LEBLANC, sir PIERRE-ÉVARISTE (baptisé Pierre-Laurent-Damase-Évariste), enseignant, avocat, homme politique et lieutenant-gouverneur, né le 10 août 1853 à Saint-Martin (Laval, Québec), fils de Joseph Leblanc, forgeron, et d’Adèle Bélanger ; le 12 janvier 1886, il épousa dans la paroisse Saint-Jacques de Montréal Joséphine-Hermine Beaudry (décédée en février 1931), et ils eurent trois enfants ; décédé le 18 octobre 1918 à Spencer Wood, Sillery, et inhumé le 21 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.

On a affirmé pendant longtemps que les ancêtres de Pierre-Évariste Leblanc étaient d’origine acadienne et qu’ils étaient venus à l’Île Jésus, près de Montréal, en 1757, à la suite du Grand Dérangement dirigé par Charles Lawrence*. Toutefois, les recherches généalogiques semblent infirmer cette affirmation. Les mariages et les sépultures des ancêtres de Leblanc furent enregistrés, à partir de 1666, à Ville-Marie (Montréal), à Charlesbourg, à Saint-Laurent et à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord).

Leblanc fit ses études à l’académie de son village, puis fréquenta l’école normale Jacques-Cartier de Montréal, où il reçut le prix du prince de Galles et son diplôme d’enseignement en 1873. Il enseigna pendant huit ans dans son alma mater, où il aurait donné des leçons au cachet. L’enseignement le rebuta rapidement, semble-t-il. « Son tempérament vif l’emportait sur la patience qu’il fallait déployer pour communiquer aux jeunes gens les règles et les exceptions de la grammaire française, l’arithmétique et la géographie », selon un contemporain. Parallèlement à ses activités pédagogiques, Leblanc entreprit donc l’étude du droit au McGill College en 1875–1876, puis fit son stage de clerc aux bureaux de Siméon Pagnuelo et de Joseph-Aldric Ouimet. Admis au barreau le 11 juillet 1879, il exerça sa profession à Montréal au cabinet Leblanc et Brossard ; le 7 mars 1893, il serait nommé conseiller de la reine par le gouvernement fédéral et, le 9 juin 1899, par le gouvernement provincial.

Très tôt, Leblanc participa à la vie politique. Au cours de l’hiver de 1874–1875, avec Alfred Duclos* De Celles, Fabien Vanasse, Guillaume-Alphonse Nantel* et Joseph-Gédéon-Horace Bergeron, il fonda le Club Cartier, dont l’objectif était de revigorer le Parti conservateur fédéral, vaincu par Alexander Mackenzie* aux élections de janvier 1874, et de faire une place aux jeunes. C’est dans ce club que Leblanc « fit ses premiers essais dans l’art de la parole ». Il se retrouva pour la première fois sur les estrades électorales au moment de la campagne du printemps de 1878, campagne qui suivit le renvoi du premier ministre Charles Boucher de Boucherville par le lieutenant-gouverneur Luc Letellier* de Saint-Just. En 1898, Leblanc et ses amis répéteraient, dans des circonstances encore plus difficiles pour le Parti conservateur, l’expérience du club politique : ils fonderaient alors l’Association conservatrice de Montréal.

Leblanc fut élu pour une première fois à l’élection partielle provinciale du 30 octobre 1882 en tant que député conservateur de la circonscription de Laval. C’est lui qui, le 19 janvier 1883, proposa l’adoption de l’adresse en réponse au discours du trône, privilège destiné à bien marquer l’estime que lui accordait le parti. Il fit également sa première intervention à l’Assemblée, abordant successivement les thèmes des réformes judiciaires (codification des lois, jurys), de l’économie (forêt, reboisement, mines), de la colonisation, des dépenses gouvernementales, du régime de retraite des fonctionnaires, des liqueurs enivrantes et de la protection contre les compagnies d’assurance, ainsi que les problèmes de la pêche intérieure. Les chroniqueurs notèrent que le nouveau député paraissait « très à son aise » et qu’il avait « la dent dure pour ses adversaires ». Pendant la session, Leblanc fut membre de deux comités, il présenta quatre pétitions, trois projets de loi, une motion et il fit trois interpellations. On lui demanda même, à cinq reprises, de remplacer le président de l’Assemblée, Louis-Olivier Taillon*. Cependant, le premier séjour de Leblanc au Parlement fut de courte durée : son élection fut annulée le 25 mai 1883 en raison de manœuvres frauduleuses et il fut défait à l’élection partielle du 13 juin suivant. Toutefois, comme l’élection de son adversaire Amédée Gaboury fut déclarée nulle le 31 mai 1884, un nouveau scrutin eut lieu le 14 juillet. Leblanc et Gaboury étaient de nouveau en lice. Leblanc l’emporta et il fut réélu en 1886, mais le scrutin fut à nouveau annulé le 7 avril 1888 pour menées frauduleuses. Il réussit à se faire réélire à l’élection partielle du 8 mai 1888, puis aux élections de 1890 et, sans opposition, à celles de 1892.

Pendant ces années, à titre de simple député, Leblanc fut de tous les combats. Il défendit l’attitude du gouvernement conservateur fédéral de sir John Alexander Macdonald* dans l’affaire Riel [V. Louis Riel*] ; il s’opposa à la proposition de félicitations destinées au premier ministre britannique de l’époque, William Ewart Gladstone, lequel se proposait de faire accorder l’autonomie politique à l’Irlande ; il dénonça un projet de loi destiné à étendre le droit de suffrage et à accorder un congé aux ouvriers afin de faciliter leur participation à la vie politique. Les interventions de Leblanc suscitèrent plusieurs incidents de séance. Le député de Laval faisait flèche de tout bois et il attaquait sur tous les fronts.

Après la révocation du premier ministre Honoré Mercier* par le lieutenant-gouverneur Auguste-Réal Angers en 1891 et les élections du 8 mars 1892, Leblanc fut élu à l’unanimité, par ses pairs, président de l’Assemblée législative le 26 avril. À première vue, le choix du gouvernement Boucher de Boucherville peut sembler incompréhensible tant Leblanc était marqué par la politique partisane et tant il avait été jusque-là un franc-tireur. Il faut se rappeler que dès le début de sa carrière parlementaire Leblanc avait été appelé à cinq reprises à remplacer le président et qu’on l’avait totalement négligé par la suite. Au cours de la législature de 1892 à 1896, Leblanc eut à voter à deux reprises pour déterminer un vainqueur. Dans un cas, il appuya les députés ministériels, qui s’opposaient à l’abolition du Conseil législatif ; dans l’autre, il se joignit à l’opposition pour obtenir la deuxième lecture d’un projet de loi modifiant le Code municipal. Plusieurs de ses décisions furent contestées par l’opposition, mais la majorité parlementaire les entérina chaque fois. Leblanc ne parvint pas à gommer les aspérités de son caractère, à atténuer son style « bagarreur », son intransigeance et, peut-être, son esprit partisan. Cependant, le journaliste Omer Héroux* du Devoir devait observer, quelques jours après le décès de Leblanc, qu’il « présida la Chambre avec grande impartialité ». Durant son mandat, le comité de régie interne de l’Assemblée législative fut mis en veilleuse : les membres ne furent convoqués que quatre fois en 61 mois (le président précédent, Félix-Gabriel Marchand*, avait réuni le comité 18 fois en 51 mois).

Les conservateurs perdirent le pouvoir le 11 mai 1897, mais Leblanc fut élu dans son « fief » ; il conserverait son siège jusqu’en 1908. Pendant ce temps, les députés conservateurs passèrent de 17 en 1897 à sept en 1900 et à cinq en 1904. Leblanc fut l’un des principaux lieutenants du chef de l’opposition, Edmund James Flynn*, après la défaite de 1897 et il lui succéda en 1904. Son passage à la tête de l’opposition confirma ses talents de débatteur : il défendit l’immunité ecclésiastique contre la décision de la municipalité de Saint-Germain-de-Rimouski (Rimouski) de taxer les propriétés religieuses ; il dénonça l’augmentation des dépenses de l’État ; il multiplia les interventions sur tous les sujets et se fit le porte-parole de nombreux citoyens.

Même si les électeurs de Laval lui organisèrent une fête pour souligner ses noces d’argent parlementaires le 14 novembre 1907, Leblanc fut défait aux élections générales de juin 1908 et, après le jugement d’annulation du 19 novembre, il fut de nouveau vaincu le 28 décembre. On a dit que le député Leblanc avait présumé de sa force au moment de l’affrontement de juin et qu’il avait négligé sa circonscription. Leblanc retourna alors à la pratique du droit. Il resta en contact avec les parlementaires, puisqu’il vint souvent à Québec pendant les sessions pour défendre les intérêts de ses clients devant le comité des projets de loi privés. Il semble même que, rapidement, les vieux députés conservateurs aient souhaité son retour à l’Assemblée, fatigués qu’ils étaient du bicéphalisme Joseph-Mathias Tellier*–Henri Bourassa*, et qu’on ait pensé à lui proposer une circonscription de Montréal.

À la mort de sir François Langelier survenue en pleine session parlementaire, le 8 février 1915, le gouvernement fédéral conservateur, encouragé par une majorité des députés conservateurs de l’Assemblée législative, désigna Leblanc pour lui succéder à titre de lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Leblanc remplit cette fonction du 12 février 1915 au 18 octobre 1918, date de son décès.

Leblanc avait été nommé commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1910, et chevalier le 3 juin 1916. Il était également chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem en Angleterre et avait été membre du Club Mont-Royal, du Club St James, du Montreal Hunt Club, du Club de la garnison de Québec et de l’Union Club de Montréal.

La devise de sir Pierre-Évariste Leblanc, Tout droit, résume bien son activité politique. Il fut toute sa vie un partisan conservateur et se montra toujours un député combatif. Cependant, il semble que sa spontanéité, son désintéressement, sa franchise et sa chaleur contribuèrent pour beaucoup à faire fondre les barrières et les rancunes partisanes, ainsi qu’en témoignent quelques contemporains, notamment De Celles, Thomas Chapais* et l’abbé Élie-Joseph-Arthur Auclair. Le journaliste Omer Héroux a résumé leurs propos : « Pendant quinze ans, le lieutenant-gouverneur défunt fut l’un des plus ardents lutteurs de son parti. Doué d’une remarquable vigueur physique et d’une grande facilité de parole, prompt à la riposte, [...] passionné pour les batailles politiques, il était toujours au premier rang lorsque son parti avait besoin de lui [...] Personnellement, nous croyons qu’il n’avait pas d’ennemis. »

Gaston Bernier

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 21 oct. 1918.— AN, MG 30, D1, 18 : 62.— ANQ-M, CE1-48, 10 août 1853, 12 janv. 1886.— Le Citoyen (Asbestos, Québec), 20 juin 1978.— Le Courrier de Saint-Jean (Iberville, Québec), 1er nov. 1907.— Le Devoir, 19, 21 oct. 1918.— Le Monde illustré (Montréal), 14 mai 1892.— Le Moniteur acadien, 25 oct. 1918.— Montreal Daily Herald, 8 mai 1909.— La Patrie, 31 mars 1890.— F.-J. Audet et al., « les Lieutenants-Gouverneurs de la province de Québec », Cahiers des Dix, 27 (1962) : 242s.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— CPG, 1918.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— J.[-E.]-A. Froment, Histoire de Saint-Martin (comté Laval-Île-Jésus) et Compte rendu des noces d’or de son curé M. l’abbé Maxime Leblanc (Joliette, Québec, 1915), 109–114.— GPQ.— André Labarrère-Paulé, les Instituteurs laïques au Canada français, 1836–1900 (Québec, 1965), 298.— Le Jeune, Dictionnaire.— Québec, Assemblée législative, Débats, 1883, 1890, 1892, 1907 ; Journaux, 1883–1884, 1886–1897.— Résultats électoraux depuis 1867.— RPQ.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 4–5 ; 7 ; 12–13 ; 19.

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Gaston Bernier, « LEBLANC, sir PIERRE-ÉVARISTE (baptisé Pierre-Laurent-Damase-Évariste) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leblanc_pierre_evariste_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    1 décembre 2024