JORDAN, JACOB, marchand, seigneur et député à la chambre d’Assemblée, né en Angleterre le 19 septembre 1741 ; il épousa à Montréal, le 21 novembre 1767, Ann Livingston qui donna naissance à dix enfants au moins et, en secondes noces, le 2 novembre 1792, à Montréal, Marie-Anne Raby, et ils eurent un fils ; décédé à Saint-Louis-de-Terrebonne (Terrebonne, Québec) le 23 février 1796.
Jacob Jordan arriva probablement au Canada avant août 1761, pourvu de lettres de créance d’un grand poids. Cette même année, à Montréal, il était distributeur de timbres, aux termes de la loi du Timbre, et agent de la très influente compagnie londonienne Fludyer and Drummond. Cette compagnie, qui jouissait d’appuis politiques et d’un capital de premier ordre, détenait un gros contrat pour le ravitaillement des troupes en Amérique et, en 1767, elle en obtint un autre pour la fourniture du numéraire destiné au paiement de la solde des militaires et des dépenses de l’armée dans les colonies. La part que Jordan prit à ce dernier contrat mit à sa disposition de l’argent liquide qui manquait à la plupart de ses concurrents, et il fut assez habile pour en profiter et se bâtir un empire personnel. En 1765 déjà, il détenait une concession de terre dans le Nouveau-Brunswick actuel, à titre de membre de la Saint John River Society [V. Beamsley Perkins Glasier]. En 1770, conjointement avec Colin Drummond, frère de l’un des principaux associés de la compagnie londonienne et son agent à Québec, il signa une requête en vue de se faire octroyer un canton sur la rivière Winooski (Vermont). Dans chacune de ces entreprises, John Livingston, un des plus importants trafiquants de fourrures de Montréal, possiblement son beau-père, se joignit à lui.
Peut-être en vue d’aider son entreprise de ravitaillement des troupes, Jordan se lança dans le commerce des grains et, en 1767, il s’associa avec Drummond et John Halstead pour l’achat de blé et la cuisson de biscuits. Cette association dura deux ans ; par la suite, Jordan et Drummond restèrent dans le commerce des grains. Parmi les fournisseurs de Jordan, il y eut Jacques Cartier*, marchand important de la vallée du Richelieu et grand-père de George-Étienne Cartier*. En 1770, Jordan était créancier de Jean Orillat, de Montréal, et il avait remplacé Jean Dumas Saint-Martin à titre d’agent montréalais des forges du Saint-Maurice.
Quand survint la guerre en 1775, Jordan put prendre d’autres affaires à son compte. Il obtint le contrat d’approvisionnement en bois de chauffage de la garnison de Montréal. Grâce à un autre contrat, il fournit les chevaux et les voitures nécessaires à l’expédition de John Burgoyne, mais, dans ce cas, le gouvernement se montra lent à faire les arrangements et négligent le temps venu de payer. Le 5 juillet 1776, Jordan était nommé trésorier-payeur général adjoint et, la même année, le fils de Drummond succéda à son père à la fois comme trésorier-payeur général adjoint et commissaire général adjoint. Jordan et John Drummond étaient également, à cette époque, agents de la compagnie Harley and Drummond, de Londres, qui détenait alors le contrat de fourniture du numéraire pour la solde des militaires et les dépenses de l’armée. Prévenus, au printemps de 1779, du « prix stupéfiant du blé et de la farine dans d’autres parties de l’Amérique », ils se hâtèrent, avec plusieurs autres gros marchands, d’acheter du blé avant l’expiration de l’embargo sur l’exportation le 1er août. Ils accaparèrent la récolte de blé du Richelieu et furent en grande partie responsables de la hausse du prix de vente aux particuliers, qui doubla. Pour leurs achats de blé, Jordan et Drummond avaient apparemment employé £15 000 de fonds publics provenant du numéraire destiné à l’armée. Harley and Drummond les démit rapidement de leurs fonctions d’agents, mais ils conservèrent leurs postes officiels et, probablement, les profits réalisés dans l’affaire des blés. Trois ans plus tard, le gouvernement chargea Jordan d’achats de blé, en grandes quantités.
La guerre finie, Jordan continua d’étendre ses entreprises personnelles. En 1784, il s’assura la propriété des moulins de Terrebonne, en achetant cette seigneurie de Pierre-Paul Margane* de Lavaltrie. En 1788, ces moulins étaient, semble-t-il, au deuxième rang, quant à la production, au Canada, et la seigneurie était « renommée pour son étonnante production de blé ». Dans les années 1790, Jordan établit Samuel Birnie, son commis depuis au moins 1778, dans une affaire « très avantageuse » de boulangerie à Montréal, et, en 1792, il était l’associé de Birnie dans une manufacture de tabac, également à Montréal. Principal commanditaire canadien de la Montreal Distilling Company, Jordan avait envoyé Birnie acheter de la mélasse dans les Caraïbes en 1785. Cette combinaison de produits – rhum, tabac et biscuits – paraît avoir été réalisée en vue du vaste marché de la traite des fourrures. De 1791 à 1794, Jordan mit directement, pour la première fois, ses fonds à la disposition d’une compagnie de traite des fourrures, laquelle tentait de faire une percée dans le Nord-Ouest, alors que le Sud-Ouest était en train de se fermer aux Canadiens. Les associés connus de cette compagnie étaient le neveu de Jordan, William Oldham, et John Howard, fils d’un vétéran de la traite, Joseph Howard. Jordan acheta aussi des fourrures d’autres fournisseurs, et en particulier d’un trafiquant de Nipigon, Gabriel Cotté. Un courtier de Londres, John Brickwood, récemment éconduit par la North West Company, endossa financièrement Jordan et lui promit peut-être un solide appui. Une deuxième association, en 1792, la Jordan, Forsyth and Company, représente peut-être, elle aussi, une alliance avec d’autres trafiquants de fourrures mis de côté, Alexander Ellice* et ses associés. On tenta également de gagner Peter Pond* et Alexander Henry*, l’aîné, à ce mouvement d’opposition à la North West Company.
Mais presque toutes les entreprises de Jordan allaient rencontrer des difficultés. En ses dernières années, il lui manquait la disponibilité des fonds que lui avaient assurée ses anciennes fonctions de banquier. Le marché du blé fut généralement aléatoire de 1783 à 1793. En 1788, Jordan dut poursuivre la distillerie pour recouvrer les avances considérables qu’il lui avait consenties. Six ans plus tard, la boulangerie brûlait. La Révolution française perturba le marché des fourrures en Europe, causant bon nombre de faillites et donnant le coup de grâce à Jordan, qui perdit £18 000 sur les fourrures expédiées en 1793. Ses misères furent accrues du fait de sa mauvaise santé et de ses réflexions amères sur les fausses promesses de Brickwood, semble-t-il, qu’il qualifia de « vile tromperie (pour ne pas dire plus) ». La notice nécrologique qu’on lui consacra laisse croire, cependant, que Jordan supporta ses difficultés avec dignité.
De 1792 à 1796, Jordan fut, à la chambre d’Assemblée, député du comté d’Effingham, au Bas-Canada. On songea à lui, à un moment donné, pour le poste d’orateur (président) de la chambre.
ANQ-M, Greffe de François Leguay, 25 oct. 1786 ; Greffe de Peter Lukin, 1er, mai, 12 juill. 1794 ; Greffe de Pierre Panet, 2 juill. 1770 ; Greffe de Joseph Papineau, 31 mai 1794 ; Greffe de Simon Sanguinet, 10 mars 1784.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 38, p.231 ; MG 19, A2, sér. 3, 18, 16 avril 1779 ; 54, 28 oct. 1778 ; 63, f.276 ; 76, pp.44, 46, 68–70, 72–76, 80–82, 84–87 ; 86, 22 déc. 1770 ; 143, ff.91, 95 ; F1, 14, p.317 ; MG 23, GIII, 5, 11 févr. 1790, 18 oct. 1791 ; 8, ff.2–3, 11–14, 17–18, 100–101, 103–105, 107–108 ; 25, sér. D, Jordan family papers, 17 févr. 1767, 3 nov. 1770, 22 mai 1777, 30 juill., 24 oct. 1784, 20 oct. 1785, 15 oct. 1786, 17 oct. 1787, 10 oct. 1788, 20 oct. 1789, 5 mars 1794, 16 oct. 1795 ; MG 24, L3, pp.3 804s., 3 810, 4 497, 4 506, 4 578–4 582, 26 295–26 305 ; RG 4, B 17, 20 janv., 21, 26 févr. 1789.— AUM, P58, Doc. divers, G2, 17 août 1776.— BL, Add.
A. J. H. Richardson, « JORDAN, JACOB », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jordan_jacob_4F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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