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CLEARY, JAMES VINCENT, prêtre catholique et archevêque, né le 18 septembre 1828 à Dungarvan, comté de Waterford (république d’Irlande), fils de Thomas Cleary et de Margaret O’Brien ; décédé le 24 février 1898 à Kingston, Ontario.
James Vincent Cleary naquit dans une famille catholique pieuse, aux moyens modestes. Pour ses classes élémentaires, il fréquenta une école privée sélecte de sa ville natale. À 15 ans, comme il avait terminé ses études classiques et son programme d’anglais, ses parents l’envoyèrent à Rome poursuivre des études en théologie mais, deux ans plus tard, il revint étudier en Irlande quand le fonds du séminaire de Maynooth, près de Dublin, fut augmenté. Après cinq années passées à cet endroit, Cleary reçut les ordres le 19 septembre 1851. Il alla ensuite étudier à Salamanque, en Espagne, pour revenir en Irlande en 1854 enseigner la théologie dogmatique et l’exégèse biblique au St John’s College de Waterford. Neuf ans plus tard, l’université catholique d’Irlande, qui n’avait pas de charte royale, décida de se prévaloir de sa charte papale pour décerner un diplôme en théologie. Choisi pour subir le rigoureux examen public de trois jours, Cleary reçut ainsi le premier doctorat en théologie de l’université. Nommé directeur du St John’s College en 1873, il devint trois ans plus tard vicaire général du diocèse de Waterford et curé de Dungarvan.
Le pape Léon XIII annonça le 1er octobre 1880 que Cleary, élevé au rang d’évêque de Kingston, allait succéder à John O’Brien, décédé subitement l’année précédente. Consacré à Rome le 21 novembre, le nouvel évêque retourna en Irlande régler ses affaires avant de s’embarquer pour le Canada, où il fut officiellement installé dans son diocèse le 7 avril 1881. Malgré l’accueil enthousiaste qu’on lui fit, sa nomination ne plaisait pas à tous ; le choix d’un étranger plutôt que d’un Canadien en amena même certains à faire des démarches auprès de Rome.
Cleary découvrit rapidement que son diocèse avait grand besoin de ses talents d’administrateur aussi bien que de ses qualités de professeur. La négligence et les entorses à la discipline de l’Église s’étaient poursuivies impunément, et il y avait beaucoup à faire pour rétablir le diocèse sur de bonnes assises financières. Cleary consolida les dettes et emprunta de l’argent qu’il garantit par des propriétés. Dans une série de brillantes lettres pastorales rédigées à compter de mai 1881, il instruisit le clergé comme les laïques sur divers sujets, qui allaient de la dette du diocèse à la sanctification du ménage chrétien. Si ses instructions s’avéraient inefficaces, il passait alors à l’action et appliquait les sanctions prévues par le droit, tant civil qu’ecclésiastique. Ainsi gagna-t-il rapidement respect et loyauté. Durant ses 18 années d’épiscopat, il fit entreprendre ou terminer la construction d’une quarantaine d’églises sur son territoire, dont plusieurs avec l’aide de Joseph Connolly, architecte torontois réputé. Cleary surveilla la rénovation de la cathédrale St Mary, à Kingston, y compris le rajout de la chapelle St James en 1890. Entre 1883 et 1895, il fit installer dans la cathédrale des vitraux, sans pareils en Ontario et peut-être au Canada, qu’il avait lui-même dessinés.
Bien qu’il ait pris une part active aux affaires nationales lorsqu’il habitait l’Irlande, Cleary s’efforça de rester plutôt à l’écart de la politique de parti au Canada ; il intervenait toutefois s’il croyait que les intérêts de l’Église catholique étaient en jeu, en particulier lorsqu’il était question de l’enseignement catholique, engagement qu’il ne renia jamais. Sa position sur ce sujet donna lieu à maintes confrontations remarquables, qui firent d’ailleurs les manchettes, avec le directeur du Queen’s College, George Monro Grant*, et le leader de l’opposition conservatrice en Ontario, William Ralph Meredith*. Tout aussi intransigeant dans sa fidélité aux principes lorsqu’il instruisait le clergé ou les fidèles, Cleary exigeait aussi d’eux la même observance. Il n’hésitait d’ailleurs pas à exercer toute son autorité face aux récalcitrants, et même à recourir à l’excommunication. Personne n’y échappait, pas même ses confrères évêques. Il désapprouva fortement ce qu’il considérait comme un compromis excessif consenti par l’archevêque John Joseph Lynch* de Toronto au gouvernement libéral provincial d’Oliver Mowat* en décembre 1884 en ce qui avait trait à la lecture des passages de la Bible et à la prière dans les écoles publiques [V. Christopher Finlay Fraser].
La campagne que Cleary menait en faveur de l’enseignement catholique suscita fréquemment la critique de milieux aussi influents que le British Whig de Kingston ou le Toronto Mail et le Globe. Mais, comme ce dernier le reconnaîtrait au moment de la mort de Cleary, c’était là des « passes d’armes [...], ce genre de batailles que les hommes peuvent livrer dans un pays libre sans mauvaise foi et sans laisser de rancœur derrière eux ». D’autres allaient également faire l’éloge de Cleary : l’archevêque Adélard Langevin* de Saint-Boniface, en 1895, à l’occasion du débat sur la question des écoles du Manitoba, et des évêques encouragés par les prises de position lucides et énergiques de Cleary.
La grande réalisation de Cleary dans le domaine de l’enseignement – la réouverture du Regiopolis College en septembre 1896 – allait venir tard dans sa carrière, soit après son élévation à l’archevêché. Cet établissement, fondé par Mgr Alexander McDonell* une soixantaine d’années auparavant comme séminaire et collège classique, avait fermé ses portes en 1869. En 1891, Cleary vendit le vieil immeuble aux Religieuses hospitalières de Saint-Joseph qui en firent l’Hôtel-Dieu. Puis il acheta un immeuble, rue King, le rénova, remit en vigueur la charte du collège et, en novembre, ordonna une collecte de fonds dans tout le diocèse pour le financer.
En créant la province ecclésiastique de Kingston le 28 juillet 1889 et en nommant Cleary premier archevêque de l’endroit, les autorités ecclésiastiques avaient reconnu ce diocèse comme le plus ancien du Canada anglais, mais elles avaient aussi voulu rendre hommage au talent et aux réalisations de Cleary lui-même. Pendant la dernière partie de son archiépiscopat, Cleary s’occupa surtout de gérer et de régler la dette diocésaine.
D’une santé délicate, l’archevêque souffrait d’athérome et, en 1896, son état se détériora au point qu’il dut prendre du repos. Vers la fin de l’année, il se rendit à Atlantic City et à Baltimore pour échapper au rude hiver canadien. Il revint chez lui partiellement remis mais, comme sa santé déclinait de nouveau, on se rendit bien compte qu’il perdait la bataille contre la maladie. Il sombra dans le coma le 23 février 1898 et mourut le lendemain. On l’exposa à l’archevêché avant de le transférer à la cathédrale St Mary où, le 1er mars, Mgr Richard Alphonsus O’Connor de Peterborough célébra une messe pontificale de requiem devant un nombre impressionnant de dignitaires religieux et civils. On l’inhuma dans la chapelle St James.
De partout au Canada et aux États-Unis affluèrent les hommages à James Vincent Cleary, et c’est ce qu’on put lire dans le Daily News de Kingston qui les résume le mieux : « Peut-être possédait-il certains des inconvénients aussi bien que des avantages du génie. Il avait assurément un sens aigu de l’humour et nous sommes enclins à penser qu’il prenait un énorme plaisir à voir la fureur que soulevaient certaines de ses déclarations pastorales [...] Ses concitoyens de Kingston, qui peuvent difficilement s’attendre à revoir un homme comme lui avant bien des années encore, se souviendront longtemps avec respect et affection du grand érudit, du grand théologien polémiste et du grand administrateur que fut le défunt prélat. »
Arch. of the Archdiocese of Kingston (Kingston, Ontario), F (J. V. Cleary papers) ; St Mary’s Cathedral (Kingston), reg. of baptisms, marriages, and burials.— Canadian Freeman (Kingston), 2 mars 1898.— Catholic Register (Toronto), 3 mars 1898.— Daily British Whig, 26 févr. 1898.— Globe, 2 mars 1898.— Weekly British Whig (Kingston), 24, 26 févr., 3 mars 1898.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 2 : 490–491.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1 : 642–650.— L. J. Flynn, Built on a rock ; the story of the Roman Catholic Church in Kingston, 1826–1976 (Kingston, 1976).
Brian J. Price, « CLEARY, JAMES VINCENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cleary_james_vincent_12F.html.
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Auteur de l'article: | Brian J. Price |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |