AISANCE (Aisaince, Ascance, Essens), JOHN, chef sauteux, né vers 1790 ; décédé à l’été de 1847 près de Penetanguishene, Haut-Canada.
En 1798, au bas d’un traité par lequel des Sauteux cédaient à la couronne les terres entourant Penetanguishene Harbour (Penetang Harbour), on apposa le nom Aasance à côté de la marque d’un chef du clan de la Loutre. Il s’agissait probablement du père de John Aisance, qui, pour sa part, est appelé « jeune Aisaince » dans le rapport d’une réunion du conseil d’Indiens menée par des fonctionnaires du département des Affaires indiennes en 1811. À cette occasion, ceux-ci demandèrent des terres pour « agrandir et améliorer le chemin » qui menait aux « enfants » du roi « habitant l’Ouest ». John Aisance consentit, mais il exigea pour son peuple le privilège de pouvoir continuer à cultiver ses jardins à Penetanguishene Harbour jusqu’à ce que les Blancs aient besoin des lots.
Il est bien possible qu’Aisance ait participé à la guerre de 1812 puisque, dans les années qui suivirent, on nota qu’il possédait une médaille militaire. Il était l’un des trois hommes importants qui, en 1815, ratifièrent un traité en vertu duquel les Indiens cédaient 250.000 acres de terre entre les baies Kempenfelt et Nottawasaga. Treize ans plus tard, à l’occasion d’une assemblée méthodiste qui se déroula en plein air, il se convertit au christianisme. Par suite de sa conversion, on lui demanda de se séparer de deux de ses trois femmes, ce à quoi il consentit tout en continuant d’assumer la responsabilité de tous ses enfants. Dès 1831, un de ceux-ci, John fils, faisait officiellement des affaires au nom du clan de la Loutre.
En 1828, au moment où Aisance s’était converti, le méthodisme suscitait un très fort sentiment religieux parmi la population indienne du Haut-Canada. Les chefs William Yellowhead [Musquakie*] et William Snake, dont les peuples vivaient en étroite relation avec celui d’Aisance, furent également touchés et les trois groupes ne tardèrent pas à accueillir des missions méthodistes actives. La tournure des événements intéressa fort le lieutenant-gouverneur, sir John Colborne*, et après 1830 le gouvernement du Haut-Canada accorda une attention particulière à l’établissement des groupes d’autochtones dans des territoires déterminés, à leur formation dans le domaine de l’agriculture et à leur conversion au christianisme. Dans le but de favoriser la « civilisation » des autochtones, Colborne ouvrit un poste du département des Affaires indiennes à Coldwater et le peuple d’Aisance aménagea des fermes aux alentours avec l’aide du gouvernement. Aux Narrows (Orillia), les Indiens qui suivaient les chefs Yellowhead et Snake s’engagèrent dans des activités similaires.
Bientôt, cependant, Aisance se brouilla avec le surintendant du poste de Coldwater, Thomas Gummersall Anderson*. En 1831, il l’accusa de détourner les sommes dues à son peuple par la couronne. Anderson répliqua en qualifiant Aisance de « sauvage indigne » et de « grande fripouille ». Ce différend était étroitement relié à l’hostilité croissante qui existait entre les missionnaires méthodistes de Coldwater et des Narrows et le personnel du département des Affaires indiennes d’allégeance tory. Aisance échappa partiellement à ces tensions lorsqu’il abjura le méthodisme en 1832 pour adhérer à l’Église catholique. Sa conversion s’explique probablement par l’arrivée au même moment dans la région du fervent catholique Jean-Baptiste Assignack*, Indien outaouais qui s’était distingué par ses qualités de guerrier et d’orateur.
Au cours du soulèvement du Haut-Canada en 1837, Aisance servit loyalement la couronne à la tête de 21 guerriers. Il demeura fidèle en dépit du fait que les membres de sa bande avaient le sentiment d’avoir été trahis, puisqu’ils se retrouvaient sans terre après avoir remis aux Blancs le territoire situé entre Coldwater et les Narrows. Cette cession et plusieurs autres avaient été obtenues des Indiens par le lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* en 1836. Selon une requête envoyée à sir Charles Bagot six ans plus tard par Aisance et plusieurs autres chefs, il y avait eu fraude dans cette transaction. Les Indiens affirmaient qu’« au moment où sir F. Bond Head avait insisté pour qu’ [ils] vend[ent] cette terre [... ils] n’[avaient] pas été informés de toute la portée de la transaction, de sorte qu’[ils] n’en connaiss[aient] pas les implications ».
La bande de John Aisance demeura sans terre jusqu’en 1842. À ce moment-là, on leur assigna un territoire dans l’île Beausoleil, située dans la baie Géorgienne. Toutefois, dès 1844, le chef envoya un groupe d’Indiens potéouatamis, ses proches alliés, occuper un territoire voisin dans l’île Christian, au cas où son peuple en aurait besoin. Le sol de l’île Beausoleil n’étant guère fertile, cette précaution s’avéra fort judicieuse. La bande d’Aisance s’installa donc à l’île Christian en 1856 et ses descendants s’y trouvent toujours. Au moment où les Indiens y arrivèrent, Aisance était mort depuis neuf ans. D’après les archives méthodistes, il serait tombé d’un canot alors qu’il était ivre. Sa vie durant, il avait vu son autorité, à titre de chef héréditaire, de plus en plus sapée par les représentants du gouvernement et de l’Église qui cherchaient à prendre en main la vie des peuples indigènes.
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Anthony J. Hall, « AISANCE (Aisaince, Ascance, Essens), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/aisance_john_7F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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