LACHAPELLE, SÉVERIN (baptisé Pierre-Alphonse-Séverin), zouave pontifical, médecin, professeur, auteur, rédacteur en chef et homme politique, né le 18 septembre 1850 à Saint-Rémi, Bas-Canada, fils de Léon Lachapelle, médecin, et de Rébecca Lanctôt ; le 29 juillet 1874, il épousa à Montréal, dans la paroisse Saint-Vincent-de-Paul, Élise Demers, et ils eurent une fille et deux fils ; décédé subitement le 18 juin 1913 à Montréal et inhumé le 20 dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Séverin Lachapelle poursuit ses études classiques au petit séminaire de Montréal de 1862 à 1868. Cette année-là, répondant à l’appel de Mgr Ignace Bourget*, il décide de joindre les rangs des zouaves pontificaux [V. Édouard-André Barnard*]. Son départ pour l’Italie s’effectue le 19 février. Posté en garnison à Velantano pendant plusieurs mois, il acquiert successivement les grades de caporal de deuxième et de première classe. De cette aventure militaire, il conservera un fidèle attachement au pape et à l’Église catholique et un sincère engagement religieux.

À son retour au Canada en 1870, Lachapelle s’inscrit à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal, affiliée au Victoria College de Cobourg, en Ontario. Il obtient son diplôme en 1874 et commence à exercer sa profession à Saint-Constant avant de venir s’établir à Saint-Henri (Montréal) en 1876. Dès ce moment, il devient membre de la Société médicale de Montréal, fondée cinq ans plus tôt par Jean-Philippe Rottot* et d’autres, et collabore régulièrement à l’Union médicale du Canada ; de 1878 à 1882, il fait partie du comité de rédaction de ce mensuel. Pendant la même période, il se fait chroniqueur scientifique à la Revue canadienne, où il livre ses opinions dans une chronique intitulée « Causerie scientifique ».

En 1879, un an après la fondation de l’université Laval à Montréal [V. Édouard-Charles Fabre*], Lachapelle entreprend une longue carrière professorale : d’abord titulaire du cours d’hygiène à la faculté de médecine, il donnera également des cours théoriques et cliniques de pédiatrie et de médecine légale, et assumera pendant quelques années l’enseignement de la pathologie générale. Il fera en outre partie du conseil de direction de la faculté de médecine et du bureau médical de l’hôpital Notre-Dame, fondé, en 1880, précisément pour répondre au besoin de l’enseignement clinique.

Préoccupé d’éducation populaire, Lachapelle publie à Montréal en 1880 la Santé pour tous ou notions élémentaires de physiologie et d’hygiène à l’usage des familles, suivies du petit guide de la mère auprès de son enfant malade, ouvrage dans lequel l’hygiène du corps ainsi que celle de l’âme sont prises en considération. En 1884, toujours dans le but de promouvoir les mesures d’hygiène, il participe activement à la reconnaissance juridique de la Société d’hygiène de la province de Québec et, le premier, il occupe le poste de rédacteur en chef du Journal d’hygiène populaire (Montréal), fondé grâce à l’aide financière du gouvernement fédéral. Il tente surtout de sensibiliser les pouvoirs politiques aux problèmes de santé publique.

Après une courte incursion en politique municipale à titre de maire de Saint-Henri, d’avril 1886 à janvier 1887, où il se fait le défenseur de l’amélioration des services sanitaires, Lachapelle prend la direction du dispensaire pour les maladies infantiles nouvellement ouvert à l’hôpital Notre-Dame. En 1888, il publie à Montréal Manuel d’hygiène à l’usage des écoles et des familles [...] ; ce livre, rédigé conformément aux instructions du Conseil d’hygiène de la province de Québec et présenté sous forme de questions et réponses à la manière d’un petit catéchisme, recevra l’approbation du Conseil de l’instruction publique et sera réédité en 1890, puis en 1901, et traduit en anglais en 1891. En mai 1890, il fonde à Montréal une revue, la Mère et l’Enfant, qui a comme objectif d’aider à diminuer le taux de mortalité infantile et dont il sera le rédacteur en chef jusqu’à sa disparition en octobre 1891.

Lachapelle fait ensuite un nouveau saut en politique, cette fois sur la scène fédérale où, le 21 octobre 1892, à l’issue d’une élection partielle, il est élu député conservateur d’Hochelaga, en remplacement d’Alphonse Desjardins, nommé au Sénat. À l’occasion de ses discours à la Chambre des communes, il se porte à la défense de la qualité de l’enseignement au Québec ; il s’inquiète peu de l’exode des Canadiens français vers les États-Unis, qu’il attribue à leur caractère aventurier, leur soif de nouveauté et l’espérance qu’ils nourrissent de faire fortune ; il s’oppose au libre-échange ; il se prononce aussi contre le droit de vote des femmes pour des raisons biologiques : selon lui, « la femme doit être jugée, quant à son rôle dans la société, d’après les attributs particuliers à son sexe, comme l’homme lui-même doit être jugé [... mais] la position de la femme n’est pas du tout la même que celle de l’homme sous ce rapport [... donc] permettre à la femme de voter, c’est, sans nécessité, lui imposer une obligation nouvelle [...] surcharger ses faibles épaules qui ne pourraient pas supporter un fardeau aussi lourd ». Défait aux élections fédérales de 1896 et de 1900 par le libéral Joseph-Alexandre-Camille Madore, Lachapelle reprend la lutte contre la mortalité infantile. Son ardeur à défendre le droit à la vie de l’enfant se doublera d’un discours nationaliste.

En décembre 1899, devant l’ampleur de la mortalité infantile dans les établissements qui recueillent les enfants, Lachapelle est nommé surintendant de la crèche de la Miséricorde. Il s’empresse d’offrir des cours de puériculture tant au personnel religieux que laïque. En 1901, il publie Femme et Nurse, ou ce que la femme doit apprendre en hygiène et en médecine [...] ; dans l’introduction, il affirme sa foi dans la force numérique du peuple canadien-français. Il reprend ce thème au premier congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord, tenu en juin 1902 à Québec à l’occasion du cinquantenaire de l’université Laval. En 1912, il propose aux Sœurs de miséricorde un véritable cours de puériculture de six mois, incluant un stage pratique, le tout couronné d’un diplôme.

Entre-temps, Irma Levasseur*, interne à la crèche de la Miséricorde, fait part à Lachapelle de son désir de fonder un hôpital pour les enfants malades. Celui-ci seconde les efforts d’organisation de sa consœur et participe à la fondation de l’hôpital Sainte-Justine en 1907, à titre de membre du bureau médical, fonction dont il s’acquittera avec assiduité jusqu’à la fin de sa vie. Convaincu que le taux élevé de mortalité infantile chez les Canadiens français est dû au fait que les mères ne connaissent pas les règles de l’hygiène, il intensifie son programme d’éducation populaire en donnant des séries de conférences. Avec l’appui du Conseil d’hygiène de la province de Québec, il prône la thermométrie et organise la vente du « thermomètre maternel ».

Les réformistes sont au pouvoir au conseil municipal de Montréal en 1910 ; le moment paraît favorable à la relance du mouvement en faveur des Gouttes de lait, services de consultation sur les nourrissons offerts dans le but d’assurer une alimentation rationnelle à l’enfant. Après avoir obtenu l’appui financier des autorités municipales, Lachapelle partage la direction de cette activité avec le docteur Alexander Dougall Blackader*. Il préconise une action organisée à l’échelle des paroisses et la diffusion d’un même message hygiéniste, ayant la conviction que la Goutte de lait est l’école de la mère. En 1912, il est délégué du Canada au congrès qui se tient à Rome sur la tuberculose et il profite d’une halte en France pour visiter les Gouttes de lait. Le 25 mars 1913, Lachapelle devient le premier président du Bureau central des Gouttes de lait, créé dans la paroisse du Saint-Enfant-Jésus, à Montréal, où, en mai, quelques semaines avant sa mort, il préside le premier congrès des Gouttes de lait de Montréal.

Homme de foi et homme d’action, Séverin Lachapelle a fait de la lutte contre la mortalité infantile l’œuvre de sa vie. Son souci de vulgariser les connaissances médicales pour mieux les diffuser lui attira, à l’occasion, quelques critiques. Il est considéré à juste titre comme l’un des pionniers de la pédiatrie chez les Canadiens français à Montréal. En 1938, pour marquer le vingt-cinquième anniversaire de sa mort, une plaque commémorative a été dévoilée à la crèche de la Miséricorde.

Rita Desjardins

Outre les ouvrages mentionnés dans la biographie, Séverin Lachapelle a publié « Souvenir d’un zouave », dans la Rev. canadienne (Montréal), 55 (1909) : 15–27, où l’on trouve une photographie de lui ; il existe également un portrait de Lachapelle à l’hôpital Notre-Dame de Montréal. De plus, il est l’un des auteurs d’un ouvrage collectif intitulé le Médecin de la famille, encyclopédie de médecine et d’hygiène publique et privée contenant la description de toutes les maladies connues, et les meilleures méthodes de les traiter et de les guérir (Guelph, Ontario, 1893) et il a rédigé une brochure qui porte le titre l’Œuvre des Gouttes de lait (Montréal, 1911). Lachapelle a aussi fait partie du comité de rédaction du mensuel la Clinique (Montréal) et a collaboré au Journal de médecine et de chirurgie (Montréal).

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 20 juin 1913.— ANQ-M, CE1-60, 29 juill. 1874 ; CE4-14, 18 sept. 1850.— Arch. de l’hôpital Notre-Dame (Montréal), Rapports annuels, 1881–1914.— Arch. de l’hôpital Sainte-Justine (Montréal), Rapports annuels, 1909–1914.— Le Devoir, 12 mai 1913.— La Presse, 2 janv. 1909.— É.-J.[-A.] Auclair, Saint-Henri des Tanneries de Montréal (Montréal, 1942), 73.— Canadian directory of parl. (Johnson).— La Clinique, nouv. sér., 4 (1913–1914) : 110s. (notice nécrologique de Lachapelle).— Lucie Deslauriers, « Histoire de l’hôpital Notre-Dame de Montréal, 1880–1924 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1984).— « Fédération des œuvres catholiques françaises d’hygiène infantile », l’École sociale populaire, Publ. (Montréal), no 162 ([1927]).— René Hardy, les Zouaves ; une stratégie du clergé québécois aux xixe siècle (Montréal, 1980), 251.— Historique des circonscriptions électorales fédérales, 1867–1980 (4 vol., [Ottawa, 1982 ?]), 3.— Raoul Masson, « Cours de pédiatrie ; leçon d’ouverture », l’Union médicale du Canada (Montréal), 43 (1914) : 139–146.— Rumilly, Hist. de Montréal, 3.— L’Union médicale du Canada, 42 (1913) : 444–446 (notice nécrologique de Lachapelle).— Univ. Laval, Annuaire, 1879–1914.

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Rita Desjardins, « LACHAPELLE, SÉVERIN (baptisé Pierre-Alphonse-Séverin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lachapelle_severin_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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