Titre original :  Allomiak [Alikomiak, Alicomiak], Inuit man, [Herschel Island, Yukon?]. Date: [ca. 1923-1924]. Photographer/Illustrator: Philip H. Godsell. Remarks: Wearing parka; just before his execution for murder. Image courtesy of Glenbow Museum, Calgary, Alberta.

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ALIKOMIAK, Inuit condamné pour meurtre, né probablement dans la région de l’inlet Bathurst et du golfe du Couronnement, Territoires du Nord-Ouest ; mort par pendaison le 1er février 1924 dans l’île Herschel, Yukon.

Les procès et l’exécution d’Alikomiak et de Tatamigana conclurent la dernière de trois affaires judiciaires mettant en cause, dans l’ouest de l’Arctique, des meurtriers inuits et des victimes de race blanche. En juin 1912, deux explorateurs, Harry V. Radford, un Américain, et Thomas George Street, un jeune homme d’Ottawa, furent assassinés près de l’extrémité sud de l’inlet Bathurst parce que Radford avait menacé et frappé un de leurs guides inuits. Après enquête, la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest, sur l’avis du gouvernement, se contenta de prévenir les meurtriers que, à l’avenir, il faudrait obéir à la loi canadienne. Vers la fin de 1913, deux pères oblats, Jean-Baptiste Rouvière et Guillaume Le Roux, dit Ilogoak, trouvèrent la mort dans des circonstances semblables près de Bloody Falls, sur le fleuve Coppermine. À nouveau, la gendarmerie se rendit sur place et, cette fois, elle arrêta les assassins. Traduits en justice à Calgary en 1917, Sinnisiak et Uloqsaq furent reconnus coupables de meurtre et condamnés à la peine de mort, mais la sentence fut immédiatement commuée en emprisonnement à vie qui ne dura en fait que deux ans.

À ce moment-là, les représentants de la loi dans le Nord en étaient venus à la conclusion que la clémence, loin de produire l’effet escompté, amenait les Inuits à croire que le gouvernement ne prenait pas le meurtre au sérieux. Après la Première Guerre mondiale, à la fois pour faire étalage de son autorité et pour affirmer la souveraineté du Canada dans la région, la Gendarmerie royale affecta plusieurs détachements supplémentaires sur la côte et les îles de l’Arctique. Le caporal William A. Doak et le constable D. H. Woolams assuraient la permanence au poste de Tree River, dans la région du Coppermine et du golfe du Couronnement. En décembre 1921, Doak se rendit dans la presqu’île de Kent pour enquêter sur des meurtres d’Inuits par d’autres Inuits. Il arrêta Alikomiak, âgé de près de 20 ans, et Tatamigana, dont l’âge est inconnu, et les emmena à Tree River. Comme les Inuits s’étaient toujours montrés disciplinés dans de tels cas, Doak n’enferma pas les deux prévenus. Tôt le matin du 1er avril 1922, pendant que Woolams se trouvait à quelques milles du poste, Alikomiak profita du sommeil de Doak pour lui tirer une balle dans le haut de la jambe, puis resta assis à le regarder se vider lentement de son sang. Plus tard dans la matinée, Otto Binder, le chef du poste tenu non loin de là par la Hudson’s Bay Company, vint rendre visite au policier. Alikomiak l’abattit à son tour. Quand Woolams apprit ce qui s’était passé, il s’empara d’Alikomiak, qui n’offrit aucune résistance, et l’attacha. Au cours de l’été, Alikomiak, Tatamigana et quelques autres Inuits accusés de crimes graves furent conduits au poste de police de l’île Herschel pour y être jugés.

La déposition faite sans contrainte par Alikomiak à la police pendant l’été de 1923 n’est pas sans rappeler les circonstances du meurtre des deux explorateurs et des deux prêtres. « Doak [me] terrifiait, déclara Alikomiak [...] Je n’arrivais pas à le comprendre et [je] ne sais pas si oui ou non il était en colère contre moi. J’avais peur qu’il me frappe avec le fouet à chiens, même s’il ne m’a jamais menacé ni frappé avec. Doak me donnait des bottes et des tas de choses à réparer et je n’aimais pas ça [ces travaux incombaient aux femmes]. Une fois, il m’a donné des bottes hautes, en peau de phoque, pour que j’arrange les semelles, et après en avoir fini fini une, il m’a dit que mon travail n’était pas bien fait et que je ne devais pas réparer l’autre. J’étais furieux et je ne me sentais pas bien. Le lendemain, je me [dis] que j’aime[rais] tuer cet homme. » Si Alikomiak a dit la vérité, et rien ne porte à croire le contraire, Doak avait manqué de discernement en le traitant ainsi, compte tenu surtout des deux drames précédents.

Comme la Gendarmerie royale était l’unique représentante du gouvernement fédéral sur la côte arctique, s’attaquer à l’un de ses membres revenait à contester la souveraineté du Canada dans la région – souveraineté dont les bases étaient contestables et qui, de ce fait, devait être défendue fermement. Ce motif et la volonté d’en finir avec l’indulgence passée expliquent la détermination avec laquelle les autorités menèrent le procès d’Alikomiak. Quant au procès de Tatamigana, il montrerait que le gouvernement n’hésiterait pas à châtier les Inuits coupables du meurtre d’autres Inuits. Au cours de l’été de 1923, un groupe de représentants de l’appareil judiciaire se rendit à l’île Herschel par le fleuve Mackenzie. Il comprenait Lucien Dubuc d’Edmonton, magistrat rémunéré des Territoires du Nord-Ouest, Irving Brass Howatt, avocat de la couronne, et Thomas Lewis Cory, solicitor à la Direction des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon au département de l’Intérieur, qui défendrait les accusés. Ces trois hommes de loi étaient accompagnés d’un jury formé de résidents blancs de la vallée du Mackenzie ainsi que du bourreau, le constable spécial Gill, qui apportait un gibet démontable.

Le 17 juillet 1923, Alikomiak et Tatamigana comparurent séparément pour le meurtre de l’Inuit Pugnana. Les deux procès se terminèrent avant la fin de la journée, par des verdicts de culpabilité. Le lendemain, le tribunal jugea Alikomiak pour le meurtre de Doak et de Binder ; là encore, l’audience dura moins d’un jour. Dubuc recommanda aux jurés de ne pas se laisser gagner par la pitié et de se rappeler leurs devoirs envers la loi canadienne et le caporal Doak, une de ces « braves sentinelles solitaires de l’ordre public ». Après 18 minutes de délibérations, le jury déclara Alikomiak coupable. Le 11 août, Dubuc condamna les deux hommes à la peine capitale.

L’opinion publique se passionna pour ces affaires, à la fois à cause de leur contexte exotique et de la fascination qu’inspiraient les Inuits, nombreux à n’être entrés que récemment en contact avec des étrangers. Beaucoup de gens estimaient nécessaire de commuer les sentences car les Inuits étaient « simples », « primitifs » et ignorants de la loi. Wilfred Thomason Grenfell*, le missionnaire-médecin du Labrador, fit remarquer que ce serait une erreur d’exécuter les condamnés puisque, en tant que peuple, les Inuits avaient le sens moral d’un enfant de sept ans. En outre, selon une croyance très répandue, ils ne comprendraient pas l’aspect punitif de la peine capitale. Or, tel était précisément le châtiment qu’ils infligeaient aux leurs en cas de meurtre ; la pendaison n’était donc ni inhabituelle pour eux, ni étrangère à leur culture. On affirma aussi, mais la police le nia, qu’Alikomiak avait seulement 16 ans au moment des crimes. Cependant, le gouvernement entendait bien faire un exemple. Alikomiak et Tatamigana montèrent stoïquement à l’échafaud le 1er février 1924.

William R. Morrison

AN, RG 13, 1526, dossiers 712A/CC207, 713A/CC207.— S. L. Harring, « The rich men of the country : Canadian law in the land of the Copper Inuit, 1914–1930 », Ottawa Law Rev., 21 (1989) : 1–64.

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William R. Morrison, « ALIKOMIAK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/alikomiak_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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