme pour un voyage de trois jours au pays des Iroquois, « une terre pleine de promission ». Pour dissiper les derniers soupçons des Iroquois, Annaotaha lui-même se rendit à leur village. Les ambassades se poursuivaient des deux côtés, « avec autant de confiance que si jamais on n’eust esté en guerre », jusqu’à ce que les Hurons eussent attiré dans leurs murs plus de 30 guerriers, « l’élite de leur bande et les meilleurs courages ». Ils les saisirent alors et les tuèrent, à l’exception de trois d’entre eux qu’ils laissèrent échapper parce qu’ils avaient épargné Annaotaha à Saint-Louis.
Il est probable qu’Annaotaha accompagna ou suivit les Jésuites et le reste des Hurons à Québec au printemps de 1650. Le 2 juillet 1652, il se trouvait à Trois-Rivières lorsqu’une bande d’Iroquois tira sur des Français, des Hurons et des Algonquins qui se trouvaient là. Au cours des pourparler s qui suivirent, Annaotaha fut l’un des trois qui se rencontrèrent avec trois représentants des Iroquois au milieu du fleuve. Sans se laisser duper par les paroles pacifiques des Iroquois, Annaotaha, feignant d’offrir un pain, se saisit du chef Aontarisati. Le jour suivant, ce dernier et un autre Iroquois recevaient le baptême des mains du père Ménard et « ils furent bruslez le lendemain. »
En avril 1660, Annaotaha partait avec une bande de 40 hommes, « l’élite de tout ce qui nous restait de considérable » dans l’établissement huron de Québec, pour aller tendre une embuscade à des chasseurs iroquois. À Trois-Rivières, il fut rejoint par quelques Algonquins commandés par Metiouemig. Ces Indiens prirent part avec Dollard Des Ormeaux et un groupe de 16 Français au combat du Long-Sault. C’est sur l’avis d’Annaotaha que la petite troupe resta au pied des rapides, bien que les éclaireurs iroquois eussent découvert leur position. Au bout de sept jours de siège, l’arrivée de 500 Iroquois en renfort incita Annaotaha à suggérer l’envoi, pour traiter avec l’ennemi, de deux Hurons et d’un Onneiout adopté, porteurs de riches présents et à qui il avait fait répéter ce qu’ils devaient dire. Ils furent reçus avec enthousiasme, en particulier par les Hurons qui se trouvaient déjà dans le camp iroquois. Cette démarche entraîna la défection de 24 autres Hurons. Voyant les Iroquois ainsi encouragés à passer à l’attaque, les Français ouvrirent le feu sur les parlementaires, ce qui aurait fait dire à Annaotaha : « Ah ! Camarades vous avez tout gâté, encore deviez-vous attendre le résultat du conseil de nos ennemis ».
Dans son récit du combat, mère Marie de l’Incarnation [V. Guyart] écrit : « Ce capitaine ne raisonna pas mal. » Enragés par cette attaque imprévue, les Iroquois lancèrent leur assaut final et le plus violent contre les quelques Français et Indiens qui restaient dans le fort battu en brêche. Annaotaha mourut au Long-Sault. On dit que, abattu par les flèches ennemies, il demanda que sa tête fût mise au feu, pour éviter le sort d’être scalpé par ses ennemis de toujours.
Marie Guyart de l’Incarnation, Lettres (Richaudeau), I : 154–161.— JR (Thwaites).— E. R. Adair, Dollard Des Ormeaux and the fight at the Long Sault : a re-interpretation of Dollard’s exploit, CHR, XIII (1932) : 121–138.— Gustave Lanctot, Dollard Des Ormeaux and the fight at the Long Sault : Was Dollard the saviour of New France ? CHR, XIII (1932) : 138–146.— V. aussi la bibliographie de Dollard Des Ormeaux.
Elsie McLeod Jury, « ANNAOTAHA (Annahotaha, Anotaha), baptisé Étienne », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/annaotaha_1F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
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