TASCHEREAU, sir HENRI-ELZÉAR (baptisé Elzéar-Henri), avocat, homme politique, juge et professeur, né le 7 octobre 1836 à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce (Sainte-Marie, Québec), fils aîné de Pierre-Elzéar Taschereau et d’Hémédine Dionne ; petit-fils de Thomas-Pierre-Joseph Taschereau* ; le 27 mai 1857, il épousa à Vaudreuil, Bas-Canada, Marie-Antoinette Harwood, fille de Robert Unwin Harwood*, et ils eurent sept enfants, puis le 22 mars 1897, à Ottawa, Marie-Louise Panet, et de ce second mariage naquirent trois enfants ; décédé dans cette ville le 14 avril 1911.

À la mort de son père, Henri-Elzéar Taschereau hérita d’une partie de la seigneurie de Sainte-Marie et du manoir seigneurial. Comme il n’avait que huit ans, sa mère administra son héritage jusqu’à sa majorité. De 1847 à 1853, il fit ses études classiques au petit séminaire de Québec, puis étudia un moment à l’université Laval. Admis au Barreau du Bas-Canada en octobre 1857, il pratiqua le droit à Québec, d’abord dans le cabinet d’un parent, Jean-Thomas Taschereau*, puis avec Jean Blanchet à compter de 1863.

En juillet 1861, Taschereau fut élu député conservateur de la circonscription de Beauce à l’Assemblée législative de la province du Canada. Il soutint publiquement le projet de confédération proposé par John Alexander Macdonald* et George-Étienne Cartier*, mais au dernier moment, il vota contre parce qu’il le jugeait néfaste pour ses électeurs. En 1867, ceux-ci lui préférèrent un libéral protestant, Christian Henry Pozer*, dans les circonscriptions fédérale et provinciale. La défaite de Taschereau mit un terme à l’influence politique que sa famille exerçait depuis de nombreuses années dans la région.

Taschereau fut nommé greffier de la paix du district de Québec en décembre 1868, mais démissionna peu après pour pratiquer le droit dans sa ville natale. En janvier 1871, il accéda à la Cour supérieure en tant que juge des districts de Saguenay et de Chicoutimi ; en 1873, il fut muté dans le district de Kamouraska. C’est là que, dans ses « moments de loisir », comme il le disait, il prépara une édition annotée du Code de procédure civile du Bas-Canada et une autre de la refonte du droit criminel canadien. Le second de ces ouvrages était le premier du genre et connaîtrait deux éditions sous des titres légèrement différents. Forcé de quitter son domaine de Sainte-Marie en raison de ses obligations professionnelles, Taschereau décida de s’en départir ; il le loua d’abord quelque temps puis le vendit en 1874.

En octobre 1878, Taschereau entra à la Cour suprême du Canada ; il succédait à son parent Jean-Thomas Taschereau, qui prenait sa retraite. Plusieurs distinctions lui échurent pendant qu’il siégeait à ce tribunal. L’université Laval lui décerna un doctorat honorifique en droit en 1890 et le collège d’Ottawa fit de même en 1893. Une chaire de droit fut créée à son intention à Ottawa la même année. En 1894, il succéda à sir John Sparrow David Thompson* au décanat. La faculté de droit ferma ses portes en 1896, mais Taschereau resterait examinateur au collège jusqu’en 1910.

En novembre 1902, Taschereau devint le premier Canadien français à occuper le poste de juge en chef de la Cour suprême. Un titre de chevalier lui avait été décerné plus tôt la même année. Son élévation au comité judiciaire du Conseil privé en 1904 et son mandat d’administrateur du Canada du 21 novembre au 9 décembre de la même année, après le départ du gouverneur général lord Minto [Elliot], couronnèrent sa carrière juridique. Il démissionna de la Cour suprême en 1906, mais continua de participer aux séances du comité judiciaire. Il songeait à assister au couronnement de George V lorsque son état de santé empira. Sa mort survint au printemps de 1911.

Taschereau avait l’esprit d’un nomade. Pendant ses années à Ottawa, on avait dû souvent le rappeler de l’Inde, de la France, des États-Unis ou d’ailleurs pour des séances au tribunal. La fébrilité qui lui faisait parcourir le globe en quête de sagesse et d’expérience l’amenait aussi à traverser les frontières entre juridictions ou entre les périodes historiques pour trouver des autorités sur lesquelles appuyer ses jugements. Ainsi, ses décisions en matière de droit civil dans la province de Québec se fondaient rarement sur le libellé du Code civil de la province. Toujours, il soulevait le voile de la codification, étudiait les sources mystérieuses et exotiques sur lesquelles le code était censé se baser, signalait les problèmes qu’il percevait dans le raisonnement de la commission de codification [V. René-Édouard Caron*] ou la manière dont elle utilisait les sources, et avançait ses propres solutions.

En outre, sir Henri-Elzéar Taschereau recourait fréquemment à la common law pour éclairer la solution de causes relevant du droit civil ou recherchait dans le droit civil des solutions possibles aux problèmes de common law. Il tentait ainsi de maintenir un dialogue entre les deux grandes traditions juridiques du Canada. Comme l’une et l’autre lui étaient également familières, aucun droit, semble-t-il, ne lui paraissait étranger. En fait, au milieu du xixe siècle, un tel cosmopolitisme juridique était assez courant parmi l’élite des hommes de loi, mais en 1900, l’idéologie du positivisme juridique l’avait presque supplanté. Cette tendance provoqua un désintérêt chez Taschereau, et le caractère dialogique de ses jugements fut beaucoup moins prononcé vers la fin de sa carrière.

David Howes

Sir Henri-Elzéar Taschereau a compilé le Code de procédure civile du Bas-Canada [...] (Québec, 1876). La deuxième édition d’un autre ouvrage, dont il est aussi le compilateur et intitulé The Criminal Law Consolidation and Amendment acts of 1869 [...] (2 vol., Montréal, 18741875), a été publié sous le titre The criminal statute law of the Dominion of Canada, relating to indictable offences [...] as revised in 1886 [...] (Toronto, 1888) et la troisième édition, sous celui de The Criminal Code of the Dominion of Canada, as amended in 1893 [...] (Toronto, 1893).

ANQ-M, CE 1-50, 27 mal 1857.— ANQ-Q, CE6-24, 12 oct. 1836.— AO, RG 80-5-0-243, no 3584.— ASQ, Fichier des anciens.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— J.-G. Descôteaux, Faculté de droit, université d’Ottawa, 1953–1978 (Ottawa, 1979).— I.-J. Deslauriers, la Cour supérieure du Québec et ses juges, 1849–1er janvier 1980 (Québec, 1980).— DPQ.— David Howes, « Dialogical jurisprudence », dans Canadian perspectives on law & society : issues in legal history, W. W. Pue et Barry Wright, édit. (Ottawa, 1988), 7190 ; « From polyjurality to monojurality : the transformation of Quebec law, 18751929 », Rev. de droit de McGill (Montréal), 32 (19861987) : 523558.— « Parliamentary debates » (projet de mfm de l’Association canadienne des bibliothèques des débats de la législature de la province du Canada et du parlement du Canada pour les années 1846 à 1874), 10 mars 1865.— J.-Y. Pelletier, Nos magistrats (Ottawa, 1989).— Honorius Provost, Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce ; histoire civile (Québec, 1970).— Univ. Laval, Annuaire, 18581859,18911892.

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David Howes, « TASCHEREAU, sir HENRI-ELZÉAR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/taschereau_henri_elzear_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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