Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3221677
AFFLECK, ANNIE EMMA (Thompson, lady Thompson), maîtresse de maison et épouse d’homme politique, née le 26 juin 1845 à Halifax, fille de James Affleck et de Catherine Saunders ; le 5 juillet 1870, elle épousa John Sparrow David Thompson* ; décédée le 10 avril 1913 à Toronto.
Capitaine au long cours, James Affleck épousa en 1844 à Halifax une Terre-Neuvienne, Catherine Saunders. Le couple eut huit enfants ; Annie Emma était la première. Les Affleck étaient catholiques. En grandissant, Annie Emma, comme le faisaient couramment les filles, aida probablement sa mère à s’occuper des plus jeunes – d’autant plus que son père était souvent parti. Il disparut en mer avec son bateau en 1870. Annie Emma dut recevoir une éducation convenable car, en vieillissant, elle acquit un style puissant et alerte, traversé de merveilleux éclairs de bon sens. Il est fort probable qu’elle travailla un certain temps dans un magasin de Halifax, ce qui pourrait expliquer pourquoi, apparemment, les gens de la bonne société d’Ottawa la regardèrent d’abord de haut et n’acceptèrent d’être reçus chez elle qu’à contrecœur.
Depuis 1867, un jeune avocat de Halifax, John Sparrow David Thompson, faisait la cour à Annie Emma. C’était un garçon très doué et assez timide. Il lui enseignait le français et la méthode de sténographie mise au point par son père. Dans la dernière moitié de 1867, Annie Emma tint un journal où elle parle de leurs fréquentations, parfois en recourant à ses nouvelles notions de sténographie. Thompson était protestant et appartenait à une famille méthodiste. Le couple obtint une dispense pour se marier, et la cérémonie eut lieu en 1870 à Portland, dans le Maine, au palais épiscopal. De 1871 à 1883, Annie Emma mit au monde neuf enfants. Son premier accouchement fut long et difficile et l’enfant était mort-né ; trois autres moururent en bas âge. Cependant, deux garçons et trois filles survécurent et grandirent dans ce qui était une famille remarquablement unie et heureuse.
Annie Emma Thompson était une jeune femme pleine d’entrain, d’humeur changeante, et souvent impulsive, comme le personnage de Catherine Linton dans les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Elle était fière et indépendante. Par contre, son mari dissimulait ses inquiétudes sous des allures sages. D’un tempérament plus tenace que lui, elle lui servait de soutien. En 1882, comme il craignait de perdre une élection provinciale dans Antigonish, en Nouvelle-Écosse, il lui demanda ce qu’elle penserait d’une défaite ; elle lui répondit qu’il devait continuer à se battre avec cœur mais qu’elle se souciait « comme de l’an quarante » qu’il perde. « J’aimerais passer ne serait-ce que dix minutes avec toi pour te parler sans détour, ajoutait-elle [...] Ne perds donc pas courage [...] que tu gagnes ou perdes, on ne pourra pas te retenir loin de moi encore bien longtemps [...] Allons [...] tu ne dois pas te conduire comme un bébé tant que tu ne seras pas rentré à la maison ; alors je verrai dans quelle mesure je peux te gâter. » Cette lettre en dit long sur le caractère d’Annie, sur la manière dont elle calmait les appréhensions de son mari bien-aimé et le réconfortait dans sa solitude.
Sans une femme de cette trempe, Thompson n’aurait pas pu faire une aussi belle carrière. Il entra à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en 1882 grâce à ses qualités intrinsèques, mais ce fut elle qui le poussa à sauter sur l’occasion de devenir ministre de la Justice à Ottawa en 1885. Selon elle, il devait quitter la magistrature néo-écossaise, cette bande de « vieux corbeaux desséchés » et s’en aller dans un monde où il pourrait mieux donner sa mesure. Il n’avait pas vraiment envie de partir ; la décision vint d’elle.
Finalement, les Thompson s’installèrent à Ottawa en 1888, l’année même où Annie Emma devint lady Thompson. Ils allaient vivre successivement dans plusieurs maisons louées, aux environs des rues Metcalfe et Lisgar. Lady Thompson recevait énormément. Pendant les sessions parlementaires, elle donnait des dîners tous les lundis et mardis pour des députés et leur femme ; les mercredis, elle accueillait des visiteurs. Elle avait emmené une cuisinière de Halifax, mais lorsque la session de 1892 commença, la cuisinière était partie. À court d’argent, lady Thompson mit son tablier et prépara elle-même, au cours de cette session, des repas pour un total de 250 personnes, en dépit du fait qu’elle prenait soin de sa fille invalide (Frances Alice, que tout le monde appelait Frankie). Une fois que son mari fut devenu premier ministre en décembre 1892, son rôle se modifia et elle eut deux domestiques. Sa recette pour recevoir à Ottawa était succincte : « [il faut] les nourrir, les nourrir, les nourrir – pas moyen de les contenter autrement ».
Puis soudain, le 12 décembre 1894, Thompson, âgé de 49 ans, mourut d’une crise cardiaque au château de Windsor. Comme il laissait une succession très modeste, des particuliers lancèrent le même mois une souscription au bénéfice de lady Thompson et de Frankie, le Lady Thompson Fund. Le Parlement du Canada contribua à cette caisse en 1895.
Dévastée par la mort de son mari – ils avaient été très proches durant leurs 24 ans de mariage –, lady Thompson reprit pourtant le dessus avec beaucoup de courage. Moins de trois jours après le décès, elle était au Parlement, dans l’édifice de l’Est, et rassemblait les papiers de son mari. Elle avait conservé les lettres qu’il lui avait écrites (très tôt, elle lui avait fait promettre qu’il lui écrirait chaque jour quand il serait absent) et celles qu’il avait adressées aux enfants. Elle emporta cette volumineuse correspondance – une trentaine de caisses – lorsqu’elle alla s’établir à Toronto en 1895.
Le déménagement de lady Thompson ne surprit personne. Thompson avait envisagé d’ouvrir un cabinet à Toronto s’il essuyait une défaite en politique. Il était naturel que sa veuve s’installe dans cette ville : deux de ses fils y étudiaient le droit et Frankie pouvait y recevoir de bons soins. La femme du gouverneur général, lady Aberdeen [Marjoribanks*], avec qui lady Thompson avait soutenu le National Council of Women of Canada, l’aida à trouver une maison. Lady Aberdeen et son mari admiraient beaucoup Thompson. Un autre ami, sir Frank Smith*, sénateur torontois, facilita aussi le relogement de lady Thompson. Finalement, elle élut domicile au 18 1/2 de la rue St Joseph et fréquenta l’église catholique voisine, St Basil. En 1913, elle fut hospitalisée pour une chirurgie exploratoire. On découvrit qu’elle avait un cancer inopérable, et elle mourut sur la table d’opération. Annie Emma Thompson, née Affleck, fut inhumée au cimetière Mount Hope à Toronto.
On trouve les papiers d’Annie Affleck Thompson au vol. 283 des papiers de sir John Thompson aux AN, MG 26, D. Les lettres que ce dernier lui a adressées sont aux vol. 288–291, et son journal personnel est au vol. 293. On peut lire des notes biographiques dans Types of Canadian women [...], H. J. Morgan, édit. (Toronto, 1903) et dans la notice nécrologique qui a paru dans l’Evening Telegram de Toronto le 11 avril 1913. Les deux ouvrages suivants contiennent beaucoup d’information sur lady Thompson : [I. M. Marjoribanks Hamilton-Gordon, marquise d’] Aberdeen [et Temair], The Canadian journal of Lady Aberdeen, 1893–1898, introd. de J. T. Saywell, édit. (Toronto, 1960), et Waite, Man from Halifax. Le livre de Sandra Gwyn, The private capital: ambition and love in the age of Macdonald and Laurier (Toronto, 1984), contient des notes intéressantes, mais n’est pas aussi fouillé que celui de Heather Robertson, More than a rose : prime ministers, wives and other women (Toronto, 1991). [p. b. w.]
P. B. Waite, « AFFLECK, ANNIE EMMA (Thompson) (lady Thompson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/affleck_annie_emma_14F.html.
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Auteur de l'article: | P. B. Waite |
Titre de l'article: | AFFLECK, ANNIE EMMA (Thompson) (lady Thompson) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |