BROOKING, ROBERT, ministre méthodiste, né en mars 1813 près de Tavistock, Angleterre ; en 1843, il épousa une prénommée Elizabeth, et ils eurent au moins une fille, puis en 1863 il se remaria, et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 21 décembre 1893 à Cobourg, Ontario.
Robert Brooking perdit ses parents très jeune et dut gagner sa vie dès l’âge de neuf ans. Toujours pratique et laborieux, il devint travailleur manuel et termina ses études primaires à l’école du soir. Son véritable éveil religieux date de 1832, soit un an avant que la coalition antiesclavagiste ne parvienne à faire abolir l’esclavage dans les colonies britanniques. Par la suite, ce mouvement devait pour une bonne part se transformer en croisade missionnaire destinée à diffuser le protestantisme et la civilisation britannique chez les aborigènes, en particulier en Afrique occidentale, où le funeste trafic des êtres humains avait donné lieu aux pires atrocités. À la fin de 1839, Brooking, fraîchement diplômé du Richmond Theological Institute et ordonné ministre, commença à tenir un rôle actif dans cet important épisode de l’évangélisation chrétienne. Cette année-là, la Wesleyan Methodist Missionary Society l’envoya dans la région de la Côte-de-l’Or (Ghâna, Afrique occidentale), où il prêcha durant six ans.
Sur place, Brooking travailla en étroite collaboration avec celui qui allait devenir le missionnaire wesleyen le plus efficace d’Afrique occidentale, Thomas Birch Freeman. Toutefois, ses réalisations à lui furent plus modestes. Comme il le ferait plus tard en Amérique du Nord britannique, Brooking consacra une grande part de son énergie à construire les bâtiments des missions et à entretenir des machines. En donnant ainsi l’exemple de la discipline chrétienne, il espérait détourner les indigènes de leurs chefs religieux locaux, ces « féticheurs » comme il les appelait, dont les pratiques l’épouvantaient.
En 1846, Brooking tomba malade et retourna en Angleterre pour une convalescence d’un an. On a dit que par la suite il ne se guérit jamais d’une certaine surdité. En 1847, on l’envoya dans le Haut-Canada, en grande partie pour des raisons de santé, et de fait le climat canadien lui fut bénéfique. Avec son épouse, Brooking se lança dans le travail missionnaire auprès des Indiens, d’abord au lac Rice avec Shah-wun-dais*, puis à la mission Saint-Clair. Cette expérience le prépara à relever le plus grand défi de sa carrière. En 1854, l’Église méthodiste wesleyenne en Canada, société évangélique en pleine expansion et dont le siège social se trouvait à Toronto, envoyait dans Rupert’s Land ses premiers missionnaires : Brooking, sa femme, John Ryerson* et plusieurs autres ministres du culte.
De 1854 à 1859, avec son épouse engagée tout autant que lui dans cette tâche, Brooking travailla parmi les Indiens, aux missions d’Oxford House (Manitoba) et de Norway House. Pendant la plus grande partie de cette période, il agit aussi en qualité de président du vaste district méthodiste de la baie d’Hudson. Mais l’ampleur de ses réalisations est plus facile à mesurer dans le domaine des travaux manuels que dans celui de l’administration. Dans ses rapports, il décrit avec force détails les maisons, les églises, les écoles, les clôtures, les entrepôts à poisson et les bateaux qu’il a construits à l’aide de planches laborieusement taillées. Comme toujours, ce furent les travaux pratiques nécessaires à la mise en place de l’infrastructure matérielle des missions qui accaparèrent l’immense énergie de ce pasteur.
Contrairement à certains missionnaires de Rupert’s Land, tel James Evans*, Brooking semble avoir eu peu d’intérêt pour la politique, celle de la Hudson’s Bay Company comme celle des tribus indiennes. C’est par le nombre de planches coupées, par le nombre d’âmes sauvées, qu’il mesurait le travail accompli. Dans les rares cas où il formula une opinion politique, il se rangea du côté de la Hudson’s Bay Company. Ainsi, en 1858, il accusa les trafiquants indépendants qui défiaient le monopole de traite de la compagnie d’exploiter et de débaucher les Indiens. Il écrivit alors : « Les philanthropes du Canada fer[aient] bien d’étudier les meilleurs moyens de protéger les pauvres Indiens contre cette catégorie de gens. »
Brooking retourna dans les missions indiennes moins vastes du Haut-Canada en 1860 et s’installa dans la réserve de Rama, sur le lac Couchiching. Il perdit sa première femme en 1862, quelques mois après avoir été témoin de la mort de la mère de son collègue, le révérend Henry Bird Steinhauer*, Indien de la bande de Rama avec qui il avait travaillé étroitement dans Rupert’s Land. Six ans plus tard, il quitta la réserve de Rama pour œuvrer, jusqu’en 1881, dans celle de Hiawatha et en d’autres endroits de l’Ontario. Puis il s’installa à Cobourg où il semble avoir passé le reste de ses jours dans une retraite calme et sereine.
Homme bon et doux, Robert Brooking mit tout son zèle à communiquer son enthousiasme chrétien aux peuples autochtones de l’Afrique occidentale et de l’Amérique du Nord britannique. Personnage apparemment peu complexe, jamais il ne mit en doute son désir de faire le bien. Sa foi simple et inébranlable en fit un instrument efficace de l’expansion du méthodisme dans le Nord-Ouest. Sa carrière incarne quelque chose de la corrélation entre le métropolitanisme haut-canadien et l’impérialisme britannique dans la colonisation des territoires indiens du nord-ouest de l’Amérique.
UCC-C, Robert Brooking papers.— Methodist Church (Canada, Newfoundland, Bermuda), Bay of Quinte Conference, Minutes (Toronto), 1894 : 10.— John Ryerson, Hudson’s Bay ; or, a missionary tour in the territory of the Hon. Hudson’s Bay Company [...] (Toronto, 1855).— Wesleyan Methodist Church in Canada, Missionary Soc., Annual report (Toronto), 1855–1859, 1862–1863.— Cornish, Cyclopædia of Methodism.— Carroll, Case and his cotemporaries, 5 : 10.— P. D. Curtin, The image of Africa : British ideas and action, 1780–1850 (Londres, 1965).— Frits Pannekoek, « The Rev. James Evans and the social antagonisms of the fur trade society », Canadian plains studies 3 : religion and society in the prairie west, Richard Allen, édit. (Regina, 1974), 1–18.— J. H. Riddell, Methodism in the middle west (Toronto, 1946).— L. O. Sanneh, West African Christianity : the religious impact (Londres, 1983), 119–123.— J. [A.] Gallagher, « Powell Buxton and the new African policy, 1838–1842 », Cambridge Hist. Journal (Cambridge, Angl.), 10 (1950–1952) : 36–58.— H. D. Tresidder, « That old Rama Church », United Church Observer (Toronto), 15 janv. 1950 : 18.
Anthony J. Hall, « BROOKING, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brooking_robert_12F.html.
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Auteur de l'article: | Anthony J. Hall |
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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