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DIXON, FREDERICK JOHN, ouvrier, dessinateur, réformateur social, conférencier, homme politique, fonctionnaire et vendeur d’assurances, né le 20 janvier 1881 à Englefield, Angleterre, fils de Thomas Dixon et de Hannah More ; le 15 octobre 1914, il épousa à Winnipeg Winona Margaret Flett*, et ils eurent trois enfants, dont deux moururent avant l’âge adulte ; décédé le 18 mars 1931 à Fort Garry (Winnipeg) et inhumé au cimetière Brookside, Winnipeg.
Frederick John Dixon (surnommé Fred) naquit dans un domaine près de Reading, à l’ouest de Londres, au sein d’une famille d’ouvriers agricoles. On en sait peu sur les premières années de sa vie. Il fit son apprentissage comme jardinier, mais, après s’être trouvé sans travail, il suivit son frère aîné George au Manitoba en 1904. Il ne réussit d’abord guère mieux au Canada et occupa divers emplois, entre autres ceux de garçon de ferme et d’ouvrier au pic et à la pelle. Il suivit un cours de dessin par correspondance pour améliorer ses aptitudes et obtint un poste de dessinateur à temps plein au bureau de Winnipeg d’une firme d’emballage, la Bemis Brothers Bag Company.
À la suite du boom du blé, le Winnipeg de l’époque édouardienne connut à la fois les problèmes et les promesses d’une croissance effrénée. Il n’est pas étonnant que la ville ait été une pépinière d’idées réformistes et de mouvements sociaux. Dixon gravita autour d’un cercle de réformistes qui se réunissaient au-dessus de la librairie de Robert Max Mobius, naturopathe, phrénologue et, aspect le plus important pour Dixon, défenseur de l’impôt unique. Le mouvement pour l’impôt unique s’était développé à partir des idées du critique social américain Henry George, dont les théories avaient été diffusées au Canada par, notamment, John Wilson Bengough* et Thomas Phillips Thompson. George croyait que la pauvreté grandissante dans les sociétés riches était causée par la propriété foncière privée. L’accès inégal aux terres signifiait que, lorsque des processus sociaux, telle la croissance démographique, augmentaient la valeur de la propriété, quelques privilégiés bénéficiaient de la plus-value, tandis que d’autres étaient acculés à la misère.
Reprise par Dixon et ses proches collègues, dont le réformateur Seymour James Farmer*, la philosophie de George devint à la fois englobante et étonnamment étroite. Un impôt unique sur les valeurs foncières, pensait-on, servirait de panacée à une gamme de problèmes sociaux. La réalisation de cet objectif exigeait de se battre contre les douanes canadiennes, qui enrichissaient injustement ceux qui avaient le pouvoir de convaincre le gouvernement de protéger leurs intérêts, et d’exercer des pressions pour la législation directe qui permettrait aux citoyens de proposer des mesures législatives et de voter le retrait d’hommes politiques, rompant ainsi avec la mainmise des partis établis sur le gouvernement. Ce programme démocratique correspondait à ceux que proposaient d’autres mouvements qui attiraient Dixon, en particulier ceux qui promouvaient le suffrage féminin et les droits des travailleurs. Pourtant, en même temps, son appui au libre-échange supposait un libéralisme économique qui l’éloignait des socialistes. Cette distinction était importante. Tout au long de sa carrière politique, Dixon s’associerait étroitement au Trades and Labour Council (TLC) de Winnipeg et aux partis travaillistes locaux, tout en continuant de croire fermement aux libertés et droits individuels. Par exemple, en 1908, pendant que le Parti ouvrier indépendant nouvellement créé tentait de définir sa plateforme, Dixon prit la tête d’un groupe opposé à l’inclusion d’un article sur la propriété collective des moyens de production de masse et le parti finit par se scinder.
Au cours des dix années suivantes, Dixon signa une chronique intitulée « Land values » dans Voice, journal ouvrier d’Arthur W. Puttee*, publié à Winnipeg. Grâce aux articles qu’il faisait fréquemment paraître dans le Grain Growers’ Guide de Winnipeg, il atteignait probablement un plus vaste auditoire dans les régions rurales. Il organisa la création de la Single Tax League of Manitoba en 1909 et prit part aux activités de nombreuses organisations réformistes qui transcendaient les classes sociales, notamment la Manitoba Health League, fondée en 1907, et la Manitoba Federation for Direct Legislation, pour laquelle il travailla comme organisateur rémunéré de février 1911 à 1914. Il apporta également sa contribution au principal groupe de défense du vote des femmes dans la province, la Political Equality League, dont il épousa l’une des membres influentes, Winona Margaret Flett, en 1914.
En 1910, Puttee avait qualifié Dixon de « porte-parole le plus énergique, le plus courageux et le plus logique » du mouvement travailliste de Winnipeg. Ses talents oratoires remarquables et son activisme menèrent à sa nomination comme candidat de l’éphémère Manitoba Labor Party aux élections provinciales de juin 1910 dans la circonscription de Winnipeg Centre. Il perdit contre le conservateur Thomas William Taylor par seulement 73 voix. Quatre ans plus tard, se décrivant lui-même comme « indépendant progressiste », il brigua les suffrages aux élections du 10 juillet et triompha par une forte majorité. Les deux campagnes avaient visé un vaste bassin d’électeurs. En 1914, la plateforme de Dixon avait été, en majeure partie, peu différente de celle des libéraux, de plus en plus réformistes, sous la direction de Tobias Crawford Norris. En sa qualité de député, il joua un rôle important dans la mise au jour de la corruption entourant la construction du nouvel édifice de l’Assemblée législative [V. Victor William Horwood] qui entraîna la chute du gouvernement conservateur de sir Rodmond Palen Roblin, la victoire libérale au scrutin d’août 1915 et sa propre réélection. Sur les questions chères à Dixon quant à sa perception de la démocratie directe, les libéraux de Norris aboutirent à des résultats mitigés. L’Initiative and Referendum Act de 1916 permit aux citoyens de proposer des lois et d’obliger l’Assemblée à tenir des référendums, mais cette loi serait ensuite déclarée inconstitutionnelle par le comité judiciaire du Conseil privé. Dixon eut plus de succès dans sa défense du suffrage féminin ; le gouvernement Norris accorda le droit de vote aux femmes en 1916.
Dixon se distinguait des libéraux de Norris principalement par ses opinions sur le conflit militaire. Bien avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il avait dénoncé haut et fort le militarisme qu’il voyait envahir tant les conservateurs que les libéraux fédéraux. Aux élections provinciales de 1914, il avait expressément fustigé Roblin pour ses « déclarations cocardières ». Le service militaire obligatoire le choquait plus particulièrement. Il devint bientôt un porte-parole important du TLC dans la campagne de cet organisme, à la fin de l’année 1916, contre la conscription des travailleurs exigée par la création du National Service Board. Il les exhorta à ne pas signer leur fiche d’inscription et se déclara prêt à aller en prison pour défendre cette position.
Les déclarations de Dixon contre la guerre provoquèrent une tempête nationale. Norris déclara que les opposants à l’enrôlement devraient être incarcérés. Les rédacteurs en chef de journaux de la ville (entre autres John Wesley Dafoe* du Manitoba Free Press), le Bureau de commerce de Winnipeg et la Winnipeg Ministerial Association condamnèrent le présumé « progermanisme » de Dixon. Le 30 janvier 1917, environ 2 000 personnes s’entassèrent dans le Thomas Scott Memorial Orange Hall pour protester contre ses commentaires. Mais le chauvinisme en temps de guerre avait ses limites dans la province. La Manitoba Grain Growers’ Association reçut Dixon avec enthousiasme malgré des menaces selon lesquelles son congrès de Brandon serait perturbé. Les opposants à Dixon tentèrent de retourner contre lui les instruments de démocratie directe qui lui étaient si chers. Ils firent circuler une pétition demandant son renvoi de l’Assemblée législative pour extirper de la circonscription de Winnipeg Centre le « stigmate de la sédition ». Même si la pétition n’avait aucun statut légal, Dixon promit de démissionner si elle recevait le soutien de 25 % ou plus des électeurs de sa circonscription. Le Manitoba Free Press affirma que « tout le monde » la signait excepté les « étrangers », mais on reporta maintes fois sa présentation ; le Winnipeg Telegram annonça en plaisantant qu’elle circulerait toujours en 1927. Au bout du compte, la tentative de déloger Dixon échoua.
En 1918, l’existence de groupes d’ouvriers et de fermiers ragaillardis avait déjà amené Dixon à essayer de créer au Manitoba un mouvement uni de « producteurs de richesse », une Non-Partisan League inspirée de celles du Dakota du Nord et de l’Alberta. En juin, il écrivit à une centaine de membres potentiels, sans grand succès. Il concentra ensuite ses efforts sur le nouveau Dominion Labor Party, aile provinciale du Parti travailliste du Canada dont il devint président à l’hiver de 1918–1919. Étroitement lié aux syndicats, le Dominion Labor Party refléta aussi les passions de Dixon en adoptant un programme de reconstruction qui prônait un impôt unique sur la propriété.
Le Winnipeg d’après-guerre s’en allait vers le grand bouleversement de la grève générale [V. Mike Sokolowiski*]. Même si Dixon manquait d’expérience en matière syndicale, son sens de la justice et son courage l’amenèrent directement au cœur de l’action. Au cours de la réunion, qui deviendrait célèbre, tenue le 22 décembre 1918 au Walker Theatre, il appela à la libération des prisonniers politiques, tels les prétendus étrangers ennemis et les objecteurs de conscience. La rencontre, parrainée par le TLC et le Parti socialiste du Canada et mettant en vedette les tribuns travaillistes et socialistes les plus en vue de la ville, révéla l’identification grandissante des travailleurs aux mouvements révolutionnaires internationaux, ainsi que la convergence des forces syndicalistes et socialistes. Lorsque la grève éclata, au mois de mai suivant, Dixon l’appuya du parquet de l’Assemblée législative. Quand le rédacteur en chef, William Ivens*, et d’autres chefs des grévistes furent arrêtés le 16 juin, lui et son ami intime James Shaver Woodsworth* prirent la direction du Western Labor News du TLC, publié à Winnipeg. La semaine suivante, Woodsworth fut arrêté à son tour et on interdit la publication du journal. Dixon se cacha, mais continua de le publier, d’abord le 24 juin en une édition spéciale du Western Star et les deux jours suivants sous le titre Enlightener. Lorsque Ivens fut libéré sous caution, Dixon se rendit lui-même aux autorités, fut emprisonné pour une courte période, puis libéré le 28 juin.
Le procès en diffamation de Dixon, tenu du 29 janvier au 16 février 1920, devint une cause célèbre. Même s’il bénéficiait des conseils des éminents juristes Lewis St George Stubbs et Edward James McMurray, il choisit d’assurer sa propre défense. Le litige portait sur le discours qu’il avait prononcé au Walker Theatre et sur d’autres allocutions, ainsi que sur trois de ses articles. Dans « Kaiserism in Canada » et « Bloody Saturday », Dixon avait critiqué la brutalité avec laquelle les autorités avaient attaqué, le 21 juin 1919, la « manifestation silencieuse » des soldats rentrés au pays et, dans son article intitulé « Alas ! The poor alien », saisi avant d’être imprimé, il déplorait le traitement des grévistes d’origine étrangère au moment de leur arrestation. Dans une plaidoirie magistrale, il se concentra sur la liberté de parole et de presse. Il fut acquitté et la couronne décida d’abandonner les charges similaires contre Woodsworth. Dixon eut fort à faire pendant le procès. Chaque jour, il courait du tribunal à l’Assemblée législative, où il pressait le gouvernement Norris de révéler les noms de ceux qui finançaient les poursuites contre les chefs des grévistes ; dans son cas, c’était le procureur général de la province. Après la grève, il entreprit une tournée de conférences avec Woodsworth pour amasser des fonds qui serviraient à la défense des accusés.
La popularité de Dixon était immense, comme en témoignèrent les résultats des élections provinciales du 29 juin 1920. La circonscription de Winnipeg City représentait dix sièges à pourvoir. Dixon arriva au premier rang parmi les 41 candidats, en recueillant presque trois fois plus de votes que le procureur général Thomas Herman Johnson*, qui finit deuxième. Malgré les dissensions sociales profondes de l’après-grève, Dixon avait triomphé dans 101 des 135 bureaux de scrutin de la ville. Il prit la tête des 11 députés travaillistes. Les années qui suivirent la grève s’avérèrent difficiles pour le type de libéralisme qu’il défendait. Le mouvement travailliste de la ville était profondément divisé entre le TLC, de plus en plus conservateur, et le nouveau mouvement, One Big Union, plus radical. Afin de se distancier de ces querelles, certains travaillistes modérés, d’anciens chefs de grévistes et des dirigeants de groupes d’intérêt se réunirent pour former le Parti ouvrier indépendant en novembre 1920 avec Dixon à sa tête. Le nouveau parti connut un certain succès, avec des représentants élus au provincial et au fédéral.
Même s’il fut réélu en juillet 1922 comme premier des 43 candidats de sa circonscription, Dixon fut bientôt écrasé par des tragédies personnelles. La mort de son fils de 2 ans en 1920, suivi de celle de sa femme en 1922, puis la disparition de sa fille de 9 ans et de sa belle-mère (qui avait veillé sur les enfants) en 1924, minèrent son moral. Il démissionna de son poste de député en juillet 1923 en raison d’un cancer de la peau et suivit de nombreux traitements. Il avait été vendeur d’assurances à temps partiel pour la Confederation Life Assurance Company depuis 1919 et travaillait alors à plein temps quand sa santé le lui permettait. Il retourna à la vie publique une seule fois, pour participer aux travaux d’une commission provinciale sur le chômage saisonnier, de novembre 1927 au début de 1928. Parmi ses recommandations, la commission proposa la création d’un programme national d’assurance-chômage. Dixon mourut en mars 1931.
Trois décennies plus tard, Frederick George Tipping, collègue de Frederick John Dixon pendant la grève générale, se souvenait de lui comme « sans doute l’homme le plus populaire sur la scène publique que Winnipeg ait jamais connu ». Doté d’une vaste culture et d’une expérience diversifiée, Dixon avait des talents oratoires et une passion pour la justice qui firent de lui une figure dominante de la tradition réformatrice redoutable qui émergea à Winnipeg pendant les années précédant la Première Guerre mondiale. Sa carrière montre aussi à quel point la démocratie était devenue une question de classe sociale ; Dixon choisit de se battre aux côtés des travailleurs de Winnipeg pendant les luttes épiques de 1919.
Frederick John Dixon livra, au cours de son procès pour écrits diffamatoires séditieux, un impressionnant discours publié sous le titre Dixon’s address to the jury in defence of freedom of speech, considered the most powerful address ever delivered in the courts of Manitoba, and Judge Galt’s charge to the jury in Rex v. Dixon (Winnipeg, [1920]).
AM, MG 14, B25 (Frederick John Dixon papers) ; P5607 (Jack Samuel Walker papers).— Manitoba, Ministère du Tourisme, de la Culture, du Patrimoine, du Sport et de la Protection du consommateur, Bureau de l’état civil (Winnipeg), nos 1914-134063, 1931-019331.— National Arch. (G.-B.), RG 11/1299, f.110, p.14 ; RG 12/989, f.69, p.5 ; RG 13/1156, f.45, p.14.— Manitoba Free Press, 1912–1931.— Voice (Winnipeg), 1907–1918.— Western Labor News (Winnipeg), 1918–1921.— Winnipeg Telegram, 20 mars 1917.— CPG, 1910–1931.— Harry et Mildred Gutkin, Profiles in dissent : the shaping of radical thought in the Canadian west (Edmonton, 1997).— D. N. Irvine, « Reform, war, and industrial crisis in Manitoba : F. J. Dixon and the framework of consensus, 1903–1920 » (mémoire de m.a., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1981).— Allen Mills, « Single tax, socialism and the Independent Labour Party of Manitoba : the political ideas of F. J. Dixon and S. J. Farmer », le Travailleur (Halifax), 5 (1980) : 33–56.— Martin Robin, Radical politics and Canadian labour, 1880–1930 (Kingston, Ontario, 1968).— R. St G. Stubbs, Prairie portraits (Toronto, 1954).— F. [G.] Tipping, « Vote for men in jail », Canadian Democrat (Winnipeg), 2, no 3 (avril–mai 1960) : 11–15.— Winnipeg 1919 : the strikers’ own history of the Winnipeg General Strike, Norman Penner, édit. (2e éd., Toronto, 1975).
James Naylor, « DIXON, FREDERICK JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dixon_frederick_john_16F.html.
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Auteur de l'article: | James Naylor |
Titre de l'article: | DIXON, FREDERICK JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |