ANCIENT, WILLIAM JOHNSON, ministre de l’Église d’Angleterre, né le 25 février 1836 à Croft, Lincolnshire, Angleterre, fils de William Ancient ; le 3 février 1864, il épousa à Londres Emma Ann Mullett, et ils eurent au moins deux fils et cinq filles ; décédé le 20 juillet 1908 à Halifax.

William Johnson Ancient entra dans la marine royale en 1854 à titre de matelot de troisième classe. Il servit d’abord dans la Baltique pendant la guerre de Crimée, après quoi, breveté matelot de première classe, il passa dans les escadres de l’Atlantique Nord et de la Méditerranée. En 1863, il quitta le service actif. L’année suivante, après la période d’études requise, il fut admis comme évangéliste par la Royal Naval Scripture Readers Society, qui détachait des laïcs auprès du personnel des chantiers navals.

Ancient fut affecté en premier lieu à Halifax, où la section locale de la Colonial and Continental Church Society ne. tarda pas à le remarquer. Il s’agissait d’une organisation anglicane qui installait des instituteurs, des catéchistes et des missionnaires dans les villages incapables de soutenir par eux-mêmes une congrégation indépendante et qui assurait leur subsistance. Le 12 mai 1867, Ancient fut ordonné diacre et affecté à la mission de Terence Bay, village de pêcheurs « pauvre et désolé » situé à une quinzaine de milles au sud-ouest de Halifax. Huit mois lui suffirent pour insuffler une vie nouvelle à la mission ; il acheva la construction d’une église commencée en 1853 et annonça en janvier 1868 qu’une nouvelle école serait prête au printemps.

En 1871, le diocèse de la Nouvelle-Écosse décida que des « évangélistes bien formés » seraient admis au sacerdoce à certaines conditions. Ancient reçut les ordres le 16 juin 1872. Tout de suite après, il s’embarqua pour l’Angleterre, en partie afin que « sa femme, qui avait beaucoup souffert de la solitude et des privations, prenne du mieux ». Là-bas, à titre de délégué de la Colonial and Continental Church Society, il prêcha et s’employa à recruter des missionnaires pour la Nouvelle-Écosse.

De retour à Terence Bay, Ancient constata qu’« un peu de désordre [...] attribuable surtout au rhum », s’était installé. Dès le début de 1873, il rapportait avoir réussi à circonscrire le problème. Il notait aussi que ses paroissiens avaient « du mal à accepter qu’ils devaient s’abstenir de boire, de jouer du violon et de danser pour être considérés comme de bons fidèles ». Dans l’ensemble toutefois, il acceptait les rudes mœurs de ses ouailles, car il comprenait que l’isolement et la mer façonnaient leur existence.

Ancient connut une renommée mondiale au printemps de 1873, à l’occasion de l’une des catastrophes maritimes les plus spectaculaires qui se produisirent dans l’Atlantique Nord à la fin du xixe siècle. Le 1er avril, peu après minuit, le paquebot de luxe Atlantic s’échoua sur l’île Meagher (île Mosher), à un mille de Terence Bay. Propriété de l’Oceanic Steam Navigation Company (communément appelée White Star Line), ce paquebot faisait régulièrement le trajet de Liverpool, en Angleterre, à New York. Cette fois-là, il avait 976 passagers à son bord. Il avait rencontré du mauvais temps et mis le cap sur Halifax afin de se réapprovisionner en charbon. Une erreur de navigation l’avait jeté sur les rochers.

Moins de dix minutes après le choc, l’Atlantic se fendit et se mit à sombrer. On attacha un filin à un rocher qui se trouvait près de l’épave, puis on le déroula jusqu’à l’île. Quelque 250 passagers purent ainsi, dans l’obscurité, se rendre à terre. Alertés par des fusées éclairantes, des pêcheurs de Lower Prospect, à un demi-mille de là, arrivèrent à l’aube. Au moyen des trois barques qu’ils avaient apportées, on alla recueillir d’autres passagers sur le rocher, par groupes de huit à douze, et l’on put ainsi en sauver environ 150. Entre-temps, la nouvelle du drame était parvenue à Terence Bay, d’où une équipe de sauvetage comprenant Ancient s’était mise en route sans tarder.

Lorsque l’équipe arriva, plus de 400 survivants s’entassaient sur l’île. Beaucoup de passagers (plus de 500) avaient péri, dont une trentaine qui s’étaient agrippés au gréement du mât de misaine, mais avaient fini par lâcher prise. Il restait trois personnes dans le gréement : l’officier en second, John W. Firth, une passagère qu’il avait attachée au gréement, mais qui mourut de froid par la suite, et un garçon du nom de John Hindley. La mer était si grosse qu’aucune des barques de sauvetage n’osait s’approcher de l’épave, qui présentait une inclinaison de 50°.

À deux heures de l’après-midi, Ancient demanda à des pêcheurs de le conduire à l’épave en barque. Ils hésitèrent, craignant qu’il n’en sorte pas vivant. Il leur rétorqua : « Si je ne m’en tire pas, je ne vous en tiendrai pas responsables. Prenez-moi à bord. » Tandis qu’ils approchaient, Hindley tomba du gréement ; ils l’arrachèrent aux eaux en furie. Usant de toute son expérience de matelot, Ancient se hissa tant bien que mal sur l’épave et passa un filin à Firth, qui était accroché au gréement depuis une dizaine d’heures. « Ayez confiance en moi et en Dieu, lui cria-t-il, et descendez quand je vous le dirai ! » Comme ils tentaient de gagner la barque, une vague immense jeta Firth par-dessus bord. Horrifié, il cria : « Mon Dieu, je me suis cassé les jambes, je me suis cassé les jambes ! » Ancient répliqua en hurlant : « Tant pis pour vos jambes ! C’est votre vie qui est en jeu ! » Finalement, grâce à la détermination et à la ressource d’Ancient, Firth fut amené à terre. Aucune des femmes qui se trouvaient à bord du paquebot n’avait survécu ; de tous les enfants, seul Hindley avait la vie sauve.

La presse internationale parla du désastre de l’Atlantic avec un zèle qui resta inégalé jusqu’au naufrage du Titanic, une quarantaine d’années plus tard. Tout en louant les habitants du lieu, elle fit un triomphe à Ancient (dont l’intervention, quoique spectaculaire, avait simplement été le point culminant d’une opération menée avec beaucoup de courage par une communauté de marins). Il devint un robuste héros victorien « de six pieds, à la carrure solide, au visage sympathique, à l’œil et à l’esprit vifs, et au cœur généreux ». On poussa l’hyperbole jusqu’à dire qu’Ancient était un « homme comme il n’en existe qu’un sur mille [...] isolé à 3 000 milles de chez lui dans un coin perdu avec ses paroissiens », qui travaillait « jour et nuit à éduquer, évangéliser, civiliser ces gens, et à les gouverner par l’amour ». Les païens, semblait-il, ne se trouvaient pas tous dans les coins reculés de l’Afrique...

Aux articles dithyrambiques succédèrent bientôt les hommages officiels. Le gouvernement du Canada, la Humane Society of Massachusetts et le Citizens’ Relief Committee of Chicago honorèrent Ancient. Il accepta leurs distinctions de bonne grâce, mais souligna le courage, l’endurance et la compassion des autres sauveteurs. Si ces derniers n’avaient pu secourir Firth, précisa-t-il, c’était faute d’avoir « l’expérience de la navigation sur de gros bâtiments » ; lui-même l’avait acquise au fil de ses années dans la marine.

Sous bien des rapports, l’affaire de l’Atlantic fut l’événement décisif de la vie d’Ancient. La renommée qu’il en tira le fit remarquer des autorités ecclésiastiques. On lui offrit un sous-vicariat dans la paroisse St Paul à Halifax. Cependant, il allait servir sous l’autorité de James Cuppaidge Cochran*, parvenu à un « âge avancé », à l’église Trinity, où, « pensait-on, son zèle et son ardent désir de sauver des âmes » sauraient toucher les fidèles, de « pauvres marins ». Il fut installé dans ses fonctions le 29 juin 1874.

En 1879, un paroissien quitta l’église Trinity en se plaignant qu’Ancient était « du parti de la Haute Église ». Ancient réfuta l’accusation dans une série de dignes sermons prononcés cette année-là pendant le carême et rassemblés sous le titre The cross, sa seule publication, semble-t-il. En 1880, il fut nommé rector d’une paroisse rurale, Rawdon. Peut-être voulait-on ainsi l’écarter, mais les effets néfastes de l’incident de Trinity, s’il y en eut, furent temporaires, car en 1890, le King’s College lui décerna une maîtrise ès arts à titre honorifique. La même année, il devint rector de Londonderry, paroisse qui englobait la rude communauté minière et industrielle d’Acadia Mines.

L’estime dans laquelle les autorités de l’Église tenaient William Johnson Ancient se confirma en 1895 : il accéda à la fonction de secrétaire-trésorier ecclésiastique du diocèse de la Nouvelle-Écosse, qui, pourrait-on dire, ne le cédait en importance qu’à celle de l’évêque. Il passa donc ses dernières années dans l’administration, sans pourtant rien perdre de son enthousiasme et de son énergie. À sa mort, on fit observer que, si « l’état des divers fonds diocésains [était] aussi satisfaisant », c’était grâce à lui. Dans son éloge, l’évêque Clarendon Lamb Worrell* rendit hommage à sa « fermeté de caractère » et ajouta : « en mer, dans la vie paroissiale et au synode, [il montrait] un sens marqué du devoir et, quoi qu’il fît, il le faisait avec persévérance et au meilleur de sa compétence ».

Lois K. Yorke

Le recueil de sermons de William J. Ancient a paru sous le titre The cross : being a course of sermons preached in Holy Trinity Church, Halifax, on the Sunday evenings in Lent, 1879 (Halifax, 1879).

EEC, Diocese of Nova Scotia Arch. (Halifax), Book of registry, A.— PANS, RG 40, 28, file 6.— PRO, ADM 38/2666, 38/8517 ; ADM 139/102.— Acadian Recorder, 3–4, 23, 28 avril, 15 juill., 8 oct. 1873.— Canadian Illustrated News (Montréal), 12 avril 1873.— Church Work (North Sydney, N.-É. ; Halifax), 15 mai 1906, 13 août 1908.— Halifax Herald, 21 juill. 1908.— Morning Chronicle (Halifax), 21 juill. 1908.— Weekly Citizen (Halifax), 5 avril 1873.— P. R. Blakeley, « W. J. Ancient – hero of shipwreck Atlantic », N.S. Hist. Quarterly, 3 (1973) : 215–224.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Colonial and Continental Church Soc., Halifax branch, Report (Halifax), 1862, 1866–1867, 1872–1874, 1891.— Crockford’s clerical directory [...] (Londres), 1896.— Église d’Angleterre au Canada, Diocese of Nova Scotia, Yearbook (Halifax), 1908–1909.— W. E. L. Smith, The navy chaplain and his parish (Ottawa, 1967).

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Lois K. Yorke, « ANCIENT, WILLIAM JOHNSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ancient_william_johnson_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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