SETTEE, JAMES, missionnaire de l’Église d’Angleterre et auteur, né entre 1809 et 1816 près du lac Split (Manitoba), descendant de Cris des Marécages et de Britanniques ; en 1835, il épousa Sarah (Sally) Cook, et ils eurent six filles et cinq fils ; décédé le 19 mars 1902 à Winnipeg et inhumé au cimetière St John.
James Settee disait être l’arrière-petit-fils d’un certain capitaine Smith, officier au fort York (York Factory, Manitoba), et le petit-fils d’un homme surnommé Little Englishman qui avait « été élu chef de toutes les tribus du littoral ». Une de ses grands-mères était la fille de John Newton*, l’officier qui commandait le fort York en 1748. Dans une lettre écrite en 1857, Settee racontait avoir quitté le lac Split « en 1824, à l’âge de huit ans, pour aller à l’école à la Rivière-Rouge ». Il était l’un des quatre enfants du district du fleuve Nelson envoyés à l’école de la Church Missionary Society. En 1827, Settee fut baptisé en tant qu’« Indien » par le révérend David Thomas Jones*.
Le prédécesseur de Jones, John West* avait soutenu fermement l’idée de former un clergé autochtone. Les successeurs de West ne mirent pas le même accent sur la formation d’évangélisateurs autochtones, mais le secrétaire de la Church Missionary Society, le révérend Henry Venn, veilla à ce que l’organisme n’abandonne pas l’idée. Les écrits de Settee suggèrent qu’il voulait non seulement convertir son peuple, mais aussi l’aider, dans toute la mesure du possible, à s’adapter aux changements que l’Ouest canadien connaissait au xixe siècle. Songeant à l’avenir, lui-même et son condisciple et ami Charles Pratt* voyaient « [leurs] compatriotes disparaître pour toujours de la surface de la terre ». « Il faut faire quelque chose pour eux », affirmaient-ils.
Ce double souci, Settee le tenait du révérend William Cockran*, « [son] bienfaiteur et père depuis l’âge de neuf ans ». « J’ai œuvré [à ses côtés] chez les Indiens de St Peter [Dynevor] et Nettle Creek [Netley Creek], disait-il, jusqu’à ce que lui-même et d’autres m’invitent à travailler parmi eux [les Indiens] sur leurs territoires de chasse. » Cockran était convaincu que le seul moyen, pour les autochtones, de survivre au déclin de la traite des fourrures et de la chasse était de se consacrer à l’agriculture. Settee s’efforçait de donner l’exemple, mais on discerne chez lui un certain scepticisme. Ses lettres à la Church Missionary Society brossent un tableau plus réaliste du potentiel agricole des missions du lac la Ronge (Saskatchewan) que les rapports officiels de ses supérieurs. « Quant à l’agriculture, notait-il en 1852, j’ai souvent pensé que nous ne pouvons pas améliorer la condition temporelle des Indiens ici, en raison de la pauvreté du sol. » Les autochtones, soulignait-il, avaient besoin qu’on les aide à passer à un mode de vie sédentaire. La générosité avec laquelle il partageait ses biens causait parfois des tensions entre lui et ses supérieurs.
Quand Cockran entreprit, « dans l’arrière-pays, sa quête d’âmes indiennes », ses « premiers candidats pour les missions intérieures » furent Settee et Henry Budd*, premiers autochtones nommés catéchistes et instituteurs. Settee passa l’hiver de 1841–1842 dans la région du ruisseau Beaver (ruisseau Weatherald, Saskatchewan) et du mont Moose avec une bande d’Assiniboines-Cris, puis retourna au fort Ellice (Fort Ellice, Manitoba) avec sa femme et ses enfants. Sa mission se solda par un échec en 1845 : entre Settee, Cri des Marécages, donc Cri du Nord, et les Cris des Plaines, qui étaient du Sud, les liens de parenté et la communauté de langue étaient trop faibles.
Settee et sa femme Sarah enseignèrent un moment à The Pas (Manitoba). Puis, pendant l’été de 1846, le révérend James Hunter* le prépara à aller au lac la Ronge, où James Beardy et Kayanwas, tous deux autochtones, avaient déjà fait un travail préliminaire. La tâche que les Settee accomplirent à cet endroit fut, semble-t-il, satisfaisante. En juillet 1847, au cours d’une visite, Hunter baptisa plus d’une centaine d’adultes et d’enfants, et il maria 13 couples. En 1849, « en raison de la disette », Settee quitta le lac la Ronge et se rendit à la rivière Potato. Il y resta un bref moment, jusqu’à l’arrivée d’un nouveau missionnaire, le révérend Robert Hunt, que l’on avait chargé d’établir une mission permanente et de choisir « l’emplacement le plus avantageux ». Finalement, Hunt décida que la mission, rebaptisée mission Stanley, serait sur la rive sud-est du lac Mountain. Lui-même et Settee résidaient là en octobre 1852.
Settee et d’autres catéchistes autochtones, Thomas Vincent par exemple, acceptaient mal l’attitude parcimonieuse de la Church Missionary Society. Ils touchaient un salaire deux fois moins élevé que leurs collègues européens, et leurs allocations pour frais de subsistance étaient bien moindres. Au lac la Ronge, Settee devait, tout en logeant et en nourrissant sa famille de plus en plus nombreuse, assumer seul tout un éventail de fonctions séculières et religieuses. « En [l’]absence [de Hunt et de sa femme], écrivit-il à la société missionnaire, je dois veiller à tout, être instituteur, fermier et pêcheur, selon les besoins du moment. »
Décrit par l’archidiacre John Alexander Mackay comme le fondateur de la mission du lac la Ronge ou mission Stanley, Settee semble avoir été blessé de se voir reléguer au rôle de second. Il put oublier ce mauvais moment grâce à l’évêque David Anderson* qui, reprenant, à la suite de West, l’idée de former un clergé autochtone, l’inscrivit à la St John’s Collegiate School en 1853. Settee fut ordonné diacre le jour de Noël 1853 en l’église St John. En juillet 1854, il se rendit au lac Manitoba en compagnie du révérend William Stagg. C’est à partir de cet endroit que, jusqu’en 1867, il allait œuvrer à la mission Fairford et dans le district de la rivière du Cygne.
Le district de la rivière du Cygne s’étendait du lac Winnipeg jusqu’aux lacs Qu’Appelle (lacs The Fishing, Saskatchewan) et aux monts Touchwood. Settee travailla dans tout ce territoire. Au fil des ans, il visita une multitude d’endroits, dont le fort Pelly (Fort Pelly), le fort Ellice, Berens River et le poste du lac Manitoba, mais apparemment, ce fut à la rivière Shoal que sa famille resta le plus longtemps. Les familles de missionnaires ne pouvaient espérer mener une vie sédentaire. C’était une époque bien incertaine que celle où l’emprise de la Hudson’s Bay Company sur la traite des fourrures se relâchait.
Le 1er janvier 1856, Settee fut ordonné ministre par Anderson à l’église St John ; il était seulement le deuxième autochtone à être admis au ministère anglican. Son salaire était de 100£ – la moitié de ce que recevait un diacre nouvellement ordonné et fraîchement arrivé d’Angleterre. Ses allocations n’étaient pas particulièrement généreuses, et Stagg supervisait ses comptes. Mme Settee manifestait peut-être moins de résignation que lui devant les dangers et les privations qu’ils supportaient. En 1860, dans une lettre au comité de la Church Missionary Society, Stagg rapporta : « Ce pauvre M. Settee est un bon chrétien [...] mais sa famille lui nuit beaucoup dans son travail. Sa femme n’est pas soumise et ses fils ne sont pas sages. » En fait, le comité diocésain des finances en avait tellement assez d’elle que, à un moment donné, il faillit placer Settee devant l’alternative de divorcer ou d’être suspendu. Petite-fille de l’agent principal William Hemmings Cook*, Mme Settee appartenait à l’un des plus nombreux clans de la Rivière-Rouge ; elle n’était donc pas insensible aux subtiles distinctions de rang, de prestige et de fortune qui existaient dans la société du Nord-Ouest au xixe siècle.
En mai 1858, Settee reçut de l’évêque Anderson instruction de « coloniser la Qu’Appelle », en dépit du fait que sa première tentative pour établir une mission dans la région, au ruisseau Beaver, dans les années 1840, avait tourné au désastre. Son ami Charles Pratt avait de meilleures relations à cet endroit et avait pu se maintenir à sa mission des lacs Qu’Appelle. Pendant l’été de 1858, Settee y reçut la visite de l’explorateur Henry Youle Hind, qui trouva qu’il lisait « très aisément et très correctement les prières en anglais », mais qu’une grande désinvolture avait marqué la cérémonie du baptême d’un Indien. Hind disait aussi que le fait d’avoir envoyé un Cri des Marécages enseigner et évangéliser les Cris des Plaines risquait de créer une situation dangereuse. Ses appréhensions étaient fondées : dès 1859, Settee fut chassé de la Qu’Appelle « par l’hostilité des tribus des Plaines, qui ne [voulaient] absolument pas que l’on établisse une mission sur les bords de cette rivière par où le bison [avait] coutume de passer ». Les Cris des Plaines n’étaient pas réfractaires à l’instruction chrétienne, affirmait Settee, mais ils craignaient « que la plupart des sang-mêlé errants ne viennent et n’occupent les lieux [...] [ce qui éloignerait] le bison ». Settee visiterait à nouveau la région de la Qu’Appelle en 1861 et en 1865, et les monts Touchwood en 1861, 1862 et 1865.
En 1867, après avoir eu la charge du district de la rivière du Cygne pendant « un peu moins d’un an », Settee fut remplacé par le révérend D. B. Hale et muté à Scanterbury (Manitoba). Ses lettres de Scanterbury suggèrent qu’il était déprimé, et Mme Settee ne contenait sûrement pas sa colère. De 1867 à 1879, il œuvra à cet endroit et dans diverses autres missions autochtones du diocèse de la terre de Rupert, dont Mapleton, Netley Creek, le lac Winnipeg et l’île Nelson River.
Au début de 1881, il se trouvait à Prince Albert (Saskatchewan). Il y faisait le travail d’un doyen rural ; son expérience et son goût pour la vie itinérante le disposaient à cette tâche. Dans les derniers mois de 1883, on le rappela à The Pas, où le révérend Joseph Reader, tombé sous l’influence des Frères de Plymouth, menaçait de désorganiser la mission Devon, établie depuis longtemps. Settee réussit à restaurer l’ordre anglican et fut libéré de sa charge au bout d’un an environ. Il retourna à Prince Albert, mais, en raison de son âge et de son état de santé, il se retira au Manitoba. La Church Missionary Society l’avait officiellement relevé de ses obligations en 1884. Cependant, on a rapporté qu’il « témoignait encore pour son « Seigneur et Maître » en 1899 » et « se dépensa autant qu’il le put jusque passé quatre-vingt-dix ans ». On dit qu’il avait 93 ans au moment de sa mort.
Settee était robuste et de taille moyenne. En voyant la photographie où il est revêtu de son surplis et de son étole, et où il arbore une barbe blanche et une moustache fournie, on se dit que cet homme a bien l’air d’un pasteur de la fin de l’époque victorienne. Vigoureux même dans sa vieillesse, doté d’un bon sens de l’humour, il supporta patiemment les épreuves et les fatigues de son existence. Un personnage attachant émerge de ses écrits. Versé en anglais, il connaissait bien aussi les langues et la culture autochtones ; parmi les témoins de la rapide transformation que le Nord-Ouest canadien et ses populations autochtones connurent au xixe siècle, il est l’un de ceux qui atteignirent l’âge le plus vénérable.
Même si ses conflits avec les autorités n’étaient pas rares, Settee savait manifestement, dans la vie courante, s’entendre avec les gens, qu’ils aient été autochtones ou Européens. Expulsé deux fois des Prairies de l’Ouest, il eut l’acharnement nécessaire pour y retourner. Il attribuait ses revers non à de la résistance aux enseignements chrétiens, mais à des causes bien concrètes : réalité économique, menaces d’un changement dans les conditions matérielles. Même lorsqu’il se désolait d’avoir été relégué à Scanterbury, il savait exprimer de la gratitude pour « l’expansion de [l’]Église indigène ». Il regrettait que les missionnaires aient dû « consacrer autant de temps aux affaires séculières » – maisons, écoles, chapelles, fermes – car il aurait aimé avoir davantage le loisir d’« être en communion avec Dieu ».
Settee savait tirer parti de sa connaissance des traditions autochtones. On a plusieurs exemples de situations où il se servit du tabac comme instrument d’évangélisation. Peu après son arrivée à la rivière du Cygne (rivière Swan), un visiteur se présenta à son campement. « J’ai bourré le calumet pour lui, écrit-il. Puis, sans tarder, j’ai dirigé ses pensées vers Dieu et la religion. »
Ses écrits sont très lisibles et, selon les critères de la fin du xxe siècle, ils sont même élégants. Son anglais est vivant, clair et concis, quoique, souvent, les conventions de la ponctuation et de l’emploi des majuscules soient bousculées ; on remarque à l’occasion des faiblesses de syntaxe, mais rarement d’orthographe. Tant dans la conversation que dans l’exercice de son ministère, Settee était sans doute à l’aise en anglais, en cri et en sauteux.
Récemment, des chercheurs se sont intéressés au plus long des manuscrits de James Settee – un texte qu’il écrivit tard dans sa vie. Voilà, a-t-on écrit, un « apport à la littérature des Algonquins du Nord », le témoignage d’« une vivacité, d’un éclat typiquement cris ». Il semble probable que Settee composa « An Indian camp at the mouth of Nelson River Hudsons Bay » à la fin des années 1880, pendant qu’il œuvrait à Jackhead, au Manitoba. Si ce fut le cas, son grand âge, la probabilité qu’il n’écrivait plus ou même ne parlait plus l’anglais aussi souvent qu’auparavant et le fait qu’il s’agit d’un texte long (le seul, semble-t-il, qui subsiste de lui) pourraient expliquer que son style y est moins conventionnel, et même plus imagé, que dans ses écrits antérieurs.
La source principale des renseignements sur la vie de James Settee se trouve dans les archives de la Church Missionary Soc., disponibles sur microfilms aux AN, MG 17, B2. En plus de ses journaux personnels et de sa correspondance, on y trouve de nombreuses références à son sujet dans les papiers des missionnaires avec qui il était en relation, dont James Hunier, Abraham Cowley*, et William Stagg, ainsi que dans ceux de ses collègues et catéchistes autochtones Charles Pratt et Alfred Campbell Garrioch*. On trouve aussi des renseignements sur Settee aux PAM, HBCA, et dans les archives de l’EEC, Diocese of Rupert’s Land Arch. (Winnipeg) (mfm aux PAM). Le manuscrit des années 1880 de Settee est reproduit dans l’article de J. S. H. Brown, « James Settee and his Cree tradition : « An Indian camp at the mouth of Nelson River Hudsons Bay », Congrès des algonquinistes, Actes du huitième congrès, William Cowan, édit. (Ottawa, 1977), 36–49.
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Lewis Gwynne Thomas, « SETTEE, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/settee_james_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |