SCOTT, THOMAS SEATON, architecte et fonctionnaire, né le 16 août 1826 à Birkenhead, Angleterre ; le 28 avril 1859, il épousa à Montréal Mary Mackenzie, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 15 ou le 16 juin 1895 dans sa maison d’Ottawa.
Après avoir fait son apprentissage auprès d’un architecte-ingénieur agréé, apparemment son frère aîné Walter, Thomas Seaton Scott parcourut l’Europe de janvier à août 1850 pour voir et dessiner les grands ouvrages du passé. À la fin de 1855 ou au début de l’année suivante, il immigra au Canada avec, selon les dires de ses descendants, la foule d’artisans et autres spécialistes venus travailler à la construction du pont Victoria, à Montréal [V. James Hodges*]. Scott a laissé trois croquis de ce pont, mais personne n’a encore trouvé de document qui précise le rôle qu’il aurait joué dans sa conception ou sa construction. Son mariage avec la fille de William S. Mackenzie, chef d’exploitation des locomotives du Grand Tronc, l’a peut-être aidé à obtenir des contrats de cette compagnie ferroviaire. Toute sa vie, en effet, Scott a conçu pour elle des bâtiments importants, depuis les grandes gares de Toronto et de Montréal, inaugurées respectivement en 1873 et 1889, jusqu’aux petites installations le long de la ligne reliant Québec à Trois-Pistoles. C’est également lui qui a aménagé à des fins résidentielles la propriété du Grand Tronc à Pointe-Saint-Charles (Montréal).
Les relations que Scott avait nouées grâce à sa famille et à son travail au Grand Tronc, ajoutées à ses modestes talents de dessinateur, lui permirent d’obtenir d’autres commandes à Montréal. La plus importante, et la plus difficile, fut l’achèvement des travaux de la cathédrale Christ Church au décès de l’architecte Frank Wills*. Engagé en 1857 à la condition expresse de ne rien changer aux plans de ce dernier, Scott devait plus tard être poursuivi en justice, avec les entrepreneurs en construction, pour la qualité médiocre des fondations que Wills avait prescrites. Scott, qui était presbytérien, dessina aussi plusieurs églises, qui existent toujours, pour des communautés anglicanes : à Prescott en 1858, à Ottawa et à Cornwall en 1868–1869, de même que, dans la province de Québec, à Waterloo en 1871 et à Murray Bay (Pointe-au-Pic). On lui doit également les plans de plusieurs maisons bourgeoises de Montréal et d’une résidence à Maitland, en Ontario.
En 1871, l’architecte Scott semblait connaître un certain succès à son cabinet privé. Ses relations familiales et professionnelles lui avaient assuré un revenu stable, mais sa carrière n’avait rien de spectaculaire, si ce n’est qu’il avait des contrats un peu partout dans la province de Québec et en Ontario à une époque où les architectes ne travaillaient généralement que dans une seule ville. À en juger d’après les bâtiments qu’on lui attribue, il arrivait très bien à rendre l’esprit et les détails du néo-gothique, dont la popularité était cependant à la baisse, mais il était certainement maladroit dans le dessin plus moderne des styles à l’italienne et Second Empire. L’année 1871 marque un tournant dans sa carrière : nommé le 24 mai architecte du département des Travaux publics du dominion, ministère pour lequel il n’avait jamais travaillé jusque-là, il allait être promu le 17 février suivant architecte en chef du département, devenant ainsi la première personne à détenir ce titre.
Selon ce que sa famille prétendrait plus tard, Scott devait sa nomination à l’influence de sir George-Étienne Cartier*, longtemps conseiller juridique principal du Grand Tronc. Rien d’autre d’ailleurs, ni sa réputation professionnelle ni les relations qu’on lui connaissait, ne permet d’expliquer qu’on l’ait choisi. D’abord seul architecte des Travaux publics, Scott créa le service d’architecture et, peu à peu, en fit la plus grande entreprise à concevoir et à construire des édifices au pays. Pour préparer les plans et les élévations des nouvelles structures, l’État fédéral fit d’abord appel, par contrat, à des architectes indépendants, qui dressèrent les plans des trois immeubles construits par le département en 1870–1871. Puis, progressivement, on autorisa Scott à engager du personnel et à faire préparer les plans dans son service, de sorte que dix ans plus tard le département s’occupait lui-même de 33 des 35 immeubles importants qu’il se proposait de construire – les 2 autres, conçus par des gens de l’extérieur, étant les bureaux de poste de Belleville et de St Catharines, en Ontario. D’après les rapports ministériels et la correspondance qui restent, Scott ne dessina pas lui-même beaucoup d’édifices et n’eut pas une grande influence sur les décisions fédérales en cette matière. Il s’occupa plutôt d’administration, et sa plus importante contribution fut d’engager des spécialistes reconnus et de façonner une équipe qui préparait les plans, d’établir les règles d’adjudication des contrats et de gestion interne et de constituer graduellement ce qui semble avoir été la plus grande concentration de connaissances en architecture au pays. En qualité d’architecte, il ne participa apparemment qu’à un seul projet, l’agrandissement de l’édifice de l’Ouest du Parlement d’Ottawa, entrepris en 1875 et dont les plans sont nettement de lui. De plus, il révisa lui-même les plans que l’architecte paysagiste new-yorkais Calvert Vaux avait préparés pour la colline du Parlement.
Scott n’eut pas non plus beaucoup d’influence sur la politique fédérale en matière de construction. Peu avant son arrivée à Ottawa, le gouvernement avait, semble-t-il, adopté une version plutôt dépouillée et simplifiée du style Second Empire qui, pour projeter une image unifiée, s’appliquerait à tous les édifices fédéraux du pays. Or, d’après les travaux qu’il avait réalisés avant sa nomination, Scott n’avait pas d’affinité ni de talent particulier pour ce style, et les bâtiments fédéraux dessinés par son personnel ne se distinguent ni par la qualité de l’exécution artistique ni par la décoration ou l’aménagement des espaces intérieurs. Ce n’est que par l’utilisation du fer dans les systèmes de soutien – sûrement attribuable à l’expérience de Scott dans les sociétés ferroviaires – que le département a contribué à faire avancer la profession d’architecte. Sous la direction de Thomas Fuller, éminent successeur de Scott, le département en viendrait à donner aux édifices une apparence extérieure de meilleure qualité, quoique en matière de structures, dans l’utilisation de la fonte par exemple, il soit devenu passablement plus conservateur. Scott démissionna pour des raisons de santé le 7 septembre 1881, mais une série de manœuvres administratives lui permirent d’avoir droit prématurément à sa retraite le 4 novembre et de toucher une pension de 660 $ par an. Scott vécut ensuite tranquille et presque ignoré à Ottawa jusqu’à ce qu’il meure d’une maladie cardiaque en 1895. Il laissa à ses héritiers une maison – construite, croit-on, d’après ses propres plans et qui est aujourd’hui un petit hôtel –, ses effets personnels et 2 800 $ en argent. En 1880, il avait été l’un des cinq architectes canadiens à être nommé membre fondateur de l’Académie royale canadienne des arts [V. Lucius Richard O’Brien], à laquelle il avait donné comme morceau de réception son dessin de la gare Union de Toronto. Il l’avait remplacé l’année suivante par trois dessins de son agrandissement de l’édifice de l’Ouest du Parlement d’Ottawa. Après avoir présenté quatre croquis à l’exposition de 1882, il avait siégé sans se distinguer au conseil de l’académie de 1880 à 1891 et de 1893 jusqu’à sa mort.
Dans les années 1850 et 1860, époque où Montréal pouvait s’enorgueillir de compter plusieurs excellents concepteurs, Thomas Seaton Scott fut, lui, un architecte et un ingénieur moyen. Sa nomination au département des Travaux publics témoigne de l’influence envahissante que les compagnies ferroviaires avaient sur la politique et l’administration fédérales pendant les années qui suivirent la Confédération, époque où les relations et une aptitude administrative limitée l’emportaient sur la compétence professionnelle. Tant à ce poste qu’en remplissant les commandes privées qu’on lui confia avant et après sa nomination, Scott ne manifesta jamais de compréhension particulièrement poussée des nouveaux courants architecturaux et, de fait, son dernier ouvrage connu, la gare Bonaventure, s’est fait remarquer par son air démodé. Sa principale réalisation demeure d’avoir formé le service d’architecture du département des Travaux publics et de lui avoir donné de l’ampleur durant ses premières années, mais ce travail, bureaucratique surtout, fut nettement éclipsé par les réussites architecturales et administratives de son successeur.
La légère incertitude qui règne au sujet de la date du décès de Thomas Seaton Scott résulte de divergences dans les sources. On donne le 15 juin 1895 dans le registre d’inhumation du Mount Royal Cemetery Company (Outremont, Québec) et dans celui de la St Andrew’s Presbyterian Church (Montréal), cité ci-dessous. Toutefois, la demande d’homologation de son testament (AO, RG 22, sér. 354, n° 2672), enregistre son décès « le ou vers le 15 juin 1895 », et la date gravée sur la pierre tombale de T. S. et Mary Scott dans le cimetière du Mont Royal (lot C–547) est le 16 juin.
Une liste complète des édifices publics érigés pendant que Scott était architecte principal figure dans Canada, Dép. des Travaux publics, General report of the minister of public works for 1867 to 1882 (Ottawa, 1884), app. 1. [d. j.]
AN, Division des arch. cartographiques et architecturales, RG 11M, Ace. 83403/55 ; RG 2, 4, vol. 3, n° 1021 ; vol. 4, n° 131 ; vol. 13, nos 1273, 1446, 1463 ; RG 55, 424, n° 2816.— ANQ-M, CE1–125, mars 1865 ; Division cartographique, P1000/50–598.— Church of St Andrew and St Paul (Presbyterian) (Montréal), St Andrew’s, reg. of baptisms, marriages, and burials, 1859 : fo 30 ; 1860–1861 : fo 6 ; 1862–1863 : fo 33 ; 1892–1909 : fo 70.— Grenville County Hist. Museum (Prescott, Ontario), Report of the building committee of St John’s Church, Prescott, 6 mars 1860. Cette référence nous a courtoisement été donnée par Stephen A. Otto, Toronto. [d. j.] – St Andrew’s Presbyterian Church (Ottawa), Reg. of baptisms, 1872 (mfm aux AO).— Canada, Dép. des Travaux publics, Report of the minister (Ottawa), 1871 : 47–51 ; 1876, app. 17 : 4 ; 1881 : xiv-xxi.— Canadian Architect and Builder (Toronto), 2 (1889) : 9.— Canadian Illustrated News (Montréal), 17 juill. 1871, 11 déc. 1875, 18 mai 1878.— Gazette (Montréal), 18 juin 1895.— La Minerve, 3 août 1858.— Ottawa Citizen, 17 juin 1895.— Times (Ottawa), 11 mai 1868.— Ottawa directory, 1869–1870 : 97–98.— Académie royale des arts du Canada ; exhibitions and members, 1880–1979, E. de R. McMann, compil. (Toronto, 1981).— Wallace, Macmillan dict.— F. D. Adams, A history of Christ Church Cathedral, Montreal (Montréal, 1941), 75–85 (le nom de Scott est transcrit de manière erronée comme Thomas S. Salt).— Margaret Archibald, By federal design : the chief architect’s branch of the Department of Public Works, 1881–1914 (Ottawa, 1983).— Philippe Dubé et Jacques Blouin, Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix :l’histoire du pays visité (Québec, 1986), 119.— H. E. MacDermot, Christ Church Cathedral ; a century in retrospect ([Montréal, 1959] ; réimpr., 1978).— N. McF. MacTavish, The fine arts in Canada (Toronto, 1925 ; réimpr., [avec introd. de Robert McMichael], 1973). L’entrée au nom de Scott contient plusieurs inexactitudes. [d. j.] – D. [R.] Owram, Building for Canadians : a history of the Department of Public Works, 1840–1960 ([Ottawa], 1979).— C. [A.] Thomas, « Architectural image for the dominion : Scott, Fuller and the Stratford Post Office », Journal d’hist. de l’art canadien (Montréal), 3 (1976), n° 1–2 : 83–94.— Janet Wright, « Thomas Seaton Scott : the architect versus the administrator », Journal d’hist. de l’art canadien, 6 (1982), n° 2 : 202–18.
Dana Johnson, « SCOTT, THOMAS SEATON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_seaton_12F.html.
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Auteur de l'article: | Dana Johnson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |