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WOOD, EDMUND, prêtre de l’Église d’Angleterre et éducateur, né le 27 février 1830 à Londres, fils de William Wood et d’Anne Aston Key ; décédé célibataire le 26 septembre 1909 à Montréal.
Edmund Wood fit ses études à la Turrell’s School de Brighton et à la University College School de Londres, dont le directeur était l’un de ses oncles. Il entra au St John’s College d’Oxford, mais sa famille ayant subi un revers de fortune, il passa peu après dans un établissement moins cher, le University College de Durham. Des années après, il dirait que les « malheureux événements de 1849 » avaient causé « une blessure que le temps ne guérira[it] jamais tout à fait ». En 1854, le University College lui conféra une licence ès arts, et en 1857, une maîtrise ès arts.
À Durham, Wood se lia d’amitié avec le révérend John Grey, rector de Houghton-le-Spring et « figure importante du parti de la Haute Église dans le diocèse de Durham », qui recommanda sa candidature au poste de vicaire de sa paroisse. Nanti d’une telle garantie, Wood accéda au diaconat en 1855. Pendant trois ans, il œuvra à Houghton-le-Spring, où il se dévoua surtout auprès des mineurs de fond des districts houillers et, au début de 1858, causa des inquiétudes à son évêque parce que certains paroissiens l’accusaient de « papisme ». Entre-temps, sa famille avait immigré au Bas-Canada et son père était mort à Montréal en 1857. Ces événements, plus la suggestion du révérend William Bennett Bond de l’église St George, à Montréal, qu’il s’installe dans ce diocèse, le convainquirent d’abandonner son vicariat et de se mettre en route pour le Bas-Canada. Il arriva à Montréal en novembre 1858.
L’évêque de Montréal, Francis Fulford*, le nomma immédiatement sous-auxiliaire à l’église cathédrale et l’affecta auprès des démunis de la partie sud-est du diocèse. C’est là que, jusqu’à la fin de sa vie, Wood allait se consacrer à une œuvre de dévotion et de service qui lui vaudrait pendant quelques années la désapprobation de nombreux religieux et laïques mais qui, peu avant sa mort, allait en faire un personnage hautement respecté. En juillet 1861, Fulford l’ordonna prêtre.
Le premier endroit où Wood exerça son action missionnaire fut une vieille chapelle funéraire en pierre située dans le cimetière protestant où se trouve maintenant le square Dufferin. Fulford, avec l’aide du juge John Samuel McCord, avait obtenu la permission d’utiliser ce bâtiment modeste et décrépit. Le fils de McCord, David Ross, a raconté que, la première fois que l’évêque et Wood avaient ouvert la porte de la chapelle, une incoercible odeur de pourriture les avait assaillis : « L’évêque, reniflant avec méfiance, se tourna et dit : « Ne pensez-vous pas, Wood, qu’un peu d’encens serait approprié [?]. » Paroles on ne peut plus prophétiques...
Une fois au Bas-Canada, Wood ne tarda pas à prendre l’avant-garde d’un renouveau liturgique et pastoral qui était déjà en cours en Angleterre. Remise en état, la chapelle fut sommairement meublée et ouverte au culte. Les sièges étaient gratuits et le travail pastoral s’adressait avant tout aux pauvres. L’assemblée des fidèles se multiplia à tel point que, l’été, il y avait autant de gens assis dans l’herbe qu’à l’intérieur ; alors on ouvrait les fenêtres pour que tous puissent participer aux offices. C’est dans cette chapelle que, la veille de Noël 1859, Wood célébra le premier office du soir anglican avec musique chorale qui eut lieu à Montréal, sinon au Canada.
Bientôt, il fallut un nouveau bâtiment. Encore une fois, Fulford se mit de la partie. On recueillit des fonds dans toute la province du Canada et en Angleterre, on fit l’acquisition d’un lot à l’angle des rues Saint-Urbain et Dorchester (boulevard René-Lévesque), le nouvel édifice fut achevé en mars 1861, et la mission reçut enfin un nom, St John the Evangelist. On y célébrait des offices chantés chaque semaine et chaque jour. Un chœur en surplis, des cierges, une grande croix sur l’autel rehaussaient la cérémonie liturgique.
Ces innovations dites tractariennes ne plurent pas à tous les membres du diocèse, et surtout pas au révérend Ashton Oxenden*, qui en 1869 succéda à Fulford à la dignité d’évêque de Montréal et de métropolitain de la province ecclésiastique du Canada. La première crise survint lorsque le révérend Augustus Prime, vicaire de Wood, eut la mauvaise idée de faire circuler quelques exemplaires d’un opuscule intitulé A rule of life au consistoire diocésain de 1871 – « ce terrible synode », allait par la suite dire Wood. La brochure, imprimée en Angleterre, semblait prôner la doctrine de la transsubstantiation et des pratiques comme les prières pour les défunts et la confession auriculaire, toutes choses qui dépassaient les limites fixées dans le Book of Common Prayer, rituel de l’Église d’Angleterre. Sa teneur suffisait pour inciter les anglicans de tendance évangélique à dénoncer Wood et ses actes avec véhémence.
Oxenden, qui avait lui-même un fort penchant évangélique, fut bouleversé. Quant à Wood, il se trouvait dans une position difficile car, sans être d’accord avec tout le contenu de l’opuscule, il ne le trouvait pas « contraire au ton et à l’enseignement de l’Église ». Après un échange de lettres prudentes entre Oxenden et Wood, Prime fut suspendu et Wood publia The catholic and tolerant character of the Church of England, où l’on retrouve sa correspondance avec Oxenden, le texte de A rule of life et son commentaire, bref et intelligent, sur cette brochure. La suspension de Prime ne dura que six mois.
En dépit de ces événements, ou peut-être à cause d’eux, la mission St John the Evangelist attirait de plus en plus de fidèles, car on parlait beaucoup du recueillement qui régnait au cours des offices, de la beauté de la musique et de l’inlassable dévouement du pasteur. Dès 1874, il fallut un temple encore plus grand. On acheta un lot à l’intersection des rues Saint-Urbain et Ontario, et le 20 juin 1876, Oxenden posa la première pierre. En raison de nombreuses difficultés financières et autres, seul le sous-sol de l’église fut ouvert au culte le 6 mars 1878. Achevé quelques années plus tard, le temple est encore un lieu de culte des anglicans de Montréal se désignant comme anglo-catholiques.
En 1876, les relations entre Wood et son évêque tournèrent de nouveau à l’aigre. En partie sans doute parce que beaucoup de fidèles de tendance évangélique de son diocèse continuaient d’exercer des pressions sur lui, Oxenden parla, dans son adresse au synode, de « certaines divergences inhabituelles dans la façon de conduire le rituel du culte public dans l’une de nos églises », allusion évidente à l’église St John the Evangelist. Il ajoutait qu’on avait exprimé le souhait de « proposer l’application de quelque canon diocésain dans un but de restriction ». Mais il concluait : « Je désapprouverais fermement toute règle diocésaine sur une question si importante. » Il n’y en eut aucune.
Wood affronta très mal cette situation, probablement parce que, déjà, l’exercice de son difficile ministère et la construction de la nouvelle église l’avaient entraîné jusqu’aux limites de la prudence. Au synode, il ne prit pas la parole pour se défendre, et aucun de ses sympathisants ne le fit non plus. Par la suite, il retourna une lettre de l’évêque sans l’avoir ouverte, puis, curieusement, il écrivit à ses marguilliers une missive qu’il leur demanda de communiquer à ce dernier. Comme le lui fit remarquer le révérend Charles Hamilton (dont le frère John* avait épousé la sœur de Wood) dans une note franche mais aimable, Wood se devait de s’excuser auprès de l’évêque. D’ailleurs, il le fit certainement puisque les deux hommes en vinrent à éprouver une estime prudente l’un pour l’autre. En 1897, Wood serait nommé chanoine de la cathédrale Christ Church.
Dans les années 1880, Wood était de plus en plus renommé comme conseiller spirituel, adepte infatigable de l’enrichissement liturgique par l’emploi de la musique et du cérémonial, et initiateur d’une célébration quotidienne de l’Eucharistie. Il correspondait avec des religieux de la plupart des régions du pays, était vicaire général, au Canada, de la Confraternity of the Blessed Sacrament (fondée en 1862 en Angleterre dans le but de redonner à l’Eucharistie sa juste place dans le culte et d’intensifier la vie spirituelle des anglicans) et avait créé dans sa paroisse une société d’étude du chant sacré. En 1880, il fit venir d’Angleterre un prêtre anglican réputé, son vieil ami le révérend Alexander Heriot Mackonochie, qui passa deux jours à l’église St John the Evangelist malgré sa mauvaise santé.
Dès son arrivée au Canada, Wood avait considéré l’éducation de la jeunesse comme une partie importante de ses devoirs paroissiaux. En 1860, on ouvrit une petite école qu’il dirigeait tout en y enseignant. Suivant la suggestion de Mary Fulford, la femme de l’évêque, l’école n’accueillait que des enfants de familles pauvres qui avaient besoin d’un surcroît d’attention et d’encouragements ; leur confession religieuse n’entrait pas en ligne de compte. On instaura un programme de visites régulières aux parents négligents, ce qui se révéla exceptionnellement bénéfique. Mais l’argent et le local faisaient toujours problème. Apparemment, quelques années après sa fondation, l’établissement, baptisé St John’s School, fut divisé en trois sections : une école paroissiale pour les nécessiteux, une grammar school et une manécanterie.
Malgré des crises périodiques, la St John’s School continua de prendre de l’expansion. Wood, aidé par ses vicaires, consacrait chaque jour plusieurs heures à l’administration et à l’enseignement ; il donnait des cours de religion aux élèves anglicans et des leçons de chant aux élèves de la chorale. En 1879, le révérend Arthur French devint directeur de l’école, mais Wood, en tant que rector, conserva la responsabilité générale de l’institution et continua d’y enseigner. En 1895, elle comptait 70 élèves (dont 27 pensionnaires) et 9 instituteurs. Demeurée sous la supervision de Wood jusqu’à sa mort, elle changea alors de locaux et prit le nom de Lower Canada College.
Edmund Wood n’était pas un personnage public, mais il semblait plus connu qu’il ne l’était et on l’estimait plus apte que les puissants à inspirer le bien. Frederick George Scott*, sous-maître de l’école en 1884–1885, a dit : « Il n’y a pas une église [anglicane] au Canada qui n’ait appris quelque chose du modèle de culte établi par Father Wood. » En février 1910, en commençant son adresse au synode, l’évêque de Montréal, John Cragg Farthing*, déclara : « La mort de M. Wood a privé l’Église canadienne de l’un de ses prêtres les plus réputés et les plus honorés. Une vie comme la sienne démontre que « le sacrifice en lui-même porte fruit. »
Edmund Wood est l’auteur de : The catholic and tolerant character of the Church of England, is it to be maintained ? [...] (Montréal, 1871) ; A word with his people, about the cross carried before the choir in St John the Evangelist Church, Montreal (Montréal, 1876).
AC, Montréal, État civil, Anglicans, Church of St John the Evangelist, 29 sept. 1909.— AP, Church of St John the Evangelist, Corr. d’Edmund Wood, coupures de journaux, placards et brochures.— Greater London Record Office, St Alban the Martyr (Londres), RBMS, 27 févr. 1830.— Univ. of Durham, Angleterre, Dept. of Palaeography and Diplomatic, DDR ; O.P. 1855 (ordination papers).— Gazette (Montréal), 23, 24 août 1880, 12 févr., 27, 30 sept., 27 nov. 1909.— J. D. Borthwick, History of the diocese of Montreal, 1850–1910 (Montréal, 1910).— Canadian Churchman, 2 oct. 1909.— Austin Caverhill, « A history of St John’s School and Lower Canada College » (thèse de m.a., Macdonald College, Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec, 1961).— Church of St John the Evangelist, A historical record in commemoration of the jubilee of the parish church, W. H. Davison, édit. (Montréal, [1928]) ; Annual report and year book (Montréal), 1885 ; Centenary book of the parish of St John the Evangelist, Montreal, 1861–1961 (Montréal, [1961]) ; Parochialia (Montréal), 1 (1879) ; 3 (1881).— Église d’Angleterre au Canada, Diocese of Montreal, Proc. of the synod, 1868, 1876–1877, 1882–1886, 1889–1890, 1895, 1910.— « Laying the foundation stone of the free church, Montreal », Church Chronicle for the Diocese of Montreal (Montréal), 1 (1860–1861) : 49–51.— D. S. Penton, Non nobis solum ; the history of Lower Canada College and its predecessor, St John’s School (Montréal, 1972).
J. P. Francis, « WOOD, EDMUND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wood_edmund_13F.html.
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Auteur de l'article: | J. P. Francis |
Titre de l'article: | WOOD, EDMUND |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |