Titre original :  Image courtesy of Whitehern Museum, Hamilton, Ont.

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BAKER, MARY JANE (McQuesten), militante sociale, née le 10 octobre 1849 à Brantford, Haut-Canada, fille de Thomas Baker et de sa deuxième femme, Mary-Jane McIlwaine ; le 18 juin 1873, elle épousa à Toronto Isaac Baldwin McQuesten, et ils eurent cinq filles, dont l’une mourut en bas âge, et deux fils ; décédée le 7 décembre 1934 à Hamilton, Ontario.

Le père de Mary Jane Baker avait servi dans la marine royale avant de devenir ministre du culte. Calviniste animé d’un fervent esprit missionnaire, il se rendit en 1835 dans le Haut-Canada pour œuvrer au sein de la première église congrégationaliste à Kingston. Tout au long de son ministère, qui l’amena à Paris, Brantford et Newmarket, il défendit le droit des femmes à l’instruction et à la participation aux réunions ecclésiales. Imprégnée de valeurs religieuses et militaires, notamment la moralité, la discipline et la responsabilité sociale, la jeune Mary Jane acquerrait le courage d’user d’un franc-parler et d’exprimer ses frustrations envers les hommes d’autorité. Elle reçut une éducation classique et décrocha de bonnes notes, d’abord à la Newmarket County Grammar School, puis dans un collège de jeunes filles dirigé par une certaine « Mme Dr Burns » à Toronto.

Mary Jane épousa Isaac Baldwin McQuesten, jeune avocat prometteur et fils d’un industriel prospère de Hamilton, Calvin McQuesten*. En 1857, ce dernier avait pris sa retraite, à 56 ans, avec une fortune évaluée à environ 500 000 $. Il confia graduellement la gestion de ses finances à Isaac Baldwin qui, après la mort de son père en 1885, hérita de son imposante maison, Willowbank, que Mary Jane eut tôt fait de renommer Whitehern. Cependant, dès 1887, la situation financière du couple avait changé. Les avoirs familiaux avaient fondu à la suite des mauvais placements d’Isaac Baldwin ; en proie à la dépression, celui-ci se mit à boire, habitude qui, au moins une fois auparavant, avait mis en péril sa relation avec sa femme. Il prenait probablement aussi des opiacés. Il fut traité par le docteur Stephen Lett* à la Homewood Retreat, près de Guelph. Dans une lettre à son demi-frère Calvin Brooks McQuesten, il avoua qu’il avait souvent fait l’expérience d’une « excitation malsaine » suivie de « torpeur » ; au moins deux de ses enfants semblent avoir souffert de maladie mentale et Mary Jane elle-même demanderait des traitements après une dépression nerveuse en 1897.

Isaac Baldwin McQuesten mourut subitement à son domicile le 7 mars 1888, à l’âge de 40 ans. Sa mort serait attribuable à la prise combinée de médicaments, de somnifères et d’alcool. La rumeur courut qu’il s’agissait d’un suicide, en particulier parce qu’il était ruiné, avec des dettes totalisant 900 000 $ et des actifs de 9 000 $. Laissée seule avec six enfants âgés de 2 à 14 ans et disposant de peu de ressources (des titres bancaires et des revenus de location de quelques propriétés), Mme McQuesten prit sa famille en main. Elle croyait que ses enfants Ruby Baker et Thomas Baker* étaient capables d’embrasser des carrières professionnelles, mais que seul le garçon avait des chances de toucher un bon salaire et de restaurer le statut social de la famille. Comme elle avait peu d’argent pour le faire instruire, elle décida que Ruby Baker, plus âgée, enseignerait dans un collège presbytérien d’Ottawa – Mme McQuesten s’était convertie au presbytérianisme après son mariage – et enverrait à la maison une bonne partie de sa rémunération pour payer les frais universitaires de Thomas Baker. Ruby Baker continua de travailler bien longtemps après avoir contracté une toux chronique et mourut de tuberculose en 1911. Tout juste quatre ans auparavant, son frère avait obtenu son diplôme et commencé à jouir d’un revenu.

Les enfants McQuesten resteraient proches de leur mère et de son influence morale tout au long de leur vie. Aucun d’eux ne se marierait. L’aînée, Mary Baldwin, qui, d’après Mme McQuesten, n’était pas douée pour les études ni « faite » pour le mariage, se dévoua pour son église et s’occupa des tâches ménagères avec sa sœur Hilda-Belle, qui connut une vie de réclusion semblable. Le seul projet de mariage de cette dernière fut contrecarré par sa mère, fervente partisane de la tempérance, après qu’elle eut appris que le soupirant offrait de l’alcool à d’autres hommes dans l’exercice de ses fonctions de vendeur. Margaret Edna avait obtenu une bourse pour étudier au Queen’s College de Kingston en 1904, mais elle fut incapable de terminer ses études en raison de la fragilité de son état mental. Sa « condition nerveuse » et ses épisodes d’hystérie étaient une source fréquente de préoccupation. Dans une lettre écrite en 1905, après qu’on eut envoyé Margaret Edna en thérapie, Mme McQuesten, toujours consciente du déshonneur qui affligeait déjà sa famille, informa son fils Calvin : « nous ne mentionnons pas son nom à moins que des gens ne demandent particulièrement de ses nouvelles ». Calvin était lui aussi vulnérable physiquement et mentalement. En 1896, il subit l’influence du guérisseur John Alexander Dowie, à Chicago. De retour au Canada après sa « renaissance », il entreprit des études universitaires, travailla comme journaliste, tâta de l’agriculture dans l’Ouest canadien et exerça un ministère dans cette région ainsi qu’en Ontario et au Québec (il démissionna de deux postes en trois ans pour cause d’« insomnie ») ; deux livres qu’il écrivit sur des thèmes religieux ne furent jamais publiés.

Lorsque ses enfants étudiaient ou travaillaient à l’extérieur de la ville, Mme McQuesten – elle signait M. B. McQuesten – leur écrivait constamment. Nombre de ses lettres ont été conservées. Ce corpus de correspondance révélerait son rôle de matriarche victorienne stricte et ses efforts pour modeler ses enfants d’après ses valeurs presbytériennes. Dans une lettre, elle rappela à Thomas Baker le besoin « de faire son possible et de prier avec ferveur […] pour répondre aux attentes de notre Sauveur ». Dans une autre, elle raconta un potin local : « Mme Bennett dit que les fils du Dr Barclay sont des fêtards et des buveurs invétérés. Quel triste monde. » Les préoccupations personnelles, notamment les ennuis d’argent et de santé de la famille, faisaient souvent l’objet de discussions. Mais Mme Questen abordait aussi des sujets plus agréables, comme son travail au sein d’organismes missionnaires et l’état de son jardin. Au printemps de 1915, elle écrivit : « Les arbustes sont beaux cette année, l’hiver a été si doux, le forsythia [va] très bien et le japonica [est] en fleurs, le prunier bourgeonne aussi, de même que les tulipes. »

Malgré les nombreuses difficultés que Mme McQuesten dut affronter pour élever seule ses six enfants, elle consacra beaucoup de temps et d’énergie à des causes religieuses et sociales. Membre active de la Woman’s Foreign Missionary Society (WFMS) de l’Église presbytérienne au Canada (division de l’Ouest) [V. Marjory Laing*] pendant plus d’un demi-siècle, elle travailla inlassablement pour cette société et assura pendant 25 ans la présidence de l’organisation presbytérale de la WFMS à Hamilton ; elle apporta également sa contribution à la Women’s Missionary Society de l’église presbytérienne MacNab Street (où elle pratiquait ses dévotions) et à la Women’s Home Missionary Society. En 1906, elle parcourut l’Ontario et l’Ouest afin d’établir des sections auxiliaires de la WFMS et d’inspecter les écoles de mission, entre autres celle de la colonie des monts File, en Saskatchewan [V. William Morris Graham]. Elle participa à la fondation de la Young Women’s Christian Association à Hamilton pour répondre aux besoins des jeunes femmes voyageant seules ; l’organisme deviendrait célèbre pour son école de sciences domestiques [V. Adelaide Sophia Hunter*]. Mme McQuesten était également membre du National Council of Women of Canada ; cependant, sans doute en raison du manque d’orientation clairement chrétienne de l’organisme (ses membres avaient décidé de ne pas commencer les réunions par une prière commune), elle accorda sa préférence à ses autres affiliations. En 1923, à l’âge de 73 ans, elle prononça des conférences publiques contre l’union des Églises [V. Clarence Dunlop Mackinnon ; Ephraim Scott], arguant que cette décision aurait pour effet de dissoudre l’Église presbytérienne dans l’Église unie et de la reléguer dans « l’obscurité ». « Si nous, les femmes, ne pouvons participer à l’assemblée générale et voter, soutenait-elle, nous allons leur montrer que nous pouvons faire quelque chose pour bloquer cette union des Églises. » Elle était probablement préoccupée par la menace de perte d’autonomie que le projet faisait peser sur les sociétés missionnaires féminines. Même si l’unification des Églises ne serait pas empêchée, environ le tiers des églises presbytériennes, dont celle de Mme McQuesten, refusèrent d’y adhérer.

Mary Jane McQuesten succomba à une hémorragie cérébrale le 7 décembre 1934. Thomas Baker, qui était devenu député, ministre dans le gouvernement provincial de Mitchell Frederick Hepburn* et une personnalité importante de Hamilton, en particulier grâce à son travail dans l’aménagement des parcs municipaux, ne manquait jamais de rendre hommage à sa mère pour le rôle qu’elle avait joué dans la formation de ses goûts et de sa vision des choses. Dans la notice nécrologique que le Hamilton Herald consacra à Mme McQuesten , on lut : « Parmi les valeurs qu’elle lui a transmises, un amour pour la beauté n’est pas la moindre, [et ce sentiment] était suffisamment intense pour se déployer et influencer l’aspect d’une grande ville […] De vastes secteurs de Hamilton reflètent, en dernière analyse, son amour de la beauté. » Au décès de Calvin, dernier survivant de la famille, Whitehern fut léguée à la ville de Hamilton avec tout son contenu et, en 1971, devint un musée. La maison, qui porte une plaque historique de l’Ontario, est un hommage à l’esprit tenace de Mary Jane McQuesten.

Mary J. Anderson

Plus de 3 000 lettres de famille, dont un grand nombre que Mary Jane Baker (McQuesten) a écrites à ses enfants, sont conservées à la Whitehern Historic House and Garden à Hamilton, en Ontario. Cette correspondance, qui donne un portrait exceptionnellement détaillé de la vie personnelle des membres d’une famille de la haute bourgeoisie au cours des périodes victorienne et édouardienne, est infiniment précieuse pour les historiens. Une grande partie de ces lettres se trouvent à Whitehern Museum Archives, « An online history of the McQuesten family » : www.whitehern.ca (consulté le 26 janv. 2013), ainsi que dans notre thèse de doctorat, « The life writings of Mary Baker McQuesten (1849–1934) : Victorian matriarch of Whitehern » (thèse de ph.d., McMaster Univ., Hamilton, 2000), et dans le livre que nous avons édité, The life writings of Mary Baker McQuesten : Victorian matriarch (Waterloo, Ontario, 2004). Nous avons par ailleurs publié Tragedy & triumph : Ruby & Thomas B. McQuesten à Dundas, en Ontario, en 2011. Le DHB, vol. 3–4, est une autre source de renseignements sur la famille ; de plus, deux livres portent sur l’un des fils de Mme McQuesten : Roland Barnsley, Thomas B. McQuesten (Markham, Ontario, 1987) et J. C. Best, Thomas Baker McQuesten : public works, politics, and imagination (Hamilton, 1991). Ruth Compton Brouwer, New women for God : Canadian Presbyterian women and India missions, 1876–1914 (Toronto, 1990), et N. K. Clifford, The resistance to church union in Canada, 1904–1939 (Vancouver, 1985), étudient en détail deux des causes dans lesquelles Mme McQuesten s’est activement engagée.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Mary J. Anderson, « BAKER, MARY JANE (McQuesten) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/baker_mary_jane_16F.html.

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Auteur de l'article:    Mary J. Anderson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2016
Année de la révision:    2016
Date de consultation:    28 novembre 2024