LEONARD, REUBEN WELLS, ingénieur, officier de milice, industriel du secteur minier, fonctionnaire et philanthrope, né le 21 février 1860 à Brantford, Haut-Canada, fils de Francis Henry Leonard, homme d’affaires et fonctionnaire municipal, et de Mary Elizabeth Catton ; le 11 octobre 1889, il épousa à Kingston, Ontario, Kate Rowlands (décédée le 12 septembre 1935), petite-fille de James Lesslie* ; décédé le 17 décembre 1930 à St Catharines, Ontario.
Reuben Wells Leonard fréquenta le Brantford Collegiate Institute et, après avoir enseigné un moment dans le comté de Brant, il entra au Royal Military College of Canada à Kingston pour étudier le génie civil. Diplômé en 1883 et médaillé de bronze dans une promotion de 23 cadets, il fut ensuite ingénieur à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique durant deux ans (mais quitta temporairement son poste pour servir dans la milice pendant la rébellion du Nord-Ouest en 1885 [V. Louis Riel*]). Après, sa carrière d’ingénieur prit vraiment son envol. De 1886 au début de 1906, il participa surtout à des projets ferroviaires et hydroélectriques dans le centre et l’est du Canada. Le plus important d’entre eux fut la construction de la première centrale hydroélectrique des chutes du Niagara en 1892–1893.
En 1905, la vie de Leonard connut un changement radical. Le financement de travaux de prospection dans le Nord ontarien déboucha cette année-là sur l’acquisition d’une riche concession dans le centre de Cobalt. Comme ces mines contenaient du cobalt (Co), du nickel (Ni), de l’argent (Ag) et de l’arsenic (As), l’entreprise fut nommée Coniagas Mines Limited. La présidence et la direction générale furent confiées à Leonard. En 1908, il implanta la Coniagas Reduction Company Limited à Thorold, où se faisait le traitement des minerais, et en assuma la présidence. Dans une localité voisine, St Catharines, lui-même et sa femme se firent construire une imposante maison, Springbank, avec vue sur l’ancien canal Welland. Les Leonard n’avaient pas d’enfant, mais un de leurs neveux, Arthur Leonard Bishop*, vint de Brantford à St Catharines pour fréquenter l’école. Il devint leur pupille, puis l’héritier de leur fortune.
Heureux en affaires, Leonard était réputé pour sa philanthropie. Des établissements d’enseignement, des congrégations (anglicanes de la Basse Église) et des hôpitaux, entre autres, pouvaient compter sur ses généreux dons. La tradition veut qu’il ait considéré sa grosse fortune comme une fiducie constituée dans un but charitable. Leonard fit partie du conseil d’administration de la University of Toronto, du Wycliffe College à Toronto, du Ridley College à St Catharines, de la School of Mining and Agriculture et de la Queen’s University à Kingston ainsi que de la Khaki University of Canada. Passionné de politique impériale, il appartint au comité directeur canadien du groupe d’études Round Table, qui était voué à la réorganisation de l’Empire britannique. Tout aussi active, Kate Rowlands Leonard se distinguait dans des organismes tels l’Imperial Order Daughters of the Empire, le Victorian Order of Nurses et la Young Women’s Christian Association.
En 1911, le premier ministre du Canada, Robert Laird Borden*, nomma Leonard président de la Commission du chemin de fer Transcontinental. Leonard succédait à Simon-Napoléon Parent*. Au cours de ses trois ans à la commission, il superviserait avec diligence la construction de la ligne qui relierait Moncton, au Nouveau-Brunswick, à Winnipeg. Lorsque la guerre éclata, il se mit au service de la cause. Pour lui, il n’était pas question de rester tranquillement chez lui. Il passa plusieurs mois en Europe en 1915. À titre de major dans le Corps of Guides – il y était entré en 1904 et accéderait au grade de lieutenant-colonel en septembre 1915 –, il surveilla les manifestations d’hostilité envers la Grande-Bretagne qui se produisaient aux États-Unis. En tant que membre du comité directeur du mouvement en faveur d’une participation accrue du Canada à la guerre, il exerça des pressions pour la formation du gouvernement d’union en 1917. De plus, il soutint l’effort de guerre par de généreux dons et participa aux collectes d’organismes tel le Fonds patriotique canadien.
Après l’armistice, Leonard continua de participer à tout un éventail d’activités philanthropiques. Il occupa la présidence de l’Institut canadien des ingénieurs durant l’année 1919–1920 et fut nommé en 1920 à la Commission des monuments et des champs de bataille nationaux canadiens. Cependant, il déclina l’invitation d’adhérer à la League of Nations Society in Canada. Cette organisation était vouée à l’échec, affirma-t-il, parce qu’elle ne tenait pas compte des différences insurmontables entre les races. Par ailleurs, il devait s’occuper de la compagnie Coniagas. Le prix de l’argent, son principal minerai, commença à remonter après la guerre. En 1919, une grève acharnée interrompit la production durant sept semaines et, avec les autres propriétaires miniers de la région de Cobalt, Leonard réussit à empêcher les mineurs de se syndiquer. Son mépris pour les syndicats ne se manifesta pas seulement à la Coniagas, mais aussi à la University of Toronto, où à titre de membre du conseil d’administration, il s’acharna contre Robert Morrison MacIver, professeur du département d’économie politique reconnu pour ses positions prosyndicales.
Par l’entremise du mouvement Round Table, Leonard avait fait la connaissance de l’écrivain anglais Lionel George Curtis. En 1923, il acheta au centre de Londres une demeure historique, Chatham House, qu’il donna au nouvel organisme créé par Curtis, le British (par la suite Royal) Institute of International Affairs. La même année, Leonard révisa abondamment les modalités d’une fiducie qu’il avait créée en 1916 en vue surtout d’aider dans leurs études les fils de ministres du culte, d’enseignants et d’anciens combattants. Élargies en 1920, ces modalités prirent alors leur forme définitive, et le montant du fonds fut porté à 500 000 $. Le préambule de l’acte de fiducie expose les convictions profondes de Leonard. Il croyait à la supériorité naturelle de la race blanche et à l’importance du rôle que pouvaient jouer le christianisme et l’Empire britannique dans l’avancement de la civilisation. Les bourses étaient donc réservées aux étudiants blancs, sujets britanniques et protestants. En outre, un quart des sommes, au maximum, pouvait aller à des étudiantes. L’objectif de Leonard était d’aider financièrement les étudiants nécessiteux qui montraient des dispositions à devenir d’éminents citoyens de l’Empire.
Avec ces donations, Leonard parvint à l’apogée de sa vie publique ; à la fin de 1923, il était bien connu au Canada et en Angleterre. Cependant, le déclin survint bientôt. Leonard commença à souffrir des symptômes d’un désordre neurologique – la maladie de Parkinson, croit-on aujourd’hui. Pendant que sa santé déclinait, il fit une longue série de donations en versant notamment de grosses subventions en capital au Ridley College et au Wycliffe College. En outre, des hommages et honneurs lui furent rendus ; par exemple, la Queen’s University lui décerna un doctorat en octobre 1930. Leonard mourut exactement six semaines plus tard. Même après 20 ans de philanthropie assidue, il laissait une succession d’une valeur supérieure à 4,5 millions de dollars.
Si des donations telle Chatham House perpétuent la mémoire de Reuben Wells Leonard, la Leonard Foundation demeure le legs qui représente le mieux cet homme et son temps. Vestiges des années 1920, les critères limitatifs de l’octroi des bourses commencèrent à susciter des préoccupations publiques dans les années 1950. De son vivant, Leonard avait été célébré en tant que patriote canadien et philanthrope. Plus la controverse au sujet du fonds s’intensifiait, plus on s’est penché sur ses convictions racistes. Une plainte déposée en 1986 contre la fondation en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario a donné lieu à des poursuites judiciaires. En 1990, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que les conditions relatives à la race, à la religion, à la nationalité et au sexe étaient contraires à la loi.
On a perdu la trace des papiers personnels de Reuben Wells Leonard. On croit que, à la mort de ce dernier, son secrétaire personnel, Henry Collins, les a pris en vue de préparer une biographie. Ce travail n’a jamais été fait.Une bibliographie complète sur la vie de Leonard, qui mentionne les sources primaires existantes, figure dans notre ouvrage intitulé Unforeseen legacies : Reuben Wells Leonard and the Leonard Foundation trust (Toronto, 2000), où est reproduit aussi l’acte de fiducie de la Leonard Foundation, daté du 28 déc. 1923. Les sources les plus pertinentes sont notamment : Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3 ; [R. W. Leonard], « Retiring president’s address », Engineering Institute of Canada, Journal (Montréal), 3 (1920) : 78–84 ; Re Canada Trust Co. and Ontario Human Rights Commission [...] (1990), Dominion Law Reports (Aurora, Ontario), 4e sér., 69 : 321–356 ; et Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell). [b. z.]§
Bruce Ziff, « LEONARD, REUBEN WELLS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leonard_reuben_wells_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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