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LACOSTE, MARIE (baptisée Marie-Thaïs-Élodie-Coralie) (Gérin-Lajoie), féministe, réformatrice sociale, conférencière, éducatrice et auteure, née le 19 octobre 1867 dans la paroisse Notre-Dame, à Montréal, fille d’Alexandre Lacoste*, avocat, et de Marie-Louise Globensky ; le 11 janvier 1887, elle épousa dans la paroisse Saint-Jacques, à Montréal, Henri Gérin-Lajoie, et ils eurent quatre enfants ; décédée le 1er novembre 1945 à Montréal.
Marie Lacoste naît au moment où la révolution industrielle commence à bouleverser la vie quotidienne des Canadiens français. En nombre grandissant, hommes et femmes se dirigent vers les manufactures et les ateliers de Montréal. Loin des faubourgs ouvriers de la cité, la jeune Marie grandit dans une maison des beaux quartiers, qu’elle habite avec ses parents et ses nombreux frères et sœurs. Parmi ces dernières, Justine et Thaïs seront, comme Marie, d’actives réformatrices sociales. En accompagnant sa mère dans ses activités de bienfaisance, Marie développe très tôt une forte sensibilité aux problèmes de misère urbaine et, surtout, au fait que les femmes n’aient pas le pouvoir de diriger leur destin.
À l’âge de neuf ans, Marie est placée au couvent d’Hochelaga, tenu par les Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie. Spontanée et franche, elle est rebutée par l’austérité et la froideur de cette vie, et par la nécessaire obéissance à des règles arbitraires. Puis, encouragée par la promesse que lui fait son père de la laisser consulter sa bibliothèque à sa guise à sa sortie du couvent tout en la guidant, elle termine son cours secondaire, en 1883, avec honneur. Chez elle, la jeune fille entreprend des études personnelles. Intelligente et avide d’apprendre, elle aborde les lois de la physique et des notions de chimie, et s’ouvre aux auteurs classiques.
Sensible au travail exigeant des domestiques de la maisonnée, étonnée de constater que des femmes mariées de son entourage semblent parfois victimes de leurs époux négligents, Marie prend conscience de la position sociale inférieure des femmes et s’indigne de leur enfermement dans un univers domestique ou dans des emplois mal payés et peu gratifiants. Son sentiment de révolte est alimenté par son sacrifice personnel, à ses yeux injustifiable : elle aurait adoré poursuivre ses études, mais toutes les facultés universitaires francophones catholiques sont alors fermées à la gent féminine.
Soucieuse d’en apprendre davantage sur ce qui lui semble une terrible anomalie, Marie se met à l’étude de l’histoire des sociétés et des femmes, ainsi que du droit. C’est alors qu’elle se forge quelques convictions qui la guideront toute sa vie, dont celle que le droit civil est injuste envers les femmes, principalement en ce qui a trait aux changements dans leur statut civil après le mariage : elles tombent alors sous la tutelle de leur époux et deviennent des incapables sur le plan légal. Sans l’approbation formelle de son époux, le consentement d’une femme n’a aucune valeur.
Cette autorité du mari dans la famille et dans la société civile, inscrite dans la loi, fait de l’épouse une dépendante impuissante, et même, dans certains cas, une victime d’abus. Prenant le contre-pied des théories spécieuses sur l’infériorité physique et intellectuelle des membres de ce que l’on nomme le sexe faible, Marie croit qu’il s’agit là d’une monstrueuse erreur qu’il faut réparer au plus tôt. Or, l’infériorité de la femme fait aussi partie du discours et de la pratique de la religion, et Marie est dotée d’une foi ardente. Comment surmonter cette antinomie sans se faire traiter d’hérétique ? En s’abreuvant à l’histoire de la vie de Jésus, venu sauver toutes les âmes du monde, puisque seules les âmes - et non pas des êtres inférieurs et supérieurs - se présentent devant Dieu.
En 1884, Marie rencontre le jeune avocat Henri Gérin-Lajoie, fils de l’homme de lettres Antoine Gérin-Lajoie* et de Joséphine-Henriette Parent, fille du patriote modéré Étienne Parent*. Elle développe pour lui une vive estime et se rend compte que le milieu libéral dans lequel il baigne servira le but qu’elle s’est fixé, celui de travailler à l’élévation de la femme. Le mariage est célébré le 11 janvier 1887. Marie Gérin-Lajoie met ensuite au monde Marie*, Henri, Alexandre et Léon. Tout en consacrant plusieurs heures par jour à ses lectures et à des œuvres de charité, grâce à la présence de domestiques, elle s’occupe de la bonne marche de sa maisonnée et de l’éducation religieuse, morale et scolaire de ses enfants, qui savent lire, écrire et compter avant d’entrer à l’école.
La parution de l’encyclique papale Rerum novarum, en 1891, qui réconcilie le catholicisme avec certaines valeurs sociales comme le droit de grève, ainsi que la montée du féminisme chrétien en France permettent à Marie Gérin-Lajoie d’allier ses désirs de réforme à sa foi personnelle. Déjà, elle a compris que la religion catholique n’est pas immuable et que ses préceptes ont évolué, au fil des siècles, d’une façon beaucoup plus humaine que divine. Son contact avec des féministes chrétiennes, notamment Marie Maugeret, qui veulent faire la promotion de l’égalité de la femme tout en dénonçant les tendances libertaires des premières féministes européennes et américaines, donne un sens définitif à son engagement. Marie Gérin-Lajoie peut, enfin, se dire ouvertement féministe et agir conséquemment.
Dans une société aussi chrétienne dans ses institutions et sa moralité que celle dans laquelle vit Marie Gérin-Lajoie, le mouvement féministe doit, pour être accepté, s’allier au mouvement de réforme sociale dans lequel les femmes sont déjà très actives. Ce dernier mouvement, qui s’attache à dénoncer les conditions d’existence parfois déplorables de la classe ouvrière et qui s’inscrit dans la tradition chrétienne de charité, est bien accueilli par les élites masculines depuis quelques décennies. Un déplacement tout naturel se fait vers l’action féministe, puisque les femmes au sein des classes laborieuses sont généralement les plus mal loties.
Réunies au sein d’œuvres de charité ou de sociétés littéraires, des militantes, principalement anglophones, commencent à intervenir sur la place publique pour apporter des solutions aux problèmes sociaux de leur époque. En 1893, le National Council of Women of Canada (NCWC) et sa section montréalaise sont fondés. En y adhérant, Marie Gérin-Lajoie se joint pour la première fois à un mouvement organisé pour lequel la situation collective des femmes est l’un des problèmes les plus criants de l’heure. Elle croit déjà fermement que, pour améliorer leur sort collectif et individuel, les femmes doivent s’unir.
Dans une province où domine la religion catholique, où une femme qui parle en public commet un geste osé, l’adhésion d’une francophone catholique au NCWC, organisme anglophone et non confessionnel, ne va pas de soi. Marie Gérin-Lajoie y rencontre des Canadiennes françaises d’avant-garde : Marguerite Thibaudeau [Lamothe*], femme engagée dans plusieurs œuvres, ainsi que les journalistes Joséphine Dandurand [Marchand*] et Robertine Barry*. Ces deux dernières, d’ailleurs, publieront des articles de Marie Gérin-Lajoie dans leur revue respective, à Montréal, le Coin du feu et le Journal de Françoise. En 1900, elle devient membre du comité de direction de la section montréalaise du NCWC et dirige plusieurs campagnes de sensibilisation sur l’élargissement des catégories de femmes ayant le droit de vote à Montréal et sur la défense des travailleuses.
De plus en plus affirmée, Marie Gérin-Lajoie intervient dans diverses polémiques, qui portent entre autres sur le droit à une éducation supérieure et celui d’occuper l’emploi de son choix. Dans un livre que fait paraître le NCWC en 1900, les Femmes du Canada : leur vie et leurs œuvres ; ouvrage colligé […] pour être distribué à l’Exposition universelle de Paris, 1900, elle reprend l’un de ses sujets de prédilection avec une « Étude sur la condition légale des femmes de la province de Québec ». Cet intérêt pour le droit, conjugué à son désir de combattre l’ignorance féminine, source de leur infériorisation, aboutit à un projet ambitieux : écrire un ouvrage de vulgarisation du droit. C’est ainsi que, en 1902, elle fait paraître à Montréal un Traité de droit usuel qui aborde les lois qui règlent la vie privée des femmes. Avec cet outil, elle tente de faire introduire l’enseignement du droit dans les programmes scolaires. À Montréal, le couvent d’Hochelaga, le collège du Mont-Saint-Louis et l’académie Sainte-Marie, entre autres, la reçoivent comme professeure ou conférencière invitée, ainsi que quelques écoles secondaires anglophones et la McGill Normal School. Sa réputation de pédagogue grandit et plusieurs associations féminines l’accueillent comme conférencière.
Marie Gérin-Lajoie est résolue à remédier aux carences dans l’instruction des jeunes filles. Elle est de plus décidée à ce que sa fille, Marie, puisse fréquenter l’université. Or, aucun établissement francophone, au Québec, ne décerne alors aux filles le diplôme nécessaire à l’admission aux études supérieures. En 1906, elle collabore à la mise sur pied des Écoles ménagères provinciales, où elle fait partie du comité fondateur [V. Jeanne Anctil*]. Puis, grâce aux pressions qu’elle exerce discrètement sur l’archevêque de Montréal, Mgr Paul Bruchési*, et grâce à la complicité agissante de mère Sainte-Anne-Marie [Bengle*], religieuse de la Congrégation de Notre-Dame qu’elle estime énormément, elle assistera en 1908 à l’ouverture de l’École d’enseignement supérieur pour les jeunes filles. C’est ainsi que la petite Marie sera la première Canadienne française à obtenir un baccalauréat ès arts.
Depuis 1903, Marie Gérin-Lajoie rumine l’idée de créer un regroupement d’œuvres féminines semblable au NCWC, mais francophone et catholique. Femme d’action et organisatrice hors pair, elle croit que c’est le seul moyen pour que l’intervention charitable des femmes devienne vraiment efficace et contribue à l’éradication de certains maux sociaux à leur source. Membre de la section féminine de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal depuis sa fondation en 1902, elle convainc sa présidente, Caroline Béïque [Dessaulles], de la transformer en un tel regroupement. C’est ainsi que la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) voit le jour en 1907. Caroline Béïque garde la présidence du nouvel organisme, tandis que Marie Gérin-Lajoie en est la secrétaire, poste qu’elle occupera jusqu’en 1913. Réceptif au catholicisme social, Mgr Bruchési se laisse convaincre que cette nouveauté n’est pas dangereuse pour l’ordre social ; son autorité morale réduit au silence les sarcasmes et les critiques qui s’élèvent de toutes parts, surtout lorsque Marie Gérin-Lajoie annonce sa ferme intention de susciter la création d’associations professionnelles féminines. Secondée par des femmes sympathiques à cette cause, dont la journaliste Anne-Marie Gleason [Huguenin] et la dame patronnesse Aglaé Rottot, elle réussit à fonder, en 1907 et 1908, quelques-unes de ces associations quasi syndicales, notamment chez les ouvrières de manufacture.
La FNSJB regroupe en son sein plusieurs communautés religieuses, dont les Sœurs de la charité de la Providence, des associations paroissiales, ainsi que des associations féminines diverses, telles l’académie de Mlle E. Viger et les Écoles ménagères provinciales : en tout, 22 sociétés affiliées. Les déléguées se retrouvent à l’occasion d’assemblées générales annuelles, de fêtes et de congrès. Le bureau de direction supervise divers comités qui amènent plusieurs causes importantes devant l’opinion publique ; Marie Gérin-Lajoie fait elle-même partie des comités de tempérance, des fêtes, des caisses de secours et de la presse. La première lutte de la FNSJB vise à combattre l’ignorance des femmes, préoccupation essentielle de Marie Gérin-Lajoie. Des conférences et des cours de plus en plus nombreux et variés, de la couture au droit, ainsi que l’adhésion à des cercles d’études, sont proposés aux membres des associations professionnelles et paroissiales. Les congrès contribuent puissamment à l’effort de diffusion de l’information et de regroupement des forces. Des représentantes des sociétés affiliées y exposent de véritables enquêtes sociologiques, concernant à la fois l’œuvre où elles militent et le sort réservé à certaines catégories de femmes dans la société. En 1909, par exemple, les Sœurs de miséricorde présentent un travail très documenté sur les moyens de prévenir la prostitution. Ces congrès permettent non seulement aux femmes de prendre enfin la parole sur la place publique et de mettre en lumière la vie réelle des Canadiennes françaises, mais de déterminer le sens des actions à entreprendre.
La seconde cause que la FNSJB défend tout au long du mandat de Marie Gérin-Lajoie à la présidence, soit de 1913 à 1933, est l’amélioration du sort collectif des femmes. Voilà pourquoi, à l’aube de son premier mandat, elle suscite la fondation de l’organe de la FNSJB, la Bonne Parole, qui sera publié à Montréal jusqu’en 1958. Toutes les causes importantes dans lesquelles s’engagera la fédération y seront expliquées et défendues. De même, Marie Gérin-Lajoie unit les forces vives des bénévoles de la FNSJB dans des campagnes pour sensibiliser les élites aux injustices envers les femmes que créent certaines législations et pour faire apporter les changements nécessaires. Par exemple, elle milite pour une modification concernant les droits de succession, présentée par le conseiller législatif et notaire Narcisse Pérodeau* et adoptée en 1915 par l’Assemblée législative. Sous la présidence de Marie Gérin-Lajoie, la FNSJB devient nettement plus militante : défense des femmes dont le droit au travail est contesté, campagne pour modifier le Code civil, élargissement du droit de vote, admission des femmes aux carrières libérales et à des postes de responsabilité dans le monde de l’éducation.
En 1918, le gouvernement fédéral accorde le droit de vote à l’ensemble des femmes [V. sir Robert Laird Borden*] ; trois ans plus tard, pour la première fois, toutes les Canadiennes seront appelées aux urnes. Consciente de l’importance du moment, Marie Gérin-Lajoie organise divers moyens de sensibilisation, dont un cours « d’instruction civique » pour les femmes, à l’université de Montréal, où des conférenciers exposent les grands principes d’action publique et donnent des explications pratiques sur le vote. Ce vaste effort d’information, qui comprend aussi une campagne de presse, donne des résultats concrets : les femmes se rendent voter en grand nombre et sans incident.
La lutte pour le droit de vote au Québec prend son véritable envol à la fin de 1921. Avec la présidente de la section montréalaise du NCWC, Anna Marks Lyman, Marie Gérin-Lajoie fonde le Comité provincial pour le suffrage féminin, comité central coordonnant les efforts de plusieurs associations militantes féminines dont les deux femmes deviennent les coprésidentes. Idola Saint-Jean, Thérèse Casgrain [Forget*] et Carrie Matilda Derick comptent parmi les 32 femmes présentes à l’assemblée de fondation. La première action commune consiste à faire présenter un projet de loi à Québec à l’hiver de 1922 par l’entremise du député de la circonscription de Montréal-Saint-Laurent, Henry Miles. Bien qu’elle connaisse depuis longtemps l’hostilité de l’épiscopat québécois envers le suffrage des femmes, la vigueur de la campagne médiatique antisuffragiste la surprend. Certains évêques usent de tout leur pouvoir pour convaincre leurs ouailles que le droit de vote des femmes est contraire à la doctrine catholique. Heureusement, Mgr Georges Gauthier*, nommé depuis peu administrateur apostolique en raison de la maladie de Mgr Bruchési, laisse Marie Gérin-Lajoie libre de participer à la lutte pour le droit de vote à titre de présidente de la FNSJB.
Le projet de loi est présenté, mais ne dépasse pas l’étape de la première lecture. Le battage médiatique autour de la présence d’une délégation féministe à Québec sert néanmoins la cause. Marie Gérin-Lajoie est persuadée que c’est à Rome qu’elle doit aller chercher des appuis. Le pape Pie XI est d’accord avec un élargissement des droits des femmes, à condition que les associations féminines, étroitement encadrées par l’Église, se consacrent à l’amélioration de la vie en société, prolongement supposément naturel du rôle maternel des femmes. Marie Gérin-Lajoie profite du congrès de l’Union internationale des ligues féminines catholiques, qui se tient à Rome en mai 1922, pour tenter d’obtenir une direction claire. Mais Henri Bourassa* veille… Le journaliste et polémiste, farouchement opposé au suffrage des femmes, a ses entrées au Vatican, notamment par l’entremise du cardinal Rafael Merry del Val, délégué du pape au congrès et président des séances. Marie Gérin-Lajoie croit que c’est Bourassa qui, par un jeu d’influences, fait ajouter, dans les résolutions adoptées au congrès, une clause obligeant les femmes à recevoir, préalablement à l’obtention du droit de vote, l’approbation de leur épiscopat. Au Québec, c’est alors impossible.
Marie Gérin-Lajoie quitte la présidence du Comité provincial pour le suffrage féminin à la fin de l’année 1922. Elle juge plus sage d’associer la FNSJB à une action moins controversée, mais tout aussi importante à ses yeux, l’éducation civique des femmes. C’est ainsi que la fédération patronne une série de cours offerts à l’université de Montréal. Les élections fédérales rapprochées de 1925 et 1926 font croire à Marie Gérin-Lajoie que le temps est venu de jeter à nouveau, par l’intermédiaire du Comité provincial pour le suffrage féminin, le poids de la FNSJB dans la lutte pour l’obtention du droit de vote tant municipal que provincial. Elle sollicite l’approbation de Mgr Gauthier. Ce dernier tergiverse, puis refuse, et peu après se prononce publiquement contre le droit de vote des femmes. En 1929, Marie Gérin-Lajoie se retire donc définitivement du comité, dont elle faisait toujours partie à titre de présidente de la FNSJB.
Depuis 1925, la FNSJB occupe son propre immeuble, dont le secrétariat est tenu par l’Institut des sœurs de Notre-Dame du Bon-Conseil, fondé par la fille de Marie Gérin-Lajoie, qui est devenue religieuse. Au tournant des années 1930, Marie Gérin-Lajoie consacre beaucoup d’énergie à la réforme du Code civil. Depuis des décennies, elle propose sur toutes les tribunes divers assouplissements, pour les femmes, au régime matrimonial de la communauté de biens. Elle profite de la mise sur pied, en 1929, par le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau*, de la commission des droits civils de la femme, présidée par le juge Charles-Édouard Dorion [V. Joseph Sirois], pour exposer ses suggestions. Sans réclamer l’abolition de l’incapacité légale, ce qu’elle sait être trop audacieux, elle demande instamment aux commissaires de faire en sorte que le salaire de la femme mariée devienne la propriété uniquement de celle qui le gagne. Cette modification à la catégorie des biens réservés de la femme mariée sera une des recommandations de la commission. Les changements législatifs alors mis en vigueur ont pour la plupart été suggérés par Marie Gérin-Lajoie, qui en a fait la promotion dans ses travaux et publications, tels ses articles parus dans la Bonne Parole.
En mai 1933, après les fêtes du 25e anniversaire de la FNSJB, Marie Gérin-Lajoie quitte la présidence de l’organisme. Elle a 65 ans. Elle continue de travailler au sein de divers comités jusqu’en 1936, année où son mari, renversé par une voiture, succombe à la suite de l’accident. Après cet événement, ses capacités intellectuelles semblent se dégrader rapidement. Elle s’installe dans un petit appartement à l’Institut des sœurs de Notre-Dame du Bon-Conseil. Au moment où le droit de vote est enfin accordé aux femmes de la province de Québec, en 1940, elle a complètement perdu contact avec la réalité. Elle meurt le 1er novembre 1945.
Marie Gérin-Lajoie n’a pas attendu d’obtenir le droit de vote pour intervenir sur la place publique et pour tenter de corriger ce qu’elle considérait comme des abus de pouvoir de la société masculine envers les femmes ou les moins bien nantis. Douée d’un sens profond de la justice sociale et de l’équité, elle a consacré ses talents à diverses causes visant à favoriser l’indépendance des femmes par la prise en main de leur propre destin. Ses encouragements à l’éducation sous toutes ses formes et à une participation réelle aux prises de décision collectives, notamment par le choix des représentants au Parlement, ont été ses principaux chevaux de bataille. À une époque où, au Québec, les féministes francophones ne jouissaient d’aucun moyen de pression organisé, elle a mis sur pied la FNSJB. Non seulement elle a puissamment contribué à faire évoluer les mentalités, mais elle a ouvert la voie à l’explosion du mouvement féministe québécois au cours de la Révolution tranquille.
Le lecteur trouvera une bibliographie exhaustive dans notre ouvrage intitulé Marie Gérin-Lajoie, conquérante de la liberté (Montréal, 2005).
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Montréal, CE601-S33, 11 janv. 1887 ; CE601-S51, 20 oct. 1867 ; P578.— Instit. Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal, Fonds Marie Gérin-Lajoie, s.b.c., 1890-1971.— Le Devoir (Montréal), 2 nov. 1945.— Maryse Darsigny, « Du Comité provincial du suffrage féminin à la Ligue des droits de la femme (1922-1940) : le second souffle du mouvement féministe au Québec de la première moitié du XXe siècle » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1994) ; l’Épopée du suffrage féminin au Québec, 1920-1940 ([Montréal], 1990).— Les Femmes dans la société québécoise, sous la dir. de Marie Lavigne et Yolande Pinard (Montréal, 1977).— Karine Hébert, « Une organisation maternaliste au Québec, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (1900-1940) » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1997).— Danyèle Lacombe, « Marie Gérin-Lajoie’s hidden crucifixes : social Catholicism, feminism and Québec modernity, 1910-1930 » (mémoire de m.a., Univ. of Alta, Edmonton, 1998).— Mireille Lebeau, Répertoire numérique détaillé du fonds Marie Gérin-Lajoie (1867-1945) (Montréal, 2000).— Mireille Lebeau et Marcienne Proulx, Répertoire numérique détaillé du fonds Marie Gérin-Lajoie, SBC, 1890-1971 (Montréal, 2002).— M.-P. Malouin, Entre le rêve et la réalité : Marie Gérin-Lajoie et l’histoire du Bon-Conseil (Saint-Laurent [Montréal], 1998).— Yolande Pinard, « le Féminisme à Montréal au commencement du XXe siècle, 1893-1920 » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1976).— Marcienne Proulx, « l’Action sociale de Marie Gérin-Lajoie, 1910-1925 » (mémoire de m.a., univ. de Sherbrooke, Québec, 1975).— Travailleuses et Féministes : les femmes dans la société québécoise, sous la dir. de Marie Lavigne et Yolande Pinard (Montréal, 1983).— Luigi Trifiro, « la Crise de 1922 dans la lutte pour le suffrage féminin au Québec » (mémoire de m.a., univ. de Sherbrooke, 1976).
Anne-Marie Sicotte, « LACOSTE, MARIE (baptisée Marie-Thaïs-Élodie-Coralie) (Gérin-Lajoie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 17, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lacoste_marie_17F.html.
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Auteur de l'article: | Anne-Marie Sicotte |
Titre de l'article: | LACOSTE, MARIE (baptisée Marie-Thaïs-Élodie-Coralie) (Gérin-Lajoie) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 17 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2011 |
Année de la révision: | 2011 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |