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ANGERS, FÉLICITÉ (baptisée Marie-Louise-Félicité), dite Laure Conan, romancière, biographe, journaliste et dramaturge, née le 9 janvier 1845 à La Malbaie, Bas-Canada, fille d’Élie Angers, forgeron, et de Marie Perron ; décédée célibataire le 6 juin 1924 à Québec.
Félicité Angers est née dans une famille de 12 enfants, dont 6 ont survécu jusqu’à l’âge adulte. Depuis la fin du xviiie siècle, les Angers possèdent un magasin général et s’occupent du bureau de poste à La Malbaie. Tous les enfants iront à Québec pour recevoir une éducation supérieure. Durant ses trois ans (4 octobre 1859–1er juillet 1862) passés chez les ursulines, Félicité se distingue déjà par ses talents littéraires. Le couvent accueille un nombre si important d’Irlandaises catholiques qu’elle a l’occasion de vivre dans un milieu naturellement bilingue. Elle y acquiert une maîtrise de l’anglais et même de l’allemand. En 1861, elle termine sa classe de littérature et mérite plusieurs prix. L’année suivante, elle fait partie des cinq élèves inscrites à la classe supérieure, facultative et réservée aux plus douées ; elle sera la seule du groupe à faire une carrière littéraire. Plusieurs de ses compositions et de celles de sa grande amie Suzanne Lauretta Stuart figurent dans le cahier d’honneur du Papillon littéraire, académie que dirige alors l’abbé George-Louis Le Moine, chapelain des ursulines. Celui-ci reproche aux premiers textes de Félicité « l’absence presque complète de ponctuation » et un « style [...] un peu roide ». Néanmoins, tous les essais de Félicité sont parmi les préférés de l’aumônier. Les thématiques historiques et religieuses, à travers lesquelles se déploient des héros dont les fortes personnalités et les actions tragiques ou patriotiques sont minutieusement décrites par un œil intimiste, montrent déjà nettement ce qui caractérisera le fond et la forme de l’œuvre de la future Laure Conan.
Durant l’été de 1862, à son retour à la maison paternelle, Félicité aurait commencé à fréquenter l’arpenteur Pierre-Alexis Tremblay*, natif de La Malbaie, alors âgé de 34 ans et qui devient député (de tendance libérale) des circonscriptions unies de Chicoutimi et Saguenay en janvier 1865. Les amoureux rompent entre 1867 et 1870, année où Pierre-Alexis épouse Mary Ellen Connolly. Le 2 mars 1871, Félicité vit une révélation mystique, autre expérience qui restera profondément gravée dans sa mémoire : « en recevant l’absolution je reçus de la manière la plus sensible l’application du sang de Jésus-Christ », écrira-t-elle le 21 février 1879 à sa grande confidente, mère Catherine-Aurélie du Précieux-Sang [Caouette*], fondatrice de sa communauté, les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang, à Saint-Hyacinthe.
Félicité ne se remettra jamais de l’échec de son idylle avec Pierre-Alexis, dont on pourra suivre les traces à peine voilées dans plusieurs de ses romans, où elle se révélera grâce aux genres littéraires de la correspondance et du journal intime. Selon plusieurs critiques, cet être aimé et perdu serait à l’origine du profond mal de vivre, du malaise moral, de l’isolement, du ton amer et fataliste qui se retrouveront dans l’œuvre de la romancière et qui trahiront, malgré l’usage d’un pseudonyme, sa vie privée et publique. Certains chercheurs attribuent la rupture à un vœu de chasteté qu’aurait fait Pierre-Alexis dans sa jeunesse ; Félicité aurait refusé le mariage blanc que lui proposait son fiancé. La lettre qu’adresse mère Catherine-Aurélie à Félicité le 24 janvier 1880 laisse plutôt supposer le contraire : « Votre rêve virginal n’est donc pas encore disparu de votre âme et de vos désirs, ma chère Félicité ? J’ai peur, je vous l’avoue, que l’Ami qui vous conviendrait soit difficile à trouver, mais ce que je sens bien, c’est qu’il est un Ami divin tout trouvé et qui pourrait bien vous suffire. » Ce à quoi Félicité répondra clairement le 11 novembre 1884 : « Je n’ai pas l’ombre d’une inclination pour le cloître – également pas la moindre pour le mariage – ce grand Sacrement ne m’attire pas… Ah que j’y souffrirais ! »
En l’espace de quelques années, la mort enlève à Félicité ses plus proches intimes : son père en 1875 et sa mère en 1879. De plus, le décès de Pierre-Alexis, en 1879 également, lui enlève tout espoir. Elle tisse cependant un réseau de connaissances qui s’avéreront déterminantes pour son avenir. À l’automne de 1877 et à l’hiver de 1878, elle se rend chez les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang, et y fait la connaissance de deux femmes qui seront ses principales correspondantes : la fondatrice de la communauté (lettres de 1878 à 1905) et sœur Marie de Saint-François-Xavier, née Sophronie Boucher (lettres de 1879 à 1918). En 1879, son frère Charles est l’ami intime et le compagnon de classe du futur historien Thomas Chapais* (ils étudient tous deux le droit à l’université Laval, à Québec). Ils se donnent souvent rendez-vous au presbytère du curé de La Malbaie, Narcisse Doucet, où ils rejoignent d’autres esprits éclairés : l’abbé Apollinaire Gingras, curé de Saint-Fulgence et qui publiera à Québec en 1881 Au foyer de mon presbytère, le jeune abbé Paul Bruchési*, qui y passe ses vacances d’été, le notaire Élie Angers, poète à ses heures, jadis ami d’Octave Crémazie* et frère aîné de Félicité, laquelle participe aussi aux rencontres du groupe. Chapais et Bruchési deviendront les principaux protecteurs de l’écrivaine. Vers 1880, Félicité découvre le père Louis Fiévez, brillant prédicateur rattaché à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, lieu de pèlerinage favori de la Malbéenne. Le rédemptoriste devra constamment la rassurer sur le choix de sa vocation littéraire. Bruchési et Fiévez agiront auprès d’elle à titre de directeurs spirituels, remplaçant Mgr Joseph-Sabin Raymond*, avec qui Félicité a entretenu une correspondance jusqu’en 1879.
C’est dans ce contexte que Félicité, à 33 ans, publie son premier texte ; la nouvelle, intitulée Un amour vrai, paraît dans la Revue de Montréal en 1878 et 1879. L’écrivaine adopte le pseudonyme de Laure Conan, à la suite, semble-t-il, de la lecture des œuvres de Zénaïde Fleuriot où il est question de Conan III, duc de Bretagne. Comme ce « premier essai a été remarqué » et comme « il [lui] faut absolument des occupations qui [l’]absorbent, qui [l’]arrachent à l’amertume de [ses] regrets », elle se risque à avouer et à demander, le 21 février 1879, à mère Catherine-Aurélie : « Je voudrais me mettre à écrire [...] Si c’est possible, je voudrais me servir de cette aptitude pour gagner ma vie [...] Ne pourriez-vous pas sweetest mother m’indiquer un sujet de nouvelle ou de roman ? » Félicité, orpheline, vit en 1879 dans une situation financière précaire avec son frère Élie, notaire, et ses sœurs alors célibataires, Marie-Marguerite (surnommée Mary) et Adèle (qui se mariera en 1884). Hormis le mariage et la vie religieuse, elle envisagera toutes les solutions pour subvenir à ses besoins : prendre la relève du bureau de poste qu’Élie a mis en déficit, acheter des billets de loterie, prier, signer des « contrats d’association » avec Dieu (« Mes dettes payées, écrira-t-elle le 11 novembre 1884 à mère Catherine-Aurélie, je lui donnerai la moitié des profits ») et écrire. Seule cette dernière activité lui permettra de gagner sa vie, rare privilège pour les écrivains de son époque et unique exemple féminin en ce domaine au Canada français. Les œuvres littéraires se suivront désormais à un rythme accéléré.
Angéline de Montbrun paraît dans la Revue canadienne de Montréal en 1881 et 1882. Ce périodique accueillera, entre 1881 et 1919, un total de 38 articles (biographies et livraisons de romans) de Laure Conan. La romancière publiera toutes ses œuvres, à quelques exceptions près, de cette façon : d’abord un lancement dans au moins une revue, ensuite le livre. Dès 1882, elle désire tirer profit du succès obtenu avec Angéline de Montbrun en publiant le roman en livre. Elle demande conseil à Bruchési. Ce dernier la recommande à Henri-Raymond Casgrain*, qu’elle appellera, dans une lettre qu’elle lui adressera le 4 mars 1884, « le père de la littérature canadienne ». Elle se rend deux fois à Rivière-Ouelle, soit en 1882 et en 1883, pour visiter son nouveau protecteur : « La nécessité seule m’a donné cet extrême courage de me faire imprimer », lui avoue-t-elle le 9 décembre 1882. Tout est mis en œuvre pour aider la jeune romancière et pour la faire connaître. Casgrain est le seul homme à prendre vraiment au sérieux sa situation financière et intellectuelle. Il convoite en vain pour elle, en recherchant l’appui de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau* et de sir Hector-Louis Langevin*, un emploi de bibliothécaire aux archives à Ottawa. Sous le pseudonyme d’Un Comité de dames, le 9 octobre 1883, Casgrain fait la réclame d’Angéline de Montbrun dans le Courrier du Canada de Québec, car, a-t-il confié à Chauveau la veille, « [les femmes] doivent tâcher d’avoir leurs succès littéraires, comme les hommes ont eu les leurs, dans notre pays ». Il arrive à convaincre Léger Brousseau* d’éditer le livre, coiffé de sa préface, et à inciter Louis Fréchette*, Narcisse-Henri-Édouard Faucher* de Saint-Maurice, Chauveau et le poète Alfred Garneau à publier des critiques de l’ouvrage. Il échoue cependant à faire accepter à Laure Conan la partie de sa préface qui dévoile la véritable identité de la romancière : « Jamais je n’ai permis de joindre mon nom à mon pseudonyme », dit-elle à Casgrain le 14 janvier 1884, après avoir demandé à Garneau d’intercéder pour elle auprès de lui. Cette dure bataille autour du pseudonymat crée un froid entre les deux têtes fortes, qui ne s’échangeront vraisemblablement plus de lettres entre la sortie du livre, en 1884, et quelques semaines avant la mort de Casgrain, en 1904.
La carrière de Laure Conan est vraiment lancée. Au cours d’un séjour en Europe, en 1884–1885, Bruchési saisit même l’occasion d’attirer sur elle l’attention des écrivains Pauline de La Ferronnays (Craven), Xavier Marmier et René Bazin, avec qui la romancière aura quelques échanges épistolaires. Délaissant les genres intimistes qui incitent les critiques à la révéler malgré elle et aussi parce que le sujet d’« À travers les ronces », récit paru dans les Nouvelles Soirées canadiennes de Québec en 1883, lui a paru « ennuyeux et ingrat », a-t-elle avoué à sœur Marie de Saint-François-Xavier le 20 avril de cette année-là, Laure Conan s’oriente vers le roman historique et le genre biographique. Dotée d’une mémoire prodigieuse, la romancière peut donner oralement et citer dans ses œuvres des extraits de ses nombreuses lectures, notamment Dante, Jacques-Bénigne Bossuet, Jonathan Swift, Goethe, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo et Eugénie de Guérin, tout comme les écritures saintes et les pères de l’Église. Parmi les œuvres canadiennes, elle renvoie à celles de Samuel de Champlain*, de François-Xavier Garneau*, de Crémazie et d’Edmond de Nevers [Boisvert*], ainsi qu’aux Relations des jésuites. Les critiques lui reprocheront d’ailleurs de ponctuer trop souvent ses récits de ses multiples sources d’inspiration.
Pour documenter ce qui deviendra À l’œuvre et à l’épreuve, qui met en scène le martyr Charles Garnier*, Laure Conan s’adresse avec peu de succès aux historiens Louis-Édouard Bois*, Alfred Duclos De Celles (par l’entremise d’Élodie Garneau, fille d’Alfred Garneau) et Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau*, ainsi qu’au jésuite Joseph-Édouard Désy. Comme elle ne peut plus compter sur Casgrain, elle cherche elle-même un imprimeur et négocie ses conditions pécuniaires. Ainsi, à Mgr Thomas-Étienne Hamel, à qui elle propose son nouveau roman pour le Canada français, revue publiée par l’université Laval de Québec, elle précise le 17 février 1889 : « Notre pauvre Crémazie voulait qu’on donnât aux littérateurs canadiens qui soignent leur travail 4 $ ou 5 $ par page – format ordinaire. C’est ce que je voudrais pour mon roman. » Finalement, grâce au père Désy, elle arrive à faire imprimer À l’œuvre et à l’épreuve à Québec en 1891, roman pour lequel, en 1898, le gouvernement français la décorera de l’ordre des Palmes académiques. En 1893 paraît l’édition parisienne, commandée par Marguerite d’Orléans, princesse Czartoryska, et qui lui causera beaucoup d’ennuis parce que l’imprimeur refusera de lui verser la totalité de ses droits d’auteur. Elle connaît le même genre de problèmes en 1897, quand les éditeurs J.-A. et M.-E. Leprohon diffusent à Montréal une édition pirate d’Un amour vrai, sous le titre de Larmes d’amour. Malheureusement, Laure Conan perd le procès qu’elle intente dans cette affaire, close en 1899.
À l’époque où Laure Conan entame une carrière journalistique, soit après 1890, la presse de masse sert des intérêts – et des publics – variés (politiques, religieux, sociaux et culturels). Les femmes y ont de plus en plus leur place et leur contribution y est très diversifiée. Par exemple, dans le Coin du feu de Montréal, en décembre 1893, Laure Conan répond à Joséphine Dandurand [Marchand] : « Je vous avoue, madame, que le droit de voter me semble pour nous assez peu désirable. Mais, si jamais il nous était accordé – ce dont je n’ai cure – c’est ma conviction que les femmes n’en pourraient guère user plus mal que les hommes. » Il est cependant rare que l’écrivaine dévoile en public ses convictions politiques ou son avis au sujet des revendications féminines. Il en va autrement pour ses croyances religieuses.
De 1894 à 1898 – et pour 800 $ par an avec gîte et couvert –, Laure Conan dirige à Saint-Hyacinthe, où elle réside pendant ce temps, la revue intitulée la Voix du Précieux Sang, à laquelle elle offrira 90 articles, pour la plupart des biographies religieuses (notamment de sainte Catherine de Sienne, de Jeanne Mance*, de sainte Perpétue, de sainte Félicité et de l’abbé de Rancé), qui seront en 1913 rassemblées dans un volume publié à Montréal : Physionomies de saints. En 1896–1897 et entre 1903 et 1906, elle fait également paraître 20 biographies dans la revue des dominicains de Saint-Hyacinthe (qui s’intitule le Rosaire et les autres dévotions dominicaines jusqu’en 1902, puis simplement le Rosaire) ; ces textes et d’autres, dont la biographie de Louis Hébert*, formeront les Silhouettes canadiennes, volume qui paraîtra à Québec en 1917 et en 1922. De 1902 à 1907, Laure Conan collabore au Journal de Françoise de Montréal [V. Robertine Barry*] avec des essais comme « la Correspondance de Mme Julie Lavergne » (1903) – femme de lettres française qu’elle aurait connue –, « Un exemple aux femmes malheureuses en ménage » (1904), « Vos morts » (1904), ainsi que des contes et légendes pour enfants. Des textes se trouvent aussi dans plusieurs autres périodiques. Au total, elle livre 195 articles à la presse québécoise.
En 1900, Laure Conan participe, avec un texte sur « Nos établissements d’éducation », au collectif les Femmes du Canada : leur vie et leurs œuvres, préparé pour l’Exposition universelle de Paris et publié fort probablement à Montréal, où elle fait également paraître (en feuilleton et en livre) l’Oublié, roman qui veut « mettre en lumière [...] la beauté, la poétique grandeur des commencements de Montréal », comme elle l’a écrit à Verreau le 17 avril 1899. Mais la fatigue se fait sentir : « Moralement je vis dans un isolement terrible et bien douloureux », confie-t-elle à l’abbé Henri-Arthur Scott le 1er décembre 1900. Pourtant, Laure Conan a de nombreux correspondants fidèles, même à l’étranger. N’est-ce pas son réseau français qui orchestrera pour elle l’obtention, en juin 1903, d’un prix Montyon de l’Académie française pour l’Oublié ? Joseph Lavergne (fils de feu Julie Lavergne) et Hector Fabre*, qui représente alors les gouvernements provincial et fédéral à Paris, ont vraisemblablement été les instigateurs de ce mouvement de reconnaissance à l’égard de la première femme de lettres de carrière au Canada français. Dès lors, les ouvrages de la romancière connaissent une meilleure distribution dans les écoles, tant dans la province de Québec qu’en Ontario. Laure Conan doit cependant se soumettre à bien des démarches humiliantes, comparativement à Louis Fréchette, par exemple, qui a lui aussi mérité un prix Montyon en 1880. « Tout va à ces Messieurs et je serai toujours sacrifiée si vous ne m’honorez de votre protection », écrit-elle le 18 avril 1904 au premier ministre, sir Wilfrid Laurier*, après lui avoir fait remarquer le 6 avril précédent : « Si j’étais homme, on me traiterait bien autrement. » Devant le succès remporté par l’Oublié, l’écrivaine décide, en 1907 et sous la recommandation du père Edmond Rottot, d’en faire une version dramatisée : Aux jours de Maisonneuve.
Vers la fin de sa vie, Laure Conan revient au récit intimiste. Le journal ouvert d’une femme dépossédée par le vide de son existence constitue l’armature de l’Obscure Souffrance et de la Vaine Foi. Le premier texte est publié en feuilleton dans la Revue canadienne en 1915 et 1919, et en livre à Québec en 1919 ; en 1921, à Montréal, le second paraît dans la Revue nationale, et en livre. Ces ouvrages ne sont pas vraiment des romans ; ils sont davantage des recueils de pensées choisies, la synthèse des tourments d’une femme profondément marquée, à l’image de Félicité, par des crises existentielles, amoureuses et religieuses. L’écriture est concise et forte, empreinte d’une maturité absente dans Angéline de Montbrun. Albert Lozeau, dans une lettre à Laure Conan datée du 29 février 1920, remarque la « haute valeur morale » des réflexions que livre la Faustine de l’Obscure Souffrance. De 1910 au 2 juillet 1923, l’écrivaine séjourne régulièrement à Montréal à l’Institut des Petites Filles de Saint-Joseph, rue Notre-Dame-de-Lourdes. À l’automne de 1920, elle fait un encan et abandonne la maison paternelle. Elle passe les étés de 1922 et de 1923 à Saint-André, près de Kamouraska, chez les Sœurs de la charité, où elle revoit probablement souvent son grand ami Thomas Chapais, dont elle est secrètement tombée amoureuse. Elle s’occupe alors de ses publications et de la création de sa pièce, qui a enfin lieu le 14 mars 1921 à Montréal, sous les auspices de la Société Saint-Jean-Baptiste, grâce à son président Victor Morin. À cause du demi-succès qu’elle obtient, la pièce ne connaît aucune autre représentation et ne sera publiée qu’en 1974, à Montréal. En 1886, Laure Conan a publié à Québec un autre essai dramatique, intitulé Si les Canadiennes le voulaient !, qui n’a pas jusqu’alors été monté. Ses pièces de théâtre, où descriptions et monologues intérieurs volent la vedette au dialogue, n’ont pas la consistance de ses romans dits psychologiques.
À l’hiver de 1923, Félicité Angers prépare un roman historique pour le concours du prix David. C’est à la Villa Notre-Dame des Bois, tenue par les Religieuses de Jésus-Marie à Sillery, où elle réside à partir de septembre 1923, qu’elle en finira la rédaction. Le 10 mars 1924, elle cherche conseil auprès de Lionel Groulx* : « Je travaille mon roman [...] Pour le titre, j’hésite entre : Au tournant tragique, Au sombre tournant et Sur l’épave, 1760. » Le 18 mai suivant, elle demande à Chapais de faire venir Mgr Eugène Lapointe* pour la confesser. Malgré ses douleurs, elle termine son roman le 20 mai, à onze heures du matin, croyant que, même en retard, il pourra être accepté par le jury. Six jours plus tard, le docteur Roland Desmeules, son petit-neveu, diagnostique un cancer à l’ovaire. Opérée par le docteur Arthur Simard*, elle succombe à une défaillance cardiaque le 6 juin à l’Hôtel-Dieu de Québec. Elle lègue presque tous ses biens et ses droits d’auteur à Mgr Ovide Charlebois*, missionnaire dont elle a toujours admiré le courage. Son dernier roman, qui portera finalement le titre de la Sève immortelle, sera publié à Montréal en 1925 par Chapais, son exécuteur testamentaire. Félicité Angers est inhumée à La Malbaie, dans un lot contigu à celui de Pierre-Alexis Tremblay. Dans la Voix de Jésus-Marie, en 1924, son biographe (non identifié) de Sillery a résumé sa vie en disant qu’« elle a servi trois grands amours : son Dieu, son pays et sa plume ».
Pour son témoignage, nous remercions sœur Éliane Angers, du monastère des Sœurs adoratrices du Précieux-Sang à Trois-Rivières, Québec.
Les dépôts d’archives suivants conservent des documents de ou sur Félicité Angers : ANQ-M, P82/109–1574 ; P133.— ANQ-Q, CE304-S3, 10 janv. 1845 ; P406.— ANQ-SLSJ, P2, doc. 725A–725Q ; dossier 35.27.— Arch. de la chancellerie de l’archevêché de Montréal, 901.174 (Mgr Bruchési, corr. avec auteurs), .2.4 (Laure Conan) ; 990.070 (Élie Auclair, corr. avec auteurs), .2.6 (Laure Conan) ; RLBR (reg. des lettres de Mgr Bruchési), 5 : 381s.— Arch. de la chancellerie de l’évêché de Saint-Hyacinthe, Québec, Reg. des lettres des évêques.— Arch. de la Compagnie de Jésus, prov. du Canada français (Saint-Jérôme, Québec), BO-165 (Émile Benoist), 3.— Arch. de l’univ. de Montréal, P56 (fonds Victor-Morin).— Arch. de l’univ. Laval, P225 (fonds Thomas-Chapais).— Arch. des Religieuses de Jésus-Marie (Sillery, Québec).— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal).— Arch. des Sœurs adoratrices du Précieux-Sang (Saint-Hyacinthe), Chemise V.E.2 (Angers, Félicité ou Laure Conan), 1879–1885, 1895–1918, sans date.— Arch. du monastère des ursulines (Québec).— Arch. du monastère des ursulines (Trois-Rivières), III-C-2.13-277 (fonds sœur Marguerite-Marie (Eugénie Lasalle).— Arch. du séminaire de Nicolet, Québec, F003 (L.-É. Bois).— Arch. du séminaire de Saint-Hyacinthe, AFG1 (fonds C.-P. Choquette) ; AFG2 (fonds Émile Chartier) ; AFG13 (fonds Rémi Ouellette) ; AFG34 (fonds F.-X. Solis).— BAC, LMS-0009 (fonds M.-C. Daveluy) ; MG 26, G ; MG 29, D27, D40 ; MG 30, D56.— Bibliothèque nationale du Québec (Montréal), mss 231 (fonds L.-H. Fréchette).— Centre de recherche Lionel-Groulx (Outremont, Québec), P1 (fonds Lionel Groulx), A, 845.— MCQ-DSQ, P8 ; P9 ; P14 ; P32 ; P40 ; MCQ-FSQ, SME 9/44/62, 66, 105, 116, 165 ; SME 9/165/86.— Musée de Charlevoix (La Malbaie, Québec), P1 (fonds Roland Gagné) ; P4 (fonds Famille Desmeules) ; P10 (fonds Laure Conan).— Univ. d’Ottawa, Bibliothèque Morisset, Section des livres rares, deux lettres de Laure Conan à Henri d’Arles [Henri Beaudé], retrouvées dans le volume l’Oublié.— VM-DGDA, BM2, S10, D11.
Aucune bibliographie exhaustive sur la vie et l’œuvre de Félicité Angers n’a encore été publiée. Nous avons dressé une liste qui comprend ses écrits parus dans les périodiques, toutes les éditions des volumes dont elle est l’auteure, la réception critique de ses œuvres, les articles de journaux et de revues, les mémoires, les thèses, les chapitres de volumes et les monographies parus à son sujet. Un exemplaire de cette liste, qui complète et rectifie dans certains cas les ouvrages ici mentionnés, est conservé au DBC. [m. b.]
Le Devoir, 7 juin 1924.— Nicole Bourbonnais, « Angéline de Montbrun : à la jonction du vécu et du littéraire », dans l’Aventure des lettres pour Roger Le Moine, Michel Gaulin et P.-L. Vaillancourt, édit. (Orléans, Ontario, 1999), 63–77.— Laure Conan [Félicité Angers], J’ai tant de sujets de désespoir : correspondance, 1878–1924, J.-N. Dion, édit. (Montréal, 2002) ; Œuvres romanesques, Roger Le Moine, édit. (3 vol., Montréal, 1974–1975).— Renée Des Ormes [Léonide Ferland], « Glanures dans les papiers pâlis de Laure Conan », la Rev. de l’univ. Laval, 9 (1954–1955) : 120–135 ; « Laure Conan : un bouquet de souvenirs », la Rev. de l’univ. Laval, 6 (1951–1952) : 383–391.— René Dionne et Pierre Cantin, Bibliographie de la critique de la littérature québécoise et canadienne-française dans les revues canadiennes (1760–1899) (Ottawa, 1992).— DOLQ, 1–2 .— Micheline Dumont, « Laure Conan », Académie canadienne-française, Cahiers (Montréal), 7 (1963) : 61–72.— D. M. Hayne et Marcel Tirol, Bibliographie critique du roman canadien-français, 1837–1900 ([Québec et Toronto], 1968).— Annette Hayward, « les Religieuses ratées du roman québécois avant 1960 », dans la Vieille Fille : lectures d’un personnage, Lucie Joubert et Annette Hayward, édit. (Montréal, 2000), 51–82.— Sœur Jean de l’Immaculée [Suzanne Blais], « Angéline de Montbrun », Arch. des lettres canadiennes (Montréal et Paris), 3 (1964) : 105–122 ; « Angéline de Montbrun : étude littéraire et psychologique » (mémoire de m.a., univ. d’Ottawa, 1962).— Maurice Lemire, « Félicité Angers sous l’éclairage de sa correspondance », Voix et Images (Montréal), 26 (2000–2001) : 128–144.— Roger Le Moine, « Laure Conan et Pierre-Alexis Tremblay », Rev. de l’univ. d’Ottawa, 36 (1966) : 258–271.— P. de Lokieldo, « Laure Conan à N.-D. des Bois », la Voix de Jésus-Marie (Sillery), 4 (1924), no 4 : 4.— Gabrielle Poulin, « Angéline de Montbrun ou les abîmes de la critique », Rev. d’hist. littéraire du Québec et du Canada français (Montréal), no 5 (hiver–printemps 1983) : 125–132.— Louise Simard, Laure Conan : la romancière aux rubans (Montréal, 1995).
Manon Brunet, « ANGERS, FÉLICITÉ (baptisée Marie-Louise-Félicité), dite Laure Conan », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/angers_felicite_15F.html.
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Auteur de l'article: | Manon Brunet |
Titre de l'article: | ANGERS, FÉLICITÉ (baptisée Marie-Louise-Félicité), dite Laure Conan |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |