DUCHARME, GUILLAUME-NARCISSE (baptisé Vincent-Guillaume-Narcisse), fonctionnaire, homme d’affaires, homme politique et philanthrope, né le 3 janvier 1851 à Châteauguay, Bas-Canada, fils de Vincent-Valéry Ducharme et de Marie Denis ; le 6 juillet 1880, il épousa à Sainte-Cunégonde (Montréal) Marie-Mathilde-Adélia Rivet (décédée en décembre 1925), et ils eurent 14 enfants, dont 5 survécurent à leur mère ; décédé le 30 avril 1929 à Montréal et inhumé à Chambly, Québec.
Le jeune Guillaume-Narcisse Ducharme entreprend des études classiques au petit séminaire de Sainte-Thérèse, fondé par son oncle, l’abbé Charles-Joseph Ducharme*, et les poursuit au petit séminaire de Montréal de 1863 à 1865. Il laisse ensuite l’école pour travailler comme commis au magasin général de l’un de ses cousins, à Danville, où il demeure pendant quatre ans, puis revient s’installer à Montréal. Après avoir occupé des emplois dans des magasins de nouveautés, il ouvre un magasin de mercerie en 1881, commerce qu’il abandonne peu après pour se consacrer aux affaires publiques.
Depuis 1878, Ducharme est en effet le secrétaire-trésorier de la commission scolaire de Sainte-Cunégonde, emploi qu’il occupera jusqu’en 1903. Nommé maître de poste en 1882, fonction qu’il exercera durant 15 ans, il obtient en 1884 l’emploi de secrétaire-trésorier et de greffier du village. Selon Édouard-Zotique Massicotte*, Ducharme, à titre de fonctionnaire, exerce beaucoup d’influence au conseil municipal. Il participe activement au développement de cette municipalité de la banlieue montréalaise, dont la population, d’environ 5 000 en 1881, double en l’espace de dix ans. Le village connaît alors de multiples transformations : pavage des rues, mise en place d’un réseau d’aqueduc et d’un système d’égout, et installation de l’éclairage électrique des rues. On y trouve également une gare du Grand Tronc et une succursale de la Banque Jacques-Cartier, dont Ducharme est le directeur. Ce dernier amassera probablement sa fortune grâce à la propriété foncière, dont il sera bien pourvu en 1902.
Même si ses idées ne font pas l’unanimité, aucun obstacle n’arrête cet homme entreprenant. Partisan de l’annexion de l’ensemble des municipalités de la banlieue à Montréal, Ducharme remet sa démission comme fonctionnaire en 1891, et essaie de se faire élire conseiller municipal. Après sa défaite, il retourne à ses anciennes fonctions. Deux ans plus tard, il tente de nouveau sa chance, avec succès cette fois. À l’époque, il est aussi président de la section locale de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Son influence dépasse les limites de Sainte-Cunégonde. Membre de la Chambre de commerce du district de Montréal et du Bureau de commerce de Montréal, il fait aussi partie, comme directeur, du conseil d’administration de plusieurs entreprises, dont la Auer Incandescent Light Company Limited, la Standard Light and Power Company et la Citizens Light and Power Company. En 1896, Ducharme diminue ses activités pour des raisons de santé. Il abandonne ses fonctions de conseiller et de maître de poste, et séjourne quelque temps en Europe. De retour au pays, il accède à la mairie de Sainte-Cunégonde en 1899. Il réalise la première étape de son projet d’annexion, soit l’intégration de la municipalité au réseau de tramways de la métropole. Il démissionne cependant en 1902 pour s’occuper de ses affaires personnelles et s’établit l’année suivante à Chambly, où il sera conseiller municipal en 1914, puis maire de 1915 à 1918. En 1905, il assistera donc de loin à l’annexion de Sainte-Cunégonde à Montréal.
Malgré son rôle très important dans les affaires municipales, le nom de Ducharme est surtout associé à la finance. Appelé à la direction de la Banque Jacques-Cartier en 1899, au moment où cet établissement connaît de sérieuses difficultés [V. Alphonse Desjardins*], il réussit à convaincre les épargnants de laisser leurs économies dans cette entreprise canadienne-française, qu’il relance sous le nom de Banque provinciale du Canada. Il en sera le président de 1900 à 1907.
Ducharme occupe également le poste de président de La Sauvegarde dès sa mise sur pied en 1901. La société de secours mutuel se heurte elle aussi à une crise de confiance de la population canadienne-française à l’égard de ses institutions financières. Afin de donner de meilleures garanties aux assurés, le fondateur de La Sauvegarde, Philorum Bonhomme, conçoit le projet de transformer la société en une compagnie à capital-actions. Ducharme accepte alors d’investir dans la nouvelle entreprise, qu’il continuera de présider jusqu’à la fin de sa vie. Bonhomme reçoit également l’appui d’hommes d’affaires canadiens-français importants de la métropole, dont le millionnaire Frédéric-Ligori Béïque*, et d’hommes politiques comme Henri Bourassa* et Napoléon-Antoine Belcourt*. Selon les données de 1910, le principal actionnaire de la Compagnie d’assurance sur la vie La Sauvegarde (nom qu’elle porte dès 1903) est un commerçant prospère de Saint-Timothée, Narcisse Papineau, qui souscrit 50 000 $ en actions. Ducharme en possède pour 20 000 $.
La Sauvegarde mise avant tout sur le patriotisme ; tel est d’ailleurs le conseil que donne Bonhomme aux agents. Elle connaît une progression assez régulière de ses ventes de 1903 à 1912, mais la croissance est plus lente jusqu’à la fin de la décennie. Certains actionnaires sont mécontents de ces résultats. Les dividendes se font attendre, tandis que les profits sont inférieurs à la moyenne canadienne. Par ailleurs, la construction, en 1912 et 1913, d’un nouveau siège social de dix étages au cœur du Vieux-Montréal, qui accapare la plus grande partie du capital payé, est mal vue par le surintendant fédéral des assurances, qui a droit de regard depuis que l’entreprise a obtenu sa charte fédérale, en 1911. C’est ainsi que, une quinzaine d’années après la mise sur pied de la compagnie, un groupe d’actionnaires envisage sa vente à des intérêts anglophones. Ducharme et J.-N. Cabana, alors directeur, s’attaquent au problème et revoient le fonctionnement des agences ainsi que l’administration interne et la stratégie de placement. Cette réforme porte fruit : de 1920 à 1924, les polices en vigueur et les recettes font plus que doubler. La croissance se poursuit jusqu’en 1929 à un rythme annuel moyen de près de 13 %.
Conservateur en politique, Ducharme est pressenti à diverses reprises pour devenir candidat de ce parti. Par ses capitaux, il n’en finance pas moins le Devoir, quotidien montréalais nationaliste fondé par Henri Bourassa. Principal actionnaire de la compagnie éditrice, l’Imprimerie populaire Limitée, Ducharme contribue en deux occasions à la relance du périodique. Il soutient enfin des sociétés de secours mutuel, des écoles et des hôpitaux.
Guillaume-Narcisse Ducharme constitue un parfait exemple du self-made-man. Pauvre au début de sa vie, il s’est enrichi en misant sur le développement résidentiel de la banlieue de Montréal et il a fait fructifier ce capital en diversifiant ses intérêts. Comme l’a écrit Bourassa, quelques jours après le décès de l’homme d’affaires, il avait, de plus, « à un haut degré le sens du devoir social ». Sa réalisation majeure demeure la Compagnie d’assurance sur la vie La Sauvegarde. En 1929, le classement des compagnies (d’origine canadienne-française) d’assurance de personnes établi pour la province de Québec la fait figurer au troisième rang, soit après les deux grandes sociétés de secours mutuel, la Société des artisans canadiens-français et l’Alliance nationale [V. sir Hormisdas Laporte*]. Elle occupe cependant le premier rang parmi les entreprises à capital-actions. La Sauvegarde demeurera sous le contrôle de la famille Ducharme jusqu’en 1962, année de son acquisition par une société de gestion agissant au nom du mouvement Desjardins.
ANQ-M, CE601-S19, 6 juill. 1880 ; CE607-S7, 20 juill. 1848, 4 janv. 1851.— Desjardins Sécurité Financière, Centre de documentation (Lévis, Québec), Doc. de La Sauvegarde.— Le Devoir, 22 mai 1926, 30 avril, 3 mai 1929.— La Patrie, 18 sept. 1902.— BCF, 1929 : 448s.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Compagnie d’assurance sur la vie La Sauvegarde, Rapport annuel (Montréal), 1909–1930.— Encyclopaedia of Canadian biography, 2.— É.-Z. Massicotte, la Cité de Sainte-Cunégonde de Montréal : notes et souvenirs (Montréal, 1893).— Newspaper reference book.— « Numéro-Souvenir », la Vie (Montréal), 41 (1962), no 8.— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— [Télesphore Saint-Pierre], Histoire du commerce canadien-français de Montréal, 1535–1893 (Montréal, 1894).— Benjamin Sulte et al., A history of Quebec, its resources and its people (2 vol., Montréal, 1908), 2 : 667s.— Léon Trépanier, On veut savoir (4 vol., Montréal, 1960–1962), 4 : 55–57.
Jacques Saint-Pierre, « DUCHARME, GUILLAUME-NARCISSE (baptisé Vincent-Guillaume-Narcisse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ducharme_guillaume_narcisse_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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